Le cartel de l'OPEP contrôle à nouveau les prix du pétrole grâce à une excellente entente. Mais le jeu peut bien se retourner contre les producteurs de pétrole. Puisque les consommateurs devraient changer leur habitude pour se rabattre vers des véhicules de moins en moins gourmands. En augmentant cette semaine leur production de pétrole pour la première fois en deux ans, les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) finalement reconnaissaient qu'à pratiquement 80 dollars le baril, le prix du pétrole était assez élevé. L'année dernière, en révisant leur production l'OPEP avait signalé qu'elle ne voulait tout de même pas que le prix descendît en-dessous de 60 dollars baril. Le cartel pourra-t-il maintenir le prix du pétrole dans un tunnel au plancher élevé et au plafond qui l'est encore davantage. Et si oui, quelles sont les perspectives pour l'approvisionnement du monde en hydrocarbures ? Abdullah Al-Badri, le secrétaire général de l'OPEP, a expliqué que l'organisation avait décidé d'ouvrir les robinets à son sommet à Vienne par compassion pour le porte-monnaie des automobilistes du monde «le message aux consommateurs était que nous nous soucions du niveau des prix» a-t-il affirmé à la presse. Mais les consommateurs qui se rappellent le début de cette décennie, quand le prix oscillait entre 20 et 30 dollars, ne sont pas vraisemblablement touchés par la compassion du cartel. La différence entre cette période et maintenant c'est que l'OPEP s'est rendu compte que certains pays émergents comme la Chine étaient insatiables en pétrole. Les producteurs de pétrole, y compris ceux de l'OPEP, font tout pour que la situation se poursuive. Les prix ont augmenté, mais la demande également continue d'augmenter. L'été dernier, l'OPEP puisait déjà tout ce qu'elle pouvait en pétrole, et les marchés craignaient les ouragans dans le Golfe du Mexique ou qu'un bouleversement politique dans le golfe Persique soient à l'origine d'une pénurie. Par conséquent, le prix du pétrole a monté à plus de 77 dollars le baril. Quand ces craintes se sont dissipées, il est devenu clair qu'il y avait suffisamment de pétrole pour les besoins du marché mondial. Mais à partir de là, l'OPEP a pris goût au pétrole à 70 dollars. Ainsi elle a réduit la production pour empêcher les prix de tomber. Quand le prix du pétrole a atteint un nouveau record de 78 dollars le baril le mois dernier, c'était dû aussi bien à la baisse de la production de l'OPEP qu'à l'augmentation de la demande. Le cartel a maintenant démontré que ses membres s'entendent assez bien pour faire augmenter les prix en réduisant la production en cas de besoin et faire baisser la tension sur les prix en améliorant légèrement les quotas. En d'autres termes, l'OPEP est bien de retour dans le contrôle du prix du pétrole. Dans ces faits, il y a un soupçon de bonnes nouvelles. Si un ouragan comme Katerina ou un conflit entre les Etats-Unis et l'Iran avaient détruit plusieurs installations, aucun pays n'aurait été capable de combler le déficit de production. A présent, les consommateurs de pétrole peuvent porter allégeance à des pays comme l'Arabie Saoudite, comme l'a fait Samuel Bodman, secrétaire d'Etat américain à l'énergie lors de la réunion de l'OPEP. Mais quoi que puissent être magnanimes le discours d'Al Bradi et le plaidoyer de Bodman, il ne faut pas s'attendre à ce que l'OPEP donne plus de sursis aux automobilistes du monde. Plusieurs de ses membres, dont l'Algérie, l'Iran et le Venezuela, ont refusé l'augmentation des quotas parce que la crise financière mondiale et le début de ralentissement économique aux Etats-Unis pourraient mener à réduire la demande de pétrole, juste au moment où l'OPEP augmenterait sa production. En fin de compte, l'Organisation s'est résolue à relever sa production de 500.000 barils par jour (b/j)seulement, soit moins de 2%, bien que l'augmentation s'ajoute aux 900.000 b/j ses membres extraient déjà plus que leurs quotas. La production supplémentaire n'a pas réduit le cours du tout; en fait, le prix du pétrole a atteint de nouveaux records après l'annonce de l'OPEP. Les lois économiques Cela devrait inquiéter davantage les faucons de l'OPEP qu'il ne paraît. Le fait qu'il y ait eut la folle croissance durant les années passées alors même que les cours du pétrole continuaient d'augmenter, montre que l'économie mondiale a développé une immunité contre les chocs pétroliers. L'économie chinoise, à elle seule, consomme plus de pétrole, comparativement à sa taille que cette des Etats-Unis, mais elle continue de galoper. Les Américains, pour autant, ne semble pas disposés à acheter moins de carburant même pour un prix à la pompe supérieur à 3 dollars le gallon [ndlr, 25 dirhams, les cinq litres]. Pourtant les lois économiques n'ont pas été soudainement abrogées. Un pétrole plus cher arrêterait la croissance économique. À moyen ou long terme, si les prix continuent d'augmenter, les consommateurs n'auront d'autre choix que de choisir des voitures moins gourmandes. L'amour des américains pour les SUV, sport-utility vehicles, semble se faner et leur amourette pour les biocarburants n'a jamais été aussi passionnante. Pendant ce temps, les prix élevés sont en train de restreindre la demande et la croissance économique inattendue et la situation politique au Moyen-Orient rendent l'avenir de la demande et de l'offre incertain. L'OPEP semble certes avoir pris le contrôle sur les prix du pétrole. Mais cela ne semble pas pouvoir continuer. Traduction : Mar Bassine Ndiaye Cet article paraît à la même date dans la Gazette du Maroc et The Economist The Economist Newspaper Limited, London, 2007.