Berrechid Cette année aussi, la zone industrielle et la ville de Berrechid n'ont pu échapper aux inondations causées par les récentes intempéries. Les opérateurs économiques et les habitants dénoncent la passivité des autorités de tutelle. Désormais, une intervention urgente s'impose. Tout porte à croire que le scénario catastrophe que connaît le plateau de Ben Ahmed, en période de fortes averses, est en phase de banalisation. En effet, les pluies diluviennes du samedi 23 et du dimanche 24 novembre ont, encore une fois, causé d'énormes dégâts. Faisant partie de ce plateau, la ville de Berrechid a succombé à la force de la nature, subissant ainsi les foudres du ciel et la boue des oueds en crue. Pour ne pas déroger à la règle imposée par les inondations de décembre dernier, la principale zone sinistrée, lors des dernières intempéries, est celle des industries (zone industrielle de Berrechid). Une zone censée décongestionner la Z.I de Casablanca et donner une nouvelle dynamique à l'activité économique de la région, mais dont le choix du site a été assez controversé. Personne ne niera les efforts déployés, il y a quelques années, par les autorités locales pour promouvoir la nouvelle zone industrielle de Berrechid. Les résultats de cette campagne «publicitaire» se sont fait ressentir à travers l'installation d'importantes unités de production comportant quelques fleurons de notre économie. Toutefois, la promotion à elle seule n'est pas suffisante pour encourager l'implantation des industries, surtout après les dégâts que la zone a subis suites aux intempéries du 25 décembre 2001 et la reproduction du même scénario suite aux récentes précipitations. Désastres qui n'ont pas manqué d'animer les débats, dont celui de la création de cette zone industrielle toute proche du lit d'un oued. Un oued réputé pour ses crues. Quant aux récentes intempéries, l'impact a été, pour le moins, foudroyant. En effet, sur les 85 unités de cette zone industrielle si bien promue, le tiers a été fortement sinistré par les inondations. Ces dernières ont aussi paralysé toute l'activité économique de la région en rendant impraticable le réseau routier et autoroutier. Les mêmes faits que l'année précédente mais à un degré plus important puisque plusieurs patrons d'industries sinistrées ont attesté que les inondations ont atteint des niveaux nettement plus élevés que ceux constatés l'année précédente. Pourtant, l'aberrant dans cette tragédie est que suite aux inondations de décembre 2001, ces mêmes industriels, conscients des préjudices causés par ces intempéries, ont plus d'une fois sonné l'alarme et attiré l'attention des autorités de tutelle sur la gravité de la situation. Compte tenu de la nature de la zone, des interventions immédiates devaient être enclenchées afin de limiter les risques d'inondation. En d'autres termes, les pouvoirs publics devaient mettre en place l'infrastructure nécessaire pour contenir les inondations, soit des murs de fortification soit des canalisations efficaces afin d'évacuer le surplus d'eau dû aux crues des oueds avoisinants. Des revendications justifiées qui n'ont pas trouvé de réponse. Les opérateurs ont été contraints de constater que durant l'année séparant les deux incidents, rien n'a été réalisé. Encore pire, selon certaines sources, rien ne sera fait l'année prochaine non plus puisque le budget ne le permet pas. La zone industrielle n'est pourtant pas la seule à souffrir des dernières intempéries. La ville aussi en a pâti. D'ailleurs, plusieurs quartiers ont été inondés suite aux précipitations du samedi 23 et celles du dimanche 24 novembre. Les habitants de ces quartiers se sont donné rendez-vous, en début de semaine dernière, devant les locaux du conseil municipal revendiquant la mise en place d'un réseau d'assainissement correct et le débouchage des égouts dans les plus brefs délais. Selon un participant, ce sit-in a d'ailleurs mal tourné après que certains agents d'autorité aient perdu leur sang-froid. Par ailleurs, pour le commun des mortels, voir ce genre d'incidents se répéter à intervalles proches soulève la question suivante : comment se fait-il que Berrechid soit régulièrement sinistrée et quelles sont donc les mesures à prendre afin d'éliminer tout risque