Rapports soignant / soigné Les Marocains, pour beaucoup, ont de moins en moins honte d'aller consulter un psychologue ou psychiatre. Toujours est-il que le coût assez élevé des consultations en psychiatrie fait qu'unegrande partie des personnes, nécessitant un traitement psychiatrique ou psychologique, préfèrent recourir aux services d'un guérisseur ou d'un fkih... Amina.B a 31ans. Depuis un peu plus de dix ans maintenant qu'elle souffre de certains troubles mentaux, cette jeune femme n'a plus de vie sociale. «Elle est devenue soudain bizarre, confie une de ses sœurs, on ne la reconnaissait plus. Elle n'était plus la jeune fille sociable et agréable que nous connaissions. Elle était devenue très silencieuse, solitaire, souvent songeuse... mais on n'a rien vu venir en fait. Ce n'est que quand elle a commencé à avoir des comportements extravagants que nous avons compris qu'elle allait mal. Elle riait sans raison, tenait des propos insignifiants, critiquait et intimidait tout le monde...». Jusqu'à ce stade, Amina ne présentait pas vraiment un danger, ni pour sa famille, ni pour son entourage. On ne voyait donc pas l'intérêt de l'emmener chez un psychiatre ou un psychologue. Pire encore, pendant plusieurs années, sa mère et ses sœurs (avec qui elle vivait) la cachaient des voisins, des amis, de l'entourage...et même du reste de sa propre famille. Ce qui n'a évidemment fait qu'intensifier la gravité de son état. L'affaire n'a explosé , selon quelques autres membres de sa famille (eux-mêmes très tardivement avisés de la maladie d'Amina), qu'un jour de l'Aïd, où toute la famille était réunie. Amina avait tout simplement piqué une de ces crises qui la frappaient très souvent, sans que personne n'intervienne. Violence doublée de délire en ce jour de l'Aïd, et «le secret» est dévoilé devant toute la famille, et d'une manière on ne peut plus désagréable... La honte de reconnaître la maladie d'Amina, d'agir vite et de l'aider à se rétablir, lui aurait coûté très cher. Quand son frère, tardivement informé de la maladie de sa petite soeur, a décidé d'agir, il était trop tard : elle était devenue «quasi-folle». Elle avait malheureusement dépassé, et de très loin, l'état primaire de la déprime. Le premier psychiatre consulté (au centre psychiatrique Ibn Rochd de Casablanca) leur aurait expliqué que l'état assez avancé d'Amina était le résultat d'un cumul de plusieurs années (au moins 10 ans) de déprime. Autrement dit, si Amina avait, dès ses premières années de «malaise social», pensé à consulter un psychologue, elle n'aurait certainement pas franchi ainsi le seuil de «la folie». Mais les choses étant ce qu'elles sont, Amina s'est vu, tout d'abord, interner dans le centre psychiatrique Ibn Rochd (communément connu de «36») pour quelques jours avant de «séjourner» un mois à l'hôpital «Razi» à Salé. A l'hôpital «Razi», Amina en aurait vu de toutes les couleurs. Elle se faisait maltraiter par les autres pensionnaires. Sa famille a donc décidé de la sortir de l'hôpital (apparemment pas tellement efficace). La médecine n'ayant rien donné , Amina était certainement «Mekioussa» (touchée par un démon) ou «Meskouna» (possédée), c'était du moins, l'interprétation de sa famille. Changement de programme alors. Direction: «Sidi Ali», pas très loin de Meknès, le fameux marabout qui jouit d'une grande vénération dans les milieux populaires, serait certainement plus efficace: «A Sidi Ali c'était un monde à part, se rappelle sa sœur. Partout se trouvaient des malades mentaux attachés avec de grosses chaînes. C'était terrible. Le guérisseur qui a vu Amina lui a juste fait boire de «l'eau bénite», il nous a, par la suite, demandé de lui ramener un bouc (!) à sacrifier au marabout si l'on souhaite un prompt rétablissement à ma soeur...nous ne sommes plus revenus depuis». A présent, Amina est rentrée chez elle. Elle est devenue absolument dépendante de sa famille, de ses psychotropes surtout... Moralité? Ne jamais hésiter une seule seconde à consulter un psy dès que l'on commence à se sentir «mal dans sa tête». La famille d'Amina est l'exemple type de la famille marocaine, conservatrice, cachottière, encore honteuse de la maladie mentale, voire intolérante. Une étude menée au centre psychiatrique de Casablanca a, toutefois, dévoilé deux conceptions presque contradictoires de la maladie mentale. La première «traditionnelle» selon laquelle toute maladie mentale est due à la possession, la magie ou autre cause métaphysique. Ces gens n'agissent généralement que trop tard, pour cela ils n'hésitent pas à solliciter les services d'un guérisseur traditionnel, d'un fkih ou d'un charlatan pour se faire soigner. La deuxième conception «moderne» de la maladie mentale, est celle de personnes souvent assez instruites qui croient en la médicalisation de ce problème et estiment que seuls un psychiatre ou un psychologue sont aptes à traiter ce genre de maladies. Cependant, même parmi cette dernière catégorie, rares sont les personnes qui prévoient le mal, et le combattent à la source. Tout simplement, en consultant un psy aussi souvent qu'ils en ressentent le besoin...sans honte ni préjugés... Psychiatre et psychologue Ce qu'il faut savoir pour faire la différence... faire la différence... Un psychiatre est un docteur en médecine qui a suivi une formation médicale d'au moins 11 ans (7 années de médecine générale + 4 années de spécialité). Un psychiatre s'occupe des maladies mentales qui nécessitent un traitement médical ou une hospitalisation. Il a pour rôle d'établir un diagnostic et de prescrire les médicaments nécessaires. Le psychiatre ne fait généralement jamais de thérapies proprement dites. Il fait cependant des psychothérapies (thérapie par des moyens psychiques, fondés généralement sur la relation personnelle qu'entretiennent le thérapeute et le patient, et dans laquelle le transfert joue un rôle très important), on l'appelle dans ce cas un médecin psychothérapeute. Un psychologue n'est pas un médecin. Son cursus universitaire commence à la faculté des lettres où il étudie la philosophie, les sciences humaines et enfin la psychologie. Le psychologue s'intéresse à la partie psychologique du problème. Il traite avec la parole, le dialogue, l'écoute et la discussion, sans jamais prescrire de médicaments. Il utilise, selon les cas, la thérapie comportementale cognitive, la thérapie familiale, la psychothérapie ou autres.