La tournée au Proche-Orient de la secrétaire d'Etat américaine ne se traduira pas par des progrès spectaculaires. Condoleeza Rice a été obligée par George W. Bush de revoir ses ambitions à la baisse. Des rumeurs insistantes avaient laissé entendre que la secrétaire d'Etat américaine avait l'intention, lors de sa tournée au Proche-Orient, à partir de samedi dernier, de bousculer ses interlocuteurs et de leur faire accepter la création d'un «Etat palestinien provisoire» dans les limites de l'actuelle «barrière de sécurité» érigée par Israël entre lui et les territoires administrés par l'Autorité palestinienne. Condoleeza Rice était d'autant plus décidée à frapper un grand coup qu'elle paraissait avoir le soutien de George W. Bush. Le président s'était en effet déclaré, au début de l'année, en faveur d'une relance de la «feuille de route», l'initiative de paix du Quartette ( USA, Russie, ONU et Union européenne). C'est précisément forte de cette assurance que la secrétaire d'Etat avait avancé d'une quinzaine de jours sa visite en Palestine, en Israël, en Egypte, en Jordanie, en Arabie Saoudite et au Koweït. Mais, entre-temps, les priorités de la Maison-Blanche ont changé. George Bush a annoncé l'envoi en Irak d'un contingent supplémentaire de 20 000 hommes et ne cache plus son intention de «donner une leçon» à l'Iran, soupçonné d'encourager, financièrement et militairement, la guérilla chiite en Irak. Voilà pourquoi le profil de la visite, au Proche-Orient, de Condoleeza Rice a été modifié du tout au tout. Lors de son audition, le 11 janvier 2007, devant le Sénat, désormais à majorité démocrate, la secrétaire d'Etat n'a pas évoqué une seule fois le dossier du conflit israélo-palestinien. Elle a essentiellement développé l'idée que les Etats-Unis refusaient l'ouverture de tout dialogue avec la Syrie et l'Iran, et que ce boycott ne prendrait fin qu'avec la renonciation de Téhéran à l'acquisition de l'arme nucléaire. Le voyage de Condoleeza Rice ne se traduira pas par la relance de la «Feuille de route», ni par des discussions autour de la création d'un Etat palestinien provisoire. Du côté israélien, la dégradation constante de la situation à Gaza et en Cisjordanie et les violents affrontements entre les partisans du Hamas et du Fatah, dont l'issue est problématique, auraient convaincu Ehoud Olmert d'étaler, pour l'instant, une reprise du dialogue avec l'Autorité palestinienne. Il a, certes, promis de renforcer, graduellement, la position d'Abou Mazen par des gestes visant à améliorer la vie quotidienne des Palestiniens de Cisjordanie. Mais il n'a rien fait de tangible pour asseoir son autorité face à Ismaïl Haniyeh. L'idée d'élections présidentielles et législatives anticipées, annoncées par Mahmoud Abbas, pour contrer le Hamas, s' éloigne cependant et l'on parle de la possible constitution d'un gouvernement d'union nationale où le Fatah obtiendrait les portefeuilles des Finances, de l'Intérieur et des Affaires étrangères à condition qu'Ismaïl Haniyeh conserve, lui, le poste de Premier ministre. Ce serait pour préserver l'éventualité d'un tel accord qu'Abou Mazen ne souhaite pas que les Etats-Unis prennent, pour l'instant, des initiatives spectaculaires dont il ne pourrait récolter les fruits. D'où son refus, lors de son entretien, dimanche dernier, avec Condoleeza Rice, de la création d'un Etat palestinien provisoire et la sage lenteur qu'il met à accepter la tenue d'un sommet entre lui, Ismaïl Haniyeh et Khaled Mechâal comme le lui a suggéré, lors de leur rencontre à Amman, le roi Abdallah de Jordanie. Voilà pourquoi la tournée au Proche-Orient de Condoleeza Rice se traduira, sur le plan israélo-palestinien, par une « diplomatie minimaliste » qui semble satisfaire toutes les parties en présence et qui permettra à la secrétaire d'Etat de se consacrer à l'essentiel de sa mission, renforcer le camp des modérés contre l'Iran que George Bush accuse d'être le principal facteur de déstabilisation en Irak .