d'inondations ? Selon M. Oukbab, Directeur de l'agence du bassin hydraulique du bouragrag et de la chaouya, trois oueds (Tamedroust, Lehmier, Mazer, qui ne se manifestent qu'à la suite de fortes pluies) jouent un rôle important dans les inondations de la ville de Berrechid. Ces oueds situés en amont du plateau de Ben Ahmed, se déversent sur ce dernier touchant ainsi la province de Berrechid. Depuis que ce plateau a été labouré, les circuits censés canaliser l'eau des ces oueds n'existent plus. Ainsi, lorsqu'il y a des crues, l'eau s'étend sur toute la plaine faute de canalisation et entraîne, par conséquent, des inondations. Remédier à cette situation, nécessite la mise en place d'un barrage en amont du plateau de Ben Ahmed. Parallèlement, la voie ferrée qui traverse la plaine constitue un obstacle au déversement de l'eau. Créer un réseau d'assainissement de la voie ferrée s'avère nécessaire. (digues et canal). Toutefois, Oukbab précise que l'étude concernant le barrage et le réseau d'assainissement ne sera budgétisée qu'en 2003. Entre la budgétisation de l'étude, sa réalisation, l'accord pour la réalisation du projet, sa budgétisation… combien d'autres crues seront à redouter ? Témoignage d'un chef d'entreprise Ce que nous vivons est inadmissible "Le premier fait qui a marqué la journée du lundi a été l'absence de mes ouvriers résidant à Settat en raison de l'inondation de l'autoroute et des routes nationales n° 9 et 11 reliant Berrechid à Settat. En apprenant que les alentours étaient inondés, j'ai redouté que le scénario de l'année précédente ne se reproduise. Mais en l'absence de confirmation de la part des autorités, mon usine a fonctionné comme d'habitude, le plus normalement du monde. A 11 heures, on voyait passer dans les ruelles de nos locaux, un flux continu d'eau boueuse. Ca s'est passé tellement vite, qu'on n'a même pas eu le temps de réagir. L'eau montait à une vitesse phénoménale et très vite on s'est retrouvés cernés dans nos locaux. On n'a pu en sortir qu'en sautant les murs puisque les portes étaient bloquées. Sortir de la zone n'a été possible que grâce à l'intervention des sapeurs-pompiers en zodiac. Les inondations m'ont imposé deux jours d'arrêt d'activité et causé des pertes estimées à 200.000 dirhams. Je m'estime heureux comparé aux autres sociétés touchées par les inondations et oeuvrant dans le secteur du textile ou de l'électronique. Elles n'ont toujours pas repris leur activité. Personnellement, je trouve que cette situation est inadmissible. Avant de vendre une zone industrielle, il faut d'abord la sécuriser. Ce qui n'a pas été le cas. C'est la deuxième fois en moins d'un an que nous vivons la même situation, et je pense qu'on n'est pas prêt de supporter une autre inondation. D'ailleurs plusieurs opérateurs ont décidé de déménager face au manque de sérieux des autorités de tutelle. Depuis les inondations du 25 décembre 2001, nous n'avons pas cessé de réclamer la mise en place d'infrastructures efficaces pour contenir les inondations. Bilan, rien n'a été fait. C'est inadmissible !" Les pieds dans l'eau… L'inondation a frappé sans prévenir. A la zone industrielle de Berrechid, les opérateurs ont été pris de court lorsque, vers 11 h, leurs usines ont été contournées puis submergés par les flots. Le niveau d'eau boueuse a, petit à petit, commencé à s'élever pour atteindre vers les 13 heures, dans certains points, plus de 1,5 mètre. Le niveau d'eau s'est par la suite stabilisé à 90 cm. Les zones les plus touchées sont celles situées au milieu de la zone industrielle ainsi que celle limitrophes du chemin de fer.Au moment où nous mettions sous presse, les effets de l'inondation persistent encore. Si dans certains points l'eau a cédé la place à la boue, dans d'autres, le niveau de l'eau est encore à 40 cm. Dans la ville de Berrechid, Hay El Hassani, El Ouifak et Hay Raha ont été les principaux quartiers touchés. Le niveau des eaux y a atteint près de 50 cm. Dans les douars limitrophes, notamment douar Chlouh et douar Oulad Bouazza, l'impact des inondations a été nettement plus important. Ces deux douars ont été complètement engloutis. D'ailleurs, en traversant l'autoroute, aux abords de Berrechid, vous pouvez apercevoir des toits. Uniquement des toits.