Hassan Rachidi, le chef du bureau d'Al-Jazeera à Rabat, a été accusé par des journaux algériens d'avoir reçu d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, des images d'attentats en Algérie. Une accusation que certaines parties en Algérie ont essayé d'exploiter à fond pour régler leur compte avec la chaîne Al-Jazeera et pour jeter le discrédit sur le journal du Maghreb qui est fait entièrement par le bureau de la chaîne à Rabat, et où l'Algérie a chaque jour, une place de choix. Le 5 novembre dernier, deux journaux algériens, Annahar et Liberté, avaient révélé qu'un responsable de la branche armée d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, présenté comme l'intermédiaire entre le groupe terroriste et la chaîne Al-Jazeera pour la fourniture d'images d'attentats, s'était rendu aux autorités algériennes. L'homme en question était connu sous le pseudonyme Abou Abderrahmane et était désigné par ses seules initiales «K.L». Abou Abderahmane aurait indiqué aux enquêteurs algériens qu'il transmettait des images concernant les activités d'Al-Qaida au Maghreb pour être diffusées sur la chaîne Al-Jazeera, par le biais du directeur du bureau de Rabat Hassan Rachidi. Des informations publiées par la presse algérienne et reprises par la presse au Maroc, avançaient que les services secrets américains et marocains enquêtaient sur le degré de crédibilité des propos d'Abou Abderrahmane. L'info a été démentie par Hassan Rachidi lui-même depuis Doha où il se trouve actuellement, en séjour prolongé, depuis que l'affaire a éclaté. Dans une déclaration à la presse, Hassan Rachidi avait annoncé qu'il n'avait jamais rencontré Abou Abderrahmane et qu'il ne faisait que transmettre les messages «qu'il recevait comme n'importe quel journaliste de la chaîne. Rachidi a déclaré qu'il transmettait des images d'attentats qui avaient eu déjà lieu et non pas des attentats en préparation, sinon il risquait d'être complice». Jeudi 14 novembre dernier, la chaîne de télévision Al-Jazeera avait réaffirmé sa confiance dans son directeur à Rabat. Dans un communiqué publié le même jour et repris par la presse marocaine, la direction d'Al-Jazeera affirme que Hassan Rachidi «a traité les informations qu'il recevait d'Al-Qaïda au Maghreb, conformément aux strictes règles professionnelles. Les tentatives de désinformation engagées par certaines parties n'empêcheront pas Al-Jazeera de jouer pleinement son rôle d'information comme tout média international qui recherche la vérité… Al-Jazeera affirme en effet que le directeur de son bureau à Rabat n'a pas enfreint les règles du métier dans son traitement des informations qui lui parviennent». Le communiqué ne nomme pas les parties incriminées, mais on sait déjà le climat de tension qui existe entre la chaîne qatarie et les autorités algériennes. Depuis quelques années, Al-Jazeera n'est plus autorisée à couvrir les événements en Algérie, les relations diplomatiques entre les deux pays étaient au point mort. Cette affaire d'Abou Abderrahmane tombait à point nommé pour les officiels algériens pour régler leur compte avec la chaîne et en même temps semer le trouble du côté marocain en accusant un journaliste qui travaille à partir du bureau de Rabat d'être de mèche avec l'ex-GSPC. Hassan Rachidi a nié tout contact entre les autorités algériennes et la direction d'Al-Jazeera à Doha sur ce sujet, contrairement à ce qu'avait indiqué le journal Assabahia. Ce journal avait indiqué que les autorités algériennes avaient entamé des contacts avec les responsables d'Al-Jazeera à Doha sur les propos d'Abou Abderrahmane, or, rien de cela n'a eu lieu. L'information au sujet de l'intérêt des américains pour cette affaire, publiée par la presse algérienne est aussi grave. Elle nous rappelle le cas de Sami El Hadj, le cameraman d'Al-Jazeera capturé en Afghanistan et transféré à Guantanamo. Elle nous rappelle aussi le cas de Tayssir Alouni, incarcéré en Espagne accusé d'être en relation avec Al-Qaida. Le personnage d'Abou Abderahmane est aussi énigmatique, certains doutent même s'il existe réellement. Les informations publiées à son sujet affirment qu'il était chargé par, Abdelmalek Droukdel, le chef de la branche maghrébine d'Al-Qaïda de coordonner avec Al-Jazeera la communication du groupe islamiste en Algérie et d'animer des forums salafistes et djihadistes pour le compte d'Al-Qaïda sur Internet. Selon la même source, Abou Abderahmane envoyait régulièrement des images et des photos d'attentats commis en Algérie à la chaîne satellitaire avec laquelle il était en contact permanent. Il procédait au montage d'images d'attentats filmées par des activistes d'Al-Qaïda en Algérie avant de les transmettre à Al-Jazeera via Internet. Un journal très Maghreb Le 15 novembre 2006, Al Jazeera avait décidé de lancer un journal télévisé quotidien à partir du bureau de Rabat. Le démarrage officiel du journal du Maghreb a eu lieu, lors d'une cérémonie dans un palace de la capitale, où ont été invitées les classes politique et médiatique marocaines. Rares étaient les personnalités de premier rang qui avaient répondu à l'invitation, à part Saâd Edine El Othmani et des figures de la gauche Radicale. Le journal du Maghreb de la chaîne Al Jazeera, avait soulevé depuis le début, la question de la conformité du journal aux directives de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA). Selon un responsable de la HACA, Al Jazeera n'a pas besoin d'autorisation pour diffuser son journal du Maghreb, puisque le bureau de Rabat ne diffuse pas sa production à partir du Maroc, mais de Doha. Pour ce qui est du respect de la pluralité politique, Ahmed Ghazali, le président de la HACA avait affirmé lors d'un point de presse sur cette question à Rabat, à la veille des élections législatives du 7 septembre dernier, que la HACA compte sur le professionnalisme et le respect de la déontologie de la part des journalistes du bureau de Rabat. Sur cette question, plusieurs acteurs politiques de la gauche accusent ouvertement Al Jazeera de favoriser les sensibilités proches du courant islamiste au Maroc. Ils donnent comme preuve le choix des invités lors du journal du Maghreb qui sont majoritairement proches des islamistes. Un sit-in de protestation avait même été programmé par des figures de la gauche pendant la campagne électorale pour protester contre ce favoritisme. Finalement, la protestation n'a pas eu lieu, les gauchistes ne voulaient pas couper le relais avec le journal du Maghreb.