Alors que les autorités algériennes concernées cautionnent la thèse affirmant que les attentats du mardi dernier sont l'œuvre d'Al-Qaïda pour le Maghreb islamiste, les experts en la matière n'excluent pas d'autres pistes. Surtout lorsque les enjeux internes et externes sont énormes. Les déclarations sur le champ du ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, ne semblent pas convaincre les Algériens. Lorsqu'il dit «qu'il n'y a pas de défaillance», et que le «GSPC est en perte de vitesse», il prouve encore une fois qu'il est toujours à côté de la plaque. Le même Zerhouni, n'avait pas, lors du précédent attentat, visant il y a quelques mois le siège de la Primature, affirmé que des parties étrangères étaient derrière cet horrible acte sans pour autant les désigner. Et, par la suite, il avait changé de position pour accuser de nouveau l'ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien. Depuis, on n'entend plus rien, ni sur cet attentat ni sur l'aboutissement de l'enquête. Ces deux attentats, qui ont visé cette fois des cibles «privilégiées», à savoir les locaux du HCR, du Pnud et du Conseil constitutionnel, ne peuvent être considérés comme étant seulement de simples défis à l'égard du gouvernement et au chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, mais à tout l'establishment algérien, l'armée en tête. Même si cette dernière place les autorités sécuritaires au-devant de la scène. La Grande muette, qui reste muette, veut, à tout prix faire porter le chapeau de la défaillance sécuritaire aux hommes du Président. Ces derniers, qui avaient accepté de jouer la pièce intitulée « Réconciliation nationale avec les islamistes ». Un projet qui, non seulement n'a jamais abouti, mais s'est avéré être un fiasco. Pour preuve, la poursuite des attentats qui deviennent de plus en plus meurtriers et de plus en plus ciblés. Selon un expert français, spécialiste du dossier sécuritaire en Algérie, qui préfère garder l'anonymat, les attentats vont se poursuivre, car les enjeux sont énormes et les tiraillements au sommet camouflés certes, ne cessent de s'élargir. Pour cet expert chevronné, le flou persistant autour de la gouvernance, encourage les commanditaires de ces attentats, djaïnismes ou autres, à intensifier leurs attaques, et de marquer plus de points. Les terroristes profitent de cette situation pour revenir en force sur la scène et démentir les propos du ministre de l'Intérieur qui exclut toute défaillance, en affirmant que «les résultats au jour le jour des services de sécurité et le démantèlement de plusieurs réseaux prouvent le degré de pénétration et du renseignement». Adopter à l'unanimité la thèse confirmant que ces attentats sont du ressort d'Al-Qaïda pour le Maghreb islamique, est la position la plus facile à prendre. Surtout que les services de sécurités algériens n'ont jamais trouvé de traces ni d'indices appartenant aux kamikazes, sauf lorsqu'un ou des mouvements islamistes revendiquent ces opérations. Certains analystes politiques algériens, accusés d'aimer la science-fiction, laissent entendre que ces attentats pourraient être des messages en provenance de l'étranger. Ils estiment qu'ils pourraient être les conséquences des promesses non tenues par les responsables algériens, notamment dans le domaine des hydrocarbures. Ce que dément catégoriquement, Abdel Aziz Belkhadem, l'actuel Premier ministre et Secrétaire général du FLN. Ce dernier qui vient, il y a quelques jours de dévoiler les options du 3ème mandat, qu'allait briguer le président Bouteflika. Le silence de la grande muette Les Algériens les mieux avertis savent parfaitement l'importance et la gravité de ce message-attentat. Les deux cibles, la Cour suprême, à Ben Aknoun, et les bureaux du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) et du Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), à Hydra, un des quartiers les plus sécurisés de la capitale, où résident un grand nombre de responsables militaires et politiques du pays, ne sont pas ordinaires. Si le ministre de l'Intérieur tente de généraliser ces actes en disant «qu'aucun dispositif n'est étanche à 100%», cela pourrait dire que d'autres attentats pourraient se reproduire. Quoi qu'il en soit, ce qui s'est passé ne fait que consolider les positions de l'armée qui avait prouvé, par le passé, et à maintes reprises, qu'elle était la seule capable d'endiguer cette vague de terrorisme, même au prix fort. D'ores et déjà, des voix se sont levées hier à Alger pour revendiquer la nécessité de confier la sécurité interne du pays à l'armée. Surtout lorsque le ministère de l'Intérieur, a, dans un communiqué, fait savoir qu'il a détecté plusieurs voitures piégées à la veille de ces attentats. Si la Grande muette reste muette, pour l'instant, c'est qu'elle veut que tout le monde, sans exception, ait recours à elle. Et que la thèse véhiculée auprès des occidentaux par Bouteflika selon laquelle l'armée doit se professionnaliser et cesser de s'ingérer dans les affaires internes de la gouvernance, à savoir, la politique, ne tient plus debout. Notamment, que son projet de réconciliation avec les islamistes est mort-né. Quelles ques soient les critiques formulées à l'égard de l'armée, les algériens, dans leur majorité, préfèrent aujourd'hui le retour de la stabilité et de la sécurité, même si le passage obligé à cette situation, est l'institution militaire. Mais, on apprend que les dirigeants de cette dernière n'interviendront pas avant d'avoir carte blanche dans tous les domaines. En d'autres termes, avoir un droit de regard sur tout. Face à ce scénario, les observateurs estiment que le chef de l'Etat qui a résisté jusqu'à présent, finirait par céder au cas où de nouveaux attentats se produiraient. Surtout que ces derniers ont montré l'existence de défaillances sécuritaires à plusieurs niveaux de l'establishment algérien. Ce double attentat commis dans des zones très sécurisées, montre en tout cas que le mouvement des «Djihadistes », s'il a subi des pertes considérables ces deux derniers mois comme l'affirment les autorités algériennes, conserve sa capacité de nuisance et de déstabilisation du système. Frapper, comme il vient de le faire, le coeur de la capitale, visant des cibles privilégiées, prouve que le fléchissement s'est produit du côté des autorités sécuritaires officielles et non du côté des terroristes. Le pouvoir algérien ne pourra rassurer les citoyens et maintenant les étrangers vivant sur son territoire, que s'il arrivait à mettre fin à ce genre d'attentats. Cet objectif ne pourra se réaliser avec le dispositif actuel mis en place par le ministère de l'Intérieur, qui a essuyé des revers cuisants et consécutifs ces derniers mois. Reste à savoir maintenant quel sera le prix du retour de l'armée sur scène ? Jusqu'à présent les généraux préfèrent attendre, laisser le temps au temps, comme disait un jour, Abdelmalek Guenaïzia, le ministre délégué à la Défense, qui revient au fil des jours en force. Pourtant, c'est le président de la république qui est le ministre de la Défense.