Il est docteur en physique et en astronomie, il est rentré au Maroc en juillet 2006. Haido Daifallah, l'ex-idéologue en chef du Polisario qui avait lancé un mouvement d'opposition au sein du Polisario en 1987, explique les dessous du trafic d'armes piloté par Mohamed Abdelaziz et lève le voile sur l'impressionnant arsenal mis à la dispositions des séparatistes par l'Algérie. La Gazette du Maroc : Les services de sécurité algériens enquêtent sur la disparition d'un lot important d'armes des camps de Tindouf. Est-ce-qu'il s'agit là de la première fois que ce type d'incident arrive ? Haido Daifallah : Pour saisir ce qui se passe à Tindouf, il faut comprendre la nature des liens qui unissent le pouvoir algérien à la direction du Polisario. La stratégie et la diplomatie sont directement gérées par Alger alors que les affaires courantes sont expédiées par les cadres du Polisario. Du coup, il n'est pas étonnant que de temps à autre, le contrôle de la situation sur le plan local échappe au pouvoir central algérien comme c'est le cas pour la disparition d'armes. Les rapports et les enquêtes de nombreuses commissions internationales épinglent régulièrement le Polisario sur divers trafics dont le trafic d'armes, les indépendantistes manquent-ils à ce point de moyens ? La base manque de moyens, les gens vivent dans des conditions sociales et sanitaires déplorables. Par contre, les cadres du Polisario engrangent des fortunes considérables en se livrant à des trafics en tout genre, ils revendent aussi bien les vivres que les dons de médicaments. Sans oublier le trafic d'armes, commerce encore plus juteux. A quand remonte ce trafic d'armes ? A partir des années 80 et surtout après la fin de la guerre avec les FAR, le Polisario s'est retrouvé brutalement plongé dans l'oisiveté absolue. La clique de Mohamed Abdelaziz s'est retrouvée face à des contradictions qui étaient occultées par le climat de guerre où l'ennemi était bien identifié. Du coup, les cadres dirigeants ont commencé à penser à l'après-guerre et surtout à la possibilité que les algériens ne soient tentés de se débarrasser des sahraouis en signant un accord de paix avec les marocains. Résultat : il fallait qu'ils assurent leurs arrières en s'enrichissant rapidement d'où le recours à ces divers trafics. Quelle est le volume de l'arsenal du Polisario ? Je n'ai pas de chiffres précis mais tout ce que je peux vous dire, c'est que les séparatistes possèdent toutes les armes qui existent, de l'orgue de Staline russe aux fusils Fal américains en passant par des dispositifs anti aérien français. L'arsenal de guerre stocké en dehors de Tindouf dans des endroits hautement surveillés est varié. On y trouve, en plus de la fameuse Kalachnikov, des mitrailleuses, des mortiers, des mitraillettes légères et toutes sortes de munitions. Les types les plus usités sont le RPG, les fusils d'assaut et différents types de revolvers. Si le Polisario dispose d'un arsenal aussi impressionnant, est-ce qu'il ne serait pas tenté par l'option militaire au cas où les négociations avec le Maroc échoueraient ? Il ne faut jamais sous estimer la capacité de nuisance d'un mouvement qui a construit son idéologie, son avenir et sa survie sur l'hypothétique indépendance du Sahara. L'option révolutionnaire ne fait plus rêver les sahraouis et les va-en-guerre ne sont plus majoritaires au sein de la direction des séparatistes mais cela n'empêche pas Mohamed Abdelaziz de brandir la menace de guerre à chaque fois qu'il sent que les choses commencent à lui échapper. Sans oublier que ce sont les généraux algériens qui gèrent directement le dossier sahraoui. Et, eux, personne ne sait ce qu'ils cherchent exactement. Autre préoccupation majeure, vu son positionnement géographique, est-ce que le Polisario n'a pas de connexions avec les groupes armés qui sillonnent le Sahel ? Ce n'est pas exclu mais je pense que l'idéologie du Polisario cadre mal avec les principes des groupes islamistes armés qui opèrent sur le Sahara. Ceci dit, le Polisario a bien des antécédents terroristes. En 1985, le mouvement avait été déclaré organisation terroriste par le gouvernement de Felipe Gonzales. Les autorités espagnoles ont expulsé le représentant du Polisario à Madrid et ses bureaux ont été fermés. Une décision lourde de sens qui avait été prise au lendemain d'une attaque terroriste contre un chalutier canarien, «El Junquito», et «El Tagomago» un patrouilleur des forces armées navales espagnoles. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois que des attaques se soldaient par la mort de civils espagnols. Aujourd'hui, il y a des associations espagnoles qui ont décidé de monter au front pour exiger que les responsables du Polisario comme Brahim Ghali et Ahmed Boukhari, entre autres, soient poursuivis pour terrorisme. Vous faisiez partie de la direction du Polisario, on dit même que vous étiez la tête pensante du mouvement séparatiste, pourquoi êtes-vous rentré au Maroc? Notre retour au Royaume intervient en réponse à l'appel royal. Nous sommes là pour appuyer le projet d'autonomie. Je suis rentré aussi parce que le Polisario a trahi ses principes. Je fais partie des opposants qui ont créé un autre courant à Tindouf. En 1988, nous avons été l'objet d'une répression sauvage par la direction du Polisario. Certains d'entre nous sont morts, d'autres ont disparu. A l'époque, nous voulions juste rappeler que l'option indépendantiste devait mettre l'amélioration des conditions de vie des populations sahraouies au coeur des préoccupations de la classe dirigeante. Ce qui n'est pas l'avis de Mohamed Abdelaziz et de ses lieutenants. Aujourd'hui, je peux vous assurer que la dynamique enclenchée par la proposition d'autonomie séduit beaucoup de sahraouis qui sont toujours dans les camps du Polisario, malheureusement, la situation de leurs frères qui ont choisi de rentrer au Maroc n'est guère réjouissante. A part quelques chefs de tribus qui ont profité de leur retour pour s'enrichir, la majorité des sahraouis qui ont choisi le Maroc n'ont pas été pris en charge socialement et financièrement. Et cela, malheureusement, constitue le fond de commerce de la propagande du polisario, qui, à défaut de mettre à la disposition des sahraouis des conditions de vie décentes, joue sur la peur «d'un retour au Maroc où les sahraouis ont tout à perdre». Propos recueillis par