L'appel du ministre français des Affaires étrangères à ses homologues au sein de l'Union Européenne pour durcir les sanctions qui seront imposées à l'Iran, suscite plus d'un point d'interrogation aussi bien à Paris qu'ailleurs. Reste à savoir si la France a les moyens de telles positions ? Ce sont des menaces émanant des Etats-Unis qu'il s'agit maintenant et non celles de Bernard Kouchner», ironise le chef de la diplomatie iranienne, Menouchar Metekki, en réponse à quelques questions qui lui ont été posées lors de sa conférence de presse tenue au siège de l'ONU à NewYork, mercredi dernier, portant sur l'utilisation par le ministre français du mot «guerre» dans ses déclarations sur l'Iran. Et à Metteki d'ajouter : «les ballons d'essais de notre ancien ami Bernard se poursuivront sans doute pour plusieurs raisons, que c'est à lui de les définir». Dans ce contexte, rappelons que l'actuel Ministre français avait, à la veille et après la victoire de la révolution islamique menée par Ayatollah khomeïni, de très bonnes relations avec son équipe. Kouchner dit-on, était un des habitués français du pavillon de Naufle-Le-Château, où habitait le Guide suprême iranien avant son retour triomphal à Téhéran. Le ministère iranien des Affaires étrangères, qui a convoqué l'ambassadeur français pour lui faire part de ses protestations quant aux dernières déclarations de Kouchner, appelant à renforcer les sanctions imposées à l'Iran, voulait uniquement, d'après un des diplomates iraniens à Téhéran, rappeler que la République islamique d'Iran possède une capacité de nuisance qui touchera les intérêts français non seulement chez elle, mais aussi dans le voisinage. En bref, dans les hautes sphères de l'establishment iranien, on n ‘hésite pas à répéter que les Français doivent comprendre que leur pays n'est plus, depuis belle lurette, une puissance mondiale. De ce fait, ce serait une perte de temps de polémiquer sur leur chef de diplomatie qui ne cesse de commettre des «bavures» depuis qu'il est à la tête du Quai d'Orsay. L'alignement sur la logique guerrière par la France marque–t-elle de véritables évolutions de la diplomatie française concernant le dossier brûlant iranien, en d'autres termes, celui du nucléaire qui pourrait déclencher une nouvelle confrontation militaire au Moyen-Orient. A Bruxelles, les positions des pays membres divergent. Certains estiment que le responsable français va trop vite et trop loin dans la besogne, avant même qu'il y ait un accord global de principe sur cette affaire. Pour preuve, l'Union européenne a reporté l'échéance visant à appliquer les sanctions contre l'Iran jusqu'à novembre prochain. Cela dit, que Bruxelles veut donner encore plus de délais pour arriver à un compromis avec les Iraniens. Et, par là, les positions de Kouchner n'engagent que la France. Les Européens n'étaient pas satisfaits de la tentative de Kouchner de les mettre devant le fait accompli face à Téhéran. Surtout lorsqu'il déclara à Washington, le 21 septembre dernier : «nous réfléchissons et nous travaillons sur des sanctions spécifiques». Ce qui a incité un chef d'Etat européen à dire : Ce monsieur réfléchit et travaille avec qui ? En tout état de cause, le gouvernement français a dévoilé très tôt ses cartes en faisant référence à de nouvelles mesures qui frapperaient le système bancaire et le secteur industriel iranien. Confrontation militaire Cependant, force est de souligner qu'il a oublié que Téhéran a déjà pris depuis plus d'un an ses dispositions pour contourner de telles initiatives. Dans ce même ordre de punition, le gouvernement français a recommandé à certains de ses grandes entreprises, dont Total, Gaz de France, Technip et d'autres à ne plus participer à des appels d'offres dans ce pays. Une recommandation qui n'a fait que perturber les plans de ces groupes, ce, au moment où les sociétés européennes concurrentes se bousculent toujours pour décrocher les contrats proposés par les Iraniens, notamment dans le domaine des infrastructures et du secteur des hydrocarbures. Pour montrer leur désaccord, tacite certes, avec leur gouvernement, certains responsables de Total et de Gaz de France, se sont abstenus à tout commentaire, rappelant sur le chemin que les «discussions sur le projet gazier de Pars LNG, déjà menées avec la NIOC iranienne, se poursuivaient». Quoi qu'il en soit, les Iraniens ne semblent pas très inquiétés de la fermeté française affichée par monsieur Kouchner. «Nous attendons une position claire et nette émanant du Président Sarkozy pour mieux décrypter le message français», déclara Ali Larijani, gérant du dossier du nucléaire. Ce dernier estime, en plus, que la France ne pourra, en aucun cas, remplacer la Grande-Bretagne de Tony Blair, dans son rôle d'éclaireur ou de fer de lance pour l'administration Bush. La France ne pourra, en plus, s'impliquer dans une confrontation militaire contre l'Iran, malgré les propos guerriers de Kouchner, qui ont été rectifiés ou explicités par la suite. De toute manière, les Iraniens affirment qu'ils ont reçu de la part de certains responsables au Quai d'Orsay et d'autres organismes français des signaux montrant le contraire de tout ce qui a été dit et déclaré par le ministre français des Affaires étrangères. La convocation de l'ambassadeur français par les autorités concernées iraniennes après la demande à l'UE par Kouchner de renforcer les sanctions contre l'Iran, ne dépasse pas le simple rappel à l'ordre. Parallèlement, les Français ont reçu des conseils d'un haut responsable d'un pays ami du Golfe selon lesquels ce dernier a fait comprendre que ce genre de déclarations menaçantes ne marchait pas avec un Etat comme l'Iran. D'autant qu'il ne faut jamais oublier que cette provocation ne se limitera pas au pouvoir des mollahs mais ira au-delà pour contrarier tous les chiites du monde. Cela dit, ces positions françaises sont mal placées d'autant qu'elles arrivent au mauvais timing. Dans les milieux proches des grands groupes français qui opèrent dans les pays du Golfe, on tient à affirmer que la tension ne tardera pas à s'atténuer. Car le Président Sarkozy n'a guère l'intention de pousser le bouchon encore plus loin dans une situation qui demeure floue. On apprend de source qatarie qu'un Go-between est actuellement effectué par Doha. Cette même source souligne que les parties concernées sont parfaitement conscientes des règles du jeu et personne n'est prêt à franchir les lignes rouges. Pour ce qui est de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE qui sera tenue, pour discuter les suggestions proposées par Kouchner, les analystes politiques européens affirment qu'aucune décision ne sera prise avant fin novembre prochain. Date de la réunion de l'Agence internationale de l'Energie atomique qui indiquera s'il faut appliquer ou pas les sanctions économiques sur l'Iran. Si son directeur, Mohamed al-Baradei ne paraît pas aujourd'hui optimiste quant à l'aboutissement d'un accord quelconque, les iraniens restent sereins et optimistes.