La secrétaire d'Etat américain, Condoleeza Rice, est apparemment retournée bredouille de sa dernière tournée au Moyen-Orient. En tentant de véhiculer auprès des palestiniens un document flou sans échéancier bien défini, elle n'a fait que réduire les chances de réussite de la Conférence internationale de paix. Lors de sa visite à Paris, il y a quelques jours, le Premier ministre israélien, Ehud Olmert a reconnu que la tournée de Condoleeza Rice dans la région du Moyen-Orient n'a pas donné ses fruits. Le responsable israélien a indiqué au Président français, Nicolas Sarkozy, que le chef de la diplomatie américaine n'a pas réussi à convaincre le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, de la position israélienne concernant le droit de retour des réfugiés, d'autant qu'elle n'est pas arrivée à bien exposer les autres points essentiels, tel que l'avenir d'Al-Qods ou celui du statut final. Ce, à la veille de la Conférence d'automne ou censée faire avancer les négociations de paix entre, d'une part, Palestiniens et israéliens et, de l'autre, entre Arabes et Israéliens. Rice, qui a adopté les idées israéliennes sans pour autant mettre en place un échéancier, n'a pas aidé les Palestiniens «modérés» à aller plus loin avec thèses. Les proches conseillers du secrétaire d'Etat américain affirment qu'elle ne pouvait faire autrement. Car, si elle avait réduit le plafond des conditions israéliennes, le gouvernement d'Ehud Olmert n'aurait pas pu tenir et sa chute aurait été imminente. Il n'était donc pas question d'être plus souple parce que, le cas échéant, les Palestiniens auront affaire à un nouveau gouvernement beaucoup plus dur dirigé par Barak ou Benjamin Netanyahou. Cela dit, l'avenir des Palestiniens sera encore une fois prisonnier, comme celui de toute la région, de la situation interne de l'Etat hébreu. Tant que ce dernier n'est encore prêt à franchir le pas vers une paix juste et durable, les Palestiniens et le monde arabe devront attendre. Après cette tournée qui n'a rien apporté, les Palestiniens doivent s'attendre dorénavant au pire. Le Président palestinien a déjà tiré la sonnette d'alarme qui pourrait se transformer en appel de protestation à une menace, au cas où l'administration Bush n'imposait pas du nouveau, avant la tenue de la prochaine conférence qui se tiendra à Anapolis dans quelques semaines. Abou Mazen a annoncé qu ‘il ne se rendrait pas à cette réunion, quel que soit le prix à payer. Il déclara qu'il tient absolument à la nécessité de se mettre d'accord sur un échéancier bien défini. Quant à la marche arrière «souhaitée» par Rice et les Israéliens concernant les droits des réfugiés dans leur totalité, elle reste impossible. En dépit de l'échec de la tournée de Rice et le blocage qui persiste, le Président Bush ne cesse d'évoquer un optimisme concernant les chances de la tenue de la conférence d'automne voire sa réussite. De son côté, le secrétaire d'Etat Rice considère que sa tournée est encourageante malgré les tensions «normales» qui l'avaient accompagnée et les divergences de vues des uns et des autres. À Riyad et au Caire, on s'accorde à affirmer qu'il n'y avait rien de surprenant dans l'échec de la tournée de Rice. Surtout lorsqu'on sait d'emblée que les Etats-Unis soutiendront, sans limites, la position israélienne. Les analystes politiques estiment que la situation aura tendance à se compliquer si les pressions américaines directes ou indirectes sur les Palestiniens -à travers certains Etats arabes- s'accentuaient, afin que la Conférence internationale ne tombe à l'eau, et par la suite, les rendre responsables de l'échec. Timing et lignes rouges En tout état de cause, Rice est consciente mieux que quiconque au sein de l'administration américaine, que les Palestiniens et les Arabes ne pourront franchir la ligne rouge qu'ils avaient tracée lors du sommet de Beyrouth, il y a un peu moins de cinq ans. Ces derniers, ne peuvent donner plus que leur initiative de paix lancée par le roi d'Arabie Saoudite, Abdallah ben Abdelaziz. De ce fait, force est de souligner que le timing de cette rencontre d'Anapolis suscite trop d'interrogations liées aussi bien aux situations internationale et régionale, qu'à la situation palestinienne actuelle. Ce, sans compter les difficultés auxquelles est confronté le Président américain. D'autre part, il faut noter qu'avec le rapprochement de la fin du mandat de Bush, son administration aura vivement besoin de redorer son image, après la détérioration considérable