Libération surprise des mis en cause dans les affaires CIH et BP. L'impact sur la population est très mauvais. Dans la cour spéciale de justice, il y a un mot de trop : justice. Ce tribunal d'exception, en principe réservé à la sauvegarde des deniers de l'Etat, politise toutes les affaires qui sont de son ressort. Quand quelque part on a décidé de lancer cette machine sur les affaires CIH et Banque populaire, c'était pour des raisons politiques. L'affaire Banque Chaâbi Paris traînait depuis 4 ans, celle du CIH est connue dans ses moindres recoins depuis la nomination de Abdelwahed Souhaïl, injustement évincé ensuite.Le lancement du processus judiciaire était donc une décision politique, dont les visées ne sont pas clairement perceptibles. Seulement ceux qui ont pris la décision ont vite fait de déchanter. Les deux affaires condamnent le système en entier et non pas deux commis de l'Etat indélicats, ou supposés tels. Les deux banques ont servi de vaches laitières au système et à ses affidés. Ni Moulay Zine Zahidi, ni Abdellatif Laraki n'étaient prêts à couvrir le pouvoir, centre névralgique de tous les dépassements et véritable “couverture” de la prévarication pendant 40 ans. Face à cette situation, les deux procès sont explosifs. La cour spéciale de justice est de nature la moins indépendante des cours. Or, malheureusement, à tort ou à raison peu de Marocains croient en l'indépendance de leur justice. Dès lors, la décision de libérer les détenus paraît comme une reculade politique et le refus du pouvoir d'aller à un procès du système qui mettrait en cause des symboles du régime. Cette interprétation prévaut et il est fort à parier que c'est la juste interprétation. Le problème de l'impunité en matière économique prend des proportions énormes. Alors que bien évidemment nul n'ignore dans ce pays qu'il y a peu de fortunes honnêtes et le système politique est impliqué jusqu'au cou dans la rapine. Sortie hasardeuse Ceci méritait un débat national. Les crimes économiques dans ce pays sont importants. Pour des raisons multiples, ils impliquaient non seulement la haute administration mais aussi les cercles les plus influents du pouvoir. A tel point qu'il était impossible d'avoir des marchés publics sans les acheter. Or, l'Etat était le seul client solvable à l'époque. Beaucoup de tartuffes qui plaident aujourd'hui la transparence ont d'abord fait leur beurre dans cet environnement. La politique de l'Etat était biaisée en faveur des grands groupes. Le nouveau règne et Sa Majesté Mohammed VI n'étaient pas impliqués dans ce jeu mafieux. Mais il est clair que des procès réguliers ne peuvent que se transformer en procès du régime avec les risques que cela comporte. La solution aurait été dans une sortie par le haut, blanchissant le passé mais étant ferme sur la nouvelle ère. Au lieu de cela, des comportements douteux ont perduré et on a voulu sortir le serpent des mers. Aujourd'hui, on recule après avoir tenté la justice spectacle. Les effets en sont désastreux, surtout après la publication de l'interview de Moulay Zine Zahidi. Reste que le problème n'est plus judiciaire. Il est éminemment politique. Ce n'est pas en envoyant deux zigotos en prison qu'on effacera 40 ans de rapine organisée par le haut. Seul le courage politique peut éviter qu'un régime qui s'inscrit dans la continuité puisse effacer le passé. Pour ce faire, nous pensons qu'il est impératif que les voleurs des deniers publics remboursent d'abord avant d'être blanchis. Cela servira d'exemple pour l'avenir. Cette condition sine qua non aura également des effets positifs sur l'opinion publique qui avait applaudi l'ouverture de ces dossiers. Ouverture qui devra marquer la fin de l'impunité.