L'Islam et le don d'organes Vous êtes majeur, musulman, sain de corps et d'esprit , vous êtes un donneur potentiel… de vie. Est-il permis de prélever des organes du corps d'un musulman de son vivant ou de sa mort ? Faire don de ses organes ne contredit-il pas les préceptes d'inviolabilité et de sacralité du corps ? Tout musulman est-il donneur ? L'est-il par obligation ? Que dit la Chariâ ? L'inviolabilité du corps est incontestable par toutes les religions monothéistes. L'Islam a d'ailleurs sacralisé le corps et a sanctionné tous préjudices ou atteintes à son égard. Mais qu'en est-il pour le prélèvement d'organes à partir d'un cadavre ou d'un donneur vivant ? Vu son actualité, le sujet a soulevé bien des polémiques. Il a fait l'objet d'une recherche menée par l'Académie Islamique de Jurisprudence (AIJ), créée par l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et regroupant les savants et oulémas musulmans du monde entier L'AIJ, établie à Jeddah en Arabie Saoudite, autorise le don, le prélèvement et la transplantation d'organes en s'appuyant sur deux principes : l'aumône et la priorité à la vie. Le don d'organe est gratuit. Il est considéré en tant qu'aumône comme l'a édicté le prophète Sidna Mohammed, bénédiction et paix soient sur Lui : “lorsque l'être humain est décédé, ses actes s'arrêtent sauf (en ce qui concerne) trois domaines :une aumône durable, c'est-à-dire un bien dont l'effet est continu dans le temps ; des connaissances qu'il a dispensées à autrui ; un fils reconnaissant qui continuera à prier Dieu pour le repos de l'âme de son père”. Quant à la priorité à la vie, elle est citée dans le Coran, dans la Sourate Al Maïda, verset 32 : “celui qui a rendu la vie à un homme sera considéré comme s'il avait rendu la vie à tout le genre humain” . Le cas se présente quand un mort fait don de ses organes et qu'il sauve par cette offrande une autre vie. Mais si l'AIJ a autorisé le don, le prélèvement et la transplantation d'organes, elle a cependant émis certaines réserves qui protègent le donneur. Ainsi, il est interdit de : ‡ transférer un organe vital comme le cœur d'une personne vivante au profit d'une autre personne. ‡ prélever un organe d'une personne vivante, si l'enlèvement de l'organe perturbe une fonction essentielle pour la survie. Toutefois, il est permis: ‡ de prélever un organe d'un corps et de le greffer dans une autre partie du même corps, à condition d'être sûr que le profit de l'opération l'emporte sur l'éventuel préjudice pouvant en découler et à condition encore que l'opération vise à remplacer un organe perdu, ou à lui redonner sa forme ou sa fonction normale, ou à réparer un défaut, ou à corriger une laideur qui provoque un préjudice psychologique ou organique. ‡ de prélever une partie du corps d'une personne et de la greffer dans le corps d'une autre personne, si la partie prélevée se renouvelle comme le sang et la peau. ‡ de tirer profit d'une partie d'un organe amputé du corps pour cause de maladie comme le prélèvement de la rétine d'un oeil enlevé pour cause de maladie. ‡ de prélever un organe d'un mort pour le greffer dans le corps d'une personne vivante dont la survie dépend de cette opération, ou quand celle-ci est nécessaire pour assurer une fonction essentielle de son corps, à condition d'obtenir l'autorisation du défunt ou de ses héritiers après sa mort ou l'accord de l'autorité musulmane, si le défunt est un inconnu sans descendance. Loi marocaine Un nouveau cadre juridique Bonne nouvelle : le vide juridique qui entravait, depuis toujours, le don, le prélèvement et la transplantation d'organes et de tissus humains est en phase d'être comblé. Au fait, la loi relative à ces pratiques a été adoptée en 1998. Toutefois, elle ne pouvait être appliquée en l'absence de décrets d'application. Ce n'est que tout récemment, soit le 26 septembre de l'année en cours, que le projet de ces décrets a été présenté au gouvernement, puis validés par la suite. Si ces décrets n'ont pas encore paru au bulletin officiel, il n'en demeure pas moins qu'on est au bout du tunnel. Quant au vide juridique qui a sévi depuis belle lurette, d'aucuns réfuteront cette réalité évoquant le dahir de 1952. Il est vrai que ce dernier réglemente la greffe de la cornée, mais il reste cependant, incomplet. Tout d'abord parce que plusieurs paramètres étaient imprécis (autorisation de la famille, recours en justice en cas de complication, centres publics seuls aptes à pouvoir appliquer la greffe…). Par ailleurs, la médecine a parcouru beaucoup de chemin, et de nouvelles greffes ont vu le jour. Ainsi, le nouveau cadre juridique devrait combler plusieurs déficits et permettre un contrôle plus rigoureux. Il s'agit notamment de l'autorisation préalable de la famille ou de celle du donneur de son vivant. Pour toute personne ne désirant en aucun cas se séparer d'un de ses organes, le registre national du refus sera mis en place. Parallèlement, la nouvelle loi permettra de structurer le prélèvement et la transplantation d'organes à travers la création d'une liste d'attente nationale, de la banque d'organes, des listes des tissus et organes humains … Ceci étant, ce nouveau cadre promet son petit lot de contradictions. En effet, si les cliniques privées ont le droit de transplanter uniquement la cornée, elles ont par contre la liberté de prélever toutes sortes d'organes. Une liberté restrictive en quelque sorte qui n'arrange aucunement les cliniques privées. Mais le grand acquis de cette nouvelle loi est que les médecins sont dorénavant mieux protégés. Et également mieux sanctionnés en cas de vente d'organes ou de prélèvement non autorisé. Et c'est toute l'équipe médicale qui y participe qui paiera les dommages. Le message est clair : OUI pour le don, NON pour la vente et le vol. Les sanctions relatives à ce nouveau trafic vont d'une amende variant de 50.000 à 300.000 DH et de deux à cinq ans de prison.