Trois arrestations par jour. C'est la moyenne des commerçants, vendeurs ou consommateurs de drogues interpellés en ce «sacré» mois de Ramadan et ce, par la seule brigade de Casa-anfa (il existe cinq autres brigades dans tout Casablanca). Les quartiers les plus concernés par ces interpellations, sont ceux où sévit le commerce du haschich, à savoir l'ancienne médina, derb Ghallef, Bachkou et Maârif, nous a précisé un inspecteur de la brigade policière de Casa-anfa. D'après lui, ces arrestations sont bien moins fréquentes durant le reste de l'année. Elles augmentent considérablement en ce mois sacré à cause notamment de l'interdiction de la vente de l'alcool. Si ces arrestations se passent sans histoires dans l'ancienne médina et au Maârif (quartier qui, paraît-il, connaît ce genre de commerce exclusivement pendant le Ramadan), cela se passe tout autrement à derb Ghallef et Bachkou, nous précise le même inspecteur : «les habitants de ces deux endroits sont de plus en plus difficiles. Ils nous appellent très souvent pour se plaindre d'un «beznass» ou d'un gênant consommateur de haschich, mais dès qu'on intervient et qu'on essaye de l'embarquer, tout le monde s'en mêle, pour nous supplier presque de lui pardonner. Ou alors on se fait carrément lancer des pierres plein la figure par sa famille, amis ou voisins...». Dans ces quartiers, les flics sont omniprésents, souvent habillés en civil, ils s'introduisent à fond dans le monde des «beznassas» et se font passer eux-mêmes pour des consommateurs de haschich. Les arrestations interviennent à des heures presque précises : une petite heure avant le Ftour, ou bien juste après… Les “dealers” et l'ère de la téléphonie mobile Le métier de «beznass» est certes très risqué. Ce sont des gens très stressés, tout le temps sur le qui-vive, prêts à prendre la poudre d'escampette à chaque alerte, vraie ou fausse. Ils savent, en tout cas, qu'à la moindre défaillance, leur sort finira par une virée dans la «wachma» (estafette de police) et un long séjour au cachot. Conscients des risques qu'ils encourent, les «beznassa» essayent à leur manière de déjouer les farces et guets apens que la brigade des stupéfiants leur dresse au tournant. Les «beznassa» ont fini par trouver la bonne mesure. Au lieu de «faire le va-et-vient», ils utilisent un téléphone portable. Plus simple tu meurs. Ils campent bien au chaud et attendent les coups de fils de leurs clients. Quand le rendez-vous est fixé, la marchandise livrée, le tour est joué à l'insu de la brigade des stupéfiants. La marchandise manque, mais jamais de rupture de stocks Il y a des semaines où par caprice, la brigade ses stupéfiants décide de serrer le jeu. Et c'est le gentil consommateur qui paie les pots cassés. Le prix de la «came» augmente, et la qualité se raréfie. Les «beznassa» en manque de marchandises, diluent la «bonne» qualité avec une mauvaise et obtiennent une autre qualité inférieure. Les mordus de la «hya» (la qualité supérieure) sont obligés de faire le tour des «beznassa» pour trouver chaussure à leur pied, et par la même occasion courent plus de risque de se faire coincer par les flics. Au cas où il échappent à leur vigilance, le prix du gramme acheté est gonflé par les frais de transport. Dur, dur d'être accro. Même si parfois, il y a des périodes de vaches maigres, il n'y a jamais eu de rupture à Casablanca. Témoignage T.F 23 ans, cadre dans une multinationale Raisonnable mais… J'ai toujours été fidèle à mes principes. Ca me permet d'éviter tout ce que ma famille juge non-faisable. Ce qui fait de moi une personne assez raisonnable. Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas un fêtard. Comme tous les gars de mon âge, je sors souvent en fin de semaine. Ces sorties sont des occasions pour prendre des verres avec mes potes. C'est un rituel hebdomadaire qui nous permet de décompresser. Ce rituel, j'essaie de m'en débarrasser, tant bien que mal, 40 jours avant le mois de Ramadan. C'est d'ailleurs un de mes principes ! Je ne nierais pas que je le transgresse de temps en temps, mais tout en étant raisonnable. Durant le mois de Ramadan, un nouveau rituel prend place : les soirées «Haschich». Honnêtement, hors Ramadan, je ne fume jamais. Ce n'est que durant ce mois que je me permet cette «incartade». Disons que c'est un extra. Je précise que je ne fume pas souvent et jamais seul. Cela fait exactement cinq ans que je m'adonne à ce rituel ramadanesque. Généralement, on se réunit chez un ami, ou dans une voiture, on se roule un ou deux pétards, puis je me débine. Je précise aussi que je fume toujours avec les mêmes personnes, deux fois par semaine et pas plus de deux joints par soirée. Il m'arrive souvent aussi de refuser une taffe ou un joint. J'essaie de réguler au maximum ma consommation. D'ailleurs, je n'ai jamais appris à rouler un joint. Je préfère ne jamais apprendre à le faire. C'est un bon moyen d'auto-controle. Après le mois de Ramadan, je reprends mes anciennes habitudes. Sorties du week-end, petits verres… Les «soirées-joints» attendront le Ramadan prochain. Le langage du “beznass” Jaâbouk : Double, triple… joint. C'est un énorme joint roulé avec plusieurs cigarettes tout en multipliant la dose de haschich Hartouka : appelée aussi : ferchakha ; c'est du Haschich de très mauvaise qualité. Hya : appelée aussi : zetla, tbisla, mâalka. C'est du haschich de très bonne qualité. Stoune : C'est la dose. Le but recherché par tout fumeur est d'avoir son stoune (sa dose). Mkief : appelé aussi : mbouek, c'est l'état physique et mental qu'on atteint après avoir fumé. Mhouer : appelé aussi : mdosi. C'est un joint sur-dosé. Mnekri : C'est le «bad trip». C'est une tebouika qui tourne mal. Les symptômes sont la susceptibilité, la peur… Himri : Etat de faim anormal. Mchemaâ : la consommation du haschich entraîne la dilatation des paupières. Le personnage n'est plus capable d'ouvrir convenablement les yeux. Chkika : migraine causée par la consommation de la ferchakha (hartouka)