Alors qu'on s'attendait à un débat entre différents protagonistes politiques, au contraire, le torchon brûle entre le PJD et l'ex-ministre délégué à l'Intérieur et non moins député « spécial » de Rehamna, Fouad Ali El-Himma. Attaque et contre- attaque dans les règles de l'art politique. C'est une légende qui parlait ce soir sur 2M. Incontournable, durant des années dans les sérails du pouvoir, et fort d'une incontestable victoire aux dernières législatives, Fouad Ali El-Himma, n'a pas trouvé de mots assez durs pour riposter à l'arrogance du parti Islamiste. Il a vertement attaqué Lahcen Daoudi, dirigeant très en vue du PJD qui a dit : J'aurais aimé que mon parti perde et que le Maroc gagne, mais malheureusement, c'est le Maroc qui a perdu ». Premier dard de l'ex-ministre délégué à l'Intérieur : «Ceux qui ont dit que ceux qui sont arrivés en tête des élections législatives l'ont fait grâce à la corruption, ont porté atteinte à l'honneur de l'ensemble de la classe politique marocaine». Plus dur encore était la défense, sans ambages ni fioritures du bilan du gouvernement dont il faisait parti avant le 7 septembre. Pour l'ancien ministre délégué à l'Intérieur: «Les Marocains ont voté pour des partis qui ont travaillé auprès de SM le Roi sur un projet dont les contours sont clairs». Et d'ajouter : «les électeurs ont choisi une orientation conservatrice qui a plusieurs tendances mais qui a une vision claire et que les Marocains ont plébiscitée à travers leur vote». Décodons : les résultats du scrutin ont révélé que les Marocains veulent que la majorité sortante soit reconduite. Ou encore : le PJD, caressant depuis un certain temps l'idée de faire partie d'un exécutif, est acculé à attendre. Une manière de remettre les pendules à l'heure certes, mais aussi de s'attirer les foudres des amis de Saâdeddine Othmani. Réaction, tout aussi virulente que belliqueuse : d'abord, l'attaque sans ménage de Abdelillah Benkirane, sur Al Massae, du 12 courant. Déclaration de guerre «On est prêt à demander l'arbitrage du peuple. On saura après s'il est de l'étoffe des grands dirigeants politiques ou si c'est juste un zaïm en carton» (sic). S'ensuit l'historique d'une animosité refoulée. «On savait, depuis qu'il était au gouvernement, profitant de son statut de proche de SM le Roi , qu'il n'a pas ménagé ses efforts pour porter atteinte au PJD. Vainement, d'ailleurs». Point d'orgue de l'attaque du président du conseil national du parti Islamiste : «qu'il se prépare à affronter le PJD» ! Abdelillah Benkirane voulait-il par la sortie tonitruante, donner un avant-goût de ce que sera leur prochaine opposition ? En tout état de cause, celui qu'on présentait, il y a quelques mois en tant qu'homme de consensus et de cohabitation, a sorti ses griffes en martelant «Qui vivra verra. Notre opposition sera très forte, à la hauteur d'un groupe parlementaire distingué et compétent». À l'en croire, Benkirane jure sur ses grands dieux que la collusion avec Fouad Ali El-Himma est «sur l'agenda du parti», presque fatale ! Une déclaration de guerre qui apparemment ne fait pas beaucoup de partisans au sein de l'islamisme participationniste. En témoigne, clairement le ton modéré adopté par un autre membre du secrétariat national, Abdelaziz Rebbah en l'occurrence. Pour ce chef de la jeunesse PJD et non moins collaborateur du Premier ministre Jettou, l'essentiel pour le PJD est de «contrer les forces de la corruption et de la falsification». Invité de la Deuxième chaîne 2M, le jeune BCBG a profité du temps qui lui a été accordé en guise de droit de réponse à Fouad Ali El-Himma, pour mettre de l'eau dans son vin. Le lendemain Attajdid, organe très proche du PJD et dont le directeur n'est personne d'autre que Abdelillah Benkirane, titre sa UNE : «le PJD ignore El-Himma et adresse les messages» à qui de droit. Qui, donc ? Peu importe. Une question, cependant: Le PJD ignore Fouad Ali El-Himma ou son dirigeant audacieux a choisi de se remettre en cause publiquement ? On le saura pas de sitôt, certes, mais chose significative, Al Massae qui a publié l'interview de Abdelillah Benkirane a fait, le même jour, ce commentaire acerbe : «le courage dont a fait preuve le PJD, vis-à-vis de Fouad Ali El-Himma est un peu tardif». Révélateur ? Non, tactiquement mal réussi. Le PJD a donné une image très «approximative de lui-même», note cet observateur. Et de commenter : «Fouad Ali El-Himma, en notant que le fait de remettre en question tout le travail fait pour garantir la transparence du scrutin est un acte qui ne peut être taxé que de non-patriote, sait pertinemment que le pays tout entier est attendu au tournant des négociations avec les séparatistes !». En clair : il n'est pas admis de mettre en cause la sincérité démocratique du pays au moment où nous sommes sous les projecteurs du monde entier. En réagissant de la sorte, le PJD a fait un mauvais pas. Et Fouad Ali El-Himma un grand début de parlementaire !