de sa popularité. C'est pour cette raison que le chef de la Maison-Blanche a appelé à la tenue de cette conférence internationale et mobilisé son fer de lance diplomatique pour lever les obstacles devant son initiative. Néanmoins, si la conférence n'avançait pas dans le processus de l'annonce de la création de l'Etat palestinien avec des échéances précises, et, par là, mettre fin au conflit israélo-arabe, tout le monde restera à la case départ. Dans ce contexte, les indices rassemblés, jusque-là, ne sont guère encourageants, surtout lorsqu'on entend les déclarations du vice-président, Dick Cheney, qui insiste afin que la Syrie ne soit pas invitée à cette Conférence d'automne. Par ailleurs, Rice sait pertinemment que la normalisation entre Israel et les Etats arabes, notamment l'Arabie Saoudite, ne verra pas le jour avant que les palestiniens n'aient leurs droits légitimes. Ce, même si Tel-Aviv croit qu'une réunion avec un chef d'Etat arabe ou d'une délégation officielle comprenant un représentant d'Arabie Saoudite pourrait déboucher sur des contacts directs dans l'avenir. Les responsables israéliens considèrent que la normalisation avec Riyad, au cas où elle se réaliserait –ce qui est totalement exclu dans cette étape– signifierait la concrétisation de la normalisation avec la majorité des Etats arabes. À cet égard, on apprend de sources concordantes palestinienne et égyptienne, que Rice aurait essayé de connaître la position des Saoudiens vis-à-vis des intentions israéliennes. Le niet a été catégorique de la part de tous les responsables saoudiens qui avaient été «testés» par le secrétaire d'Etat américain. Ce dernier a compris que personne n'oserai franchir les lignes rouges, même dans le conditionnel. Dans ce cadre, le Ministre saoudien des Affaires étrangères, le Prince, Saoud Al-Fayçal, s'est interrogé, lors d'une conférence de presse tenue au même moment, que Rice se réunissait avec Ehud Olmert et son équipe restreinte, sur la nécessité de la tenue de cette Conférence internationale de paix si l'Etat hébreu n'est pas prêt à céder les territoires occupés et si Washington n'a pas l'intention d'exercer les pressions nécessaires sur le gouvernement israélien afin d'assurer les concessions indispensables à cette paix. Rice aurait commis, dit-on à Riyad, une erreur monumentale lors de sa tournée, en considérant que la normalisation avec les pays arabes «essentiels» et influents, est une introduction avant d'entrer dans les négociations sur le statut final. L'autre évaluation erronée de Rice, est qu'elle avait effectué sa tournée pour assurer la réussite de la conférence, alors que la scène palestinienne vit ses pires moments avec les confrontations quotidiennes entre le Fath et le Hamas. Le mouvement islamique palestinien, accusé de saboter cet événement, affirme que ce dernier est mort–né, puisque le gouvernement israélien n'est pas prêt à donner quoi que ce soit au Président de l'Autorité palestinienne. De plus, ses «amis» américains ne l'aideront pas lors de cette conférence. Au Caire, on ne cache pas la crainte de voir Tel-Aviv, soutenue par Washington, se lancer dans des solutions séparées, ce, en traitant bilatéralement avec les Palestiniens, les Syriens et les autres Arabes, sans oublier les Iraniens. En agissant de la sorte, les Israéliens estiment qu'ils pourront ainsi réaliser beaucoup plus de profits au détriment des droits des Arabes. Là, Rice est semble-t-il convaincue, même si elle fait semblant d'être parmi ceux qui veulent que la Syrie participe à cette conférence. La tournée de Rice, qui n'a donné aucun espoir, a laissé planer un climat de pessimisme et pose beaucoup d'interrogations. Surtout après que Bush, qui était très chaleureux dans son appel à la tenue de cette conférence, ait réduit soudainement le plafond des espérances. Ce qui sème le doute et déstabilise notamment le gouvernement israélien. D'autant que le poids politique d'Olmert ne lui permet pas de prendre les grandes décisions portant sur la signature des accords de paix avec les Palestiniens et les Arabes. C'est pour cette raison que Rice a tenté, lors de sa tournée au Moyen-orient, de convaincre les Palestiniens d'accepter le document israélien flou, ne comportant aucune échéance définie. Tous les responsables arabes, modérés ou «extrémistes», sont conscients que l'administration américaine ou le gouvernement israélien sont prêts, à l'heure actuelle, d'entrer dans des négociations sérieuses pour arriver à une véritable solution.