Il compte parmi les humoristes marocains les plus en vue, avec cette particularité qui le distingue et qui fait sa force d'ailleurs : C'est qu'il parle un langage populaire simple et courant, appuyé sur des expressions employées par les couches populaires. Des termes qui, à force d'être ignorés par les humoristes de la nouvelle vague, tendent malheureusement à disparaître du lexique de notre société. Issu d'un milieu très modeste, Mahjoub Erraji est très populaire, dans les rôles qu'il interprète avec beaucoup de sincérité et de spontanéité et dans sa vie de tous les jours. Afin d'en savoir plus sur ce comédien modeste -- dans les deux sens du terme -- livrons-lui la parole : La Gazette du Maroc : Un plaisantin a dit une fois que “dans la vie, il faut choisir entre gagner de l'argent et le dépenser ” ! En ce qui vous concerne, quel serait votre choix ? Mahjoub Erraji : Le dépenser, bien sûr?! Mais dans des choses utiles et après l'avoir gagné à la sueur de mon front, pas autrement. Etes-vous du genre qu'un admirateur peut aborder facilement dans la rue pour un autographe ? De ce côté-là, je ne suis absolument pas difficile. J'accepte tout avec le sourire et beaucoup de plaisir. D'ailleurs, c'est un honneur pour moi qu'on vienne me demander ce genre de chose. On ne doit pas décevoir un public auquel nous lient des liens solides d'amour et de respect. ...Et que pensez-vous de certaines “vedettes” qui refusent une si petite et légitime exigence de leur public ? Celles-là doivent vivre isolées du monde, sur une île déserte ou une planète lointaine ! Tant qu'on vit au milieu des gens, il faut accepter le contact. Surtout lorsqu'il s'agit de son propre public. Une chose qu'il ne faut jamais oublier : lorsque le public cherche à contacter un artiste, c'est qu'il nourrit à son égard amour et admiration. Et si ce dernier refuse, cela ne fera que le rabaisser à ses yeux. Et c'est grave, vous savez ? Si vous avez un méchant reproche à faire à Tayeb Seddiki, pour lequel opteriez-vous ? Un méchant reproche ? Je n'en ai pas. Un aussi grand artiste mérite le respect de tous : public et artistes. Néanmoins, je lui reproche une petite chose : le fait de s'être éloigné de la scène. Peut-être qu'il a ses propres raisons. Mahjoub Erraji est-il aujourd'hui aussi ouvert à la critique qu'au début de sa carrière ? Toujours ! C'est la critique qui construit un artiste. Sans critique on ne peut pas avancer. À propos, quelle opinion avez-vous de certains artistes qui refusent absolument toute critique, lorsqu'elle n'est pas à leur avantage ? Ils n'ont qu'à aller vivre ailleurs. Sur un nuage, par exemple. Mais, gare ! La chute de si haut pourrait leur être fatale. Si vous n'étiez pas acteur, pour quelles deux autres disciplines artistiques (par ordre de préférence) votre coeur aurait-il balancé ? Chanteur (je sous-entends par là, la chanson populaire) ou parolier. Les deux disciplines sont tout à fait liées et proches du monde théâtrale. Mais mon choix est déjà fait, et je ne regrette absolument rien aujourd'hui. À propos de choix, entre la Première et la Deuxième chaîne, avez-vous une quelconque préférence ? Aucune ! Ou plutôt, pour l'une et l'autre à la fois (rires de l'artiste). Je regarde ce qui est à mon goût dans la Première, tout comme je regarde ce que je trouve bien dans la Deuxième. En un mot, je cherche ce qui m'intéresse là où il se trouve. Dans cette quête de ce qui vous intéresse, les chaînes satellitaires arabes ont-elles une petite place dans votre programme ? Et pourquoi pas lorsque le travail est bien fait ? Mais, hélas, la plupart de ce que présentent ces chaînes n'a rien d'intéressant. Que feriez-vous en premier si vous deveniez subitement millionnaire ? J'ouvrirais un compte à la banque (rires).... Si quelqu'un qui vous a fait beaucoup de mal par le passé sollicite votre aide (matérielle) aujourd'hui, songez-vous répondre sans hésiter à son appel de détresse ? Oui, dans la limite de mes moyens matériels du moment (je ne suis pas encore millionnaire) et s'il n'est pas question d'une grosse somme. Je ferais de mon mieux pour l'aider à le tirer de l'embarras. Ensuite, pour le remboursement, je le laisse face à sa conscience. À propos de conscience, que pensez-vous de ceux qui bâclent un travail qu'on leur confie, qu'ils soient artistes, fonctionnaires ou autres ? Ceux-là ne méritent en réalité aucune estime, car ils trahissent une confiance placée en eux. Sur un tout autre chapitre, pardonnez-vous facilement à ceux qui critiquent les rôles que vous interprétez dans vos pièces de théâtre ? Bien sûr que je leur pardonne ! Mais, à mon avis, avant de juger le travail d'un artiste, il faut d'abord prendre plusieurs avis, de publics différents, afin de pouvoir trancher en toute équité. Un seul être humain est faible et il peut se tromper. Mais tout le monde ne peut pas se tromper en même temps. Cela signifie-t-il que vos rôles doivent plaire à tout le monde, du moins à la plupart des gens ? Non, pas du tout ! Et ce n'est pas ce que je voulais dire. Dans une pièce de théâtre par exemple, ce qui plaît à l'un ne peut pas plaire à l'autre, et c'est tout à fait normal. Chacun voit les choses d'un oeil différent. Ces derniers temps, vous ne vous manifestez en public que très rarement. Est-ce par paresse, parce qu'on ne vous invite pas souvent à participer à de nouvelles productions ou parce que vous aimez vivre cloîtré ? Si je ne me manifeste pas souvent, c'est en quelque sorte parce que je suis un peu exigeant sur le choix des rôles à interpréter. C'est une ligne de conduite que je me suis toujours tracée et que je respecte et respecterai à la lettre. Même si vous deviez chômer dans votre petit coin à attendre Godot ? Si c'est pour une aussi bonne cause, oui! Godot peut attendre lui aussi ? (rires). Loin de Godot et de son attente, avez-vous un vrai conseil de père à donner aux jeunes comédiens qui commencent à se frayer leur chemin ? Je leur dirai, en toute franchise et avec toute mon affection, qu'ils évitent les voies faciles d'une certaine fausse gloire éphémère. Pour atteindre son objectif, il faut trimer dur, ne jamais cesser d'apprendre et surtout savoir se montrer patient. La gloire est au bout du chemin, mais on ne doit pas courir pour l'atteindre avant les autres. On risque de s'épuiser et ne jamais y arriver. Pour terminer, dites-nous quel est le plus grand défaut de Mahjoub Erraji?? Et sa plus belle qualité ? Mon défaut, c'est d'être naïf et parfois dans mes relations, certaines gens malheureusement prennent ma gentillesse pour de la faiblesse ! Quant à ma plus belle qualité, c'est le pardon. J'ai vraiment horreur de la rancune et quoiqu'il m'arrive, je pardonne toujours.