Y a-t-il pénurie d'organes ? Sommes-nous équipés d'infrastructures nécessaires pour réaliser des greffes et répondre au nombre grandissant des malades en attente d'une cornée, d'un rein ou d'un cœur ? Comment procède-t-on ? Dans quelles conditions ? Les compétences humaines ne manquent pas, les techniques non plus. D'excellents chirurgiens ont fait leurs preuves bien avant l'adoption de la nouvelle loi sans aucune protection juridique, ni infrastructures adéquates. Des équipes chirurgicales se sont organisées pour effectuer les greffes. Un schéma type a été respecté pour toutes les greffes à quelques exceptions près. D'abord, les tests de compatibilité (groupe sanguin, compatibilité tissulaire, maladies virales…). Survient par la suite la demande d'autorisation de prélèvement d'organe, puis le prélèvement (il s'agit d'un acte chirurgical) et la conservation de l'organe (chaque organe a une durée de vie limitée “ischémie”. La cornée : 6 heures, le cœur : 6 heures, le rein 12 heures). En parallèle, on prépare le patient à la greffe. L'opération, a priori simple nécessite des efforts coordonnés entre le coordinateur (personne de l'extérieur du service : de préférence assistant social), l'équipe de prélèvement, le transporteur et l'équipe de greffe. Tout doit être exécuté dans un temps record. Greffe de la cornée “Pour la greffe de la cornée, l'opération est plus ou moins simple, nous ne sommes pas confrontés aux affres de la mort cérébrale. Il s'agit de prélever le globe oculaire d'un mort, ayant une cornée saine et claire pour le greffer sur un patient inscrit en liste d'attente. Nous prenons en considération l'état d'urgence du patient. La priorité est donnée aux aveugles. C'est inouï de donner la vue à quelqu'un qui n'a jamais vu le jour. La greffe de la cornée a permis à un bon nombre d'aveugles, de voir. A partir de 1958, on greffait entre 20 et 60 personnes par an. Depuis 1998, les greffes on été interrompues dans l'attente des décrets d'application de la nouvelle loi. Donneurs, receveurs et professionnels de la médecine seront mieux protégés. ” nous révèle le Professeur Amina Berraho, chef du service d'ophtalmologie à l'hôpital des Spécialités à Rabat . Greffe du rein 1986, une seconde chance s'offre aux malades d'insuffisance rénale chronique, (connus sous le nom de malades de dialyse) : celle de vivre normalement, exercer toutes les activités pleinement. La réussite de la première greffe rénale inaugure une nouvelle ère. 2.000 malades par an atteignent le stade d'insuffisance rénale chronique. Seulement 20 % des malades ont accès aux soins, estimés à 130.000 DH. Sur les 60 centres de dialyse au Maroc, 15 sont installés dans des hôpitaux publics. Ils traitent plus de 1.000 malades indigents. “ Le Maroc compte à son actif 45 greffes, nous explique le professeur Saâd Benjelloun, urologue et chirurgien. Il s'agit de reins prélevés sur un proche : frère, sœur ou parent. La compatibilité tissulaire est obligatoire. Le don posthume était jusque là exclu pour les complications liées à la mort cérébrale et à la demande d'organe. Une greffe rénale revient moins cher que les séances de dialyse en procurant au greffé une nouvelle vie. Effectuée dans un hôpital public, elle coûterait 150.000 DH et en privé entre 200.000 DH et 250.000 DH. La nouvelle loi interdisant au secteur privé d'effectuer des greffes, réduit les chances de survie des malades, qui décident de voyager outremer pour une greffe estimée à 600.000 DH. Le don d'organe est gratuit. C'est un geste extrêmement généreux et humain que de donner de son vivant un organe. Le don posthume constituerait une grande chance pour plusieurs condamnés à mort ” Greffe cardiaque «Un cœur pour Houcine», livre qui résume le calvaire d'une équipe chirurgicale dans l'attente d'un don d'organe. Techniquement parlant elle était prête bien avant le 24 septembre 1995, date de la première greffe cardiaque au Maroc… Et l'unique d'ailleurs. Une équipe s'est mobilisée pour reproduire plusieurs scénarios : du pronostic de la mort cérébrale, à la demande, au prélèvement et à la greffe du coeur. Durant 6 mois, Houcine un jeune homme de 27 ans guettait l'espoir de vivre. Il a vécu 7 ans de plus, s'est marié, a mis au monde Anas et a succombé à un cancer récemment ( le mois précédent). Le professeur Wajih Maâzouzi en témoigne : “ le don en provenance d'un cadavre reste le don idéal. Il permet de sauver plusieurs vies. Alors que le don à partir d'un être vivant comporte toujours des risques relatifs à l'intervention : un dosage inadéquat de l'anesthésiant, une infection post-opératoire... nous maîtrisons la technique chirurgicale, le suivi post-opératoire. La greffe peut réussir, mais le corps risque de rejeter l'organe intrus, aussi, le patient est-il soumis à une surveillance médicale étroite les premiers temps et à un contrôle rapproché par la suite. Nous attendons les décrets d'application qui vont structurer ce champ, mais avant il faut sensibiliser le grand public à la cause ”. Un avis partagé par le professeur Cherkaoui, président de l'Association marocaine d'information médicale AFIM, qui s'organise pour une future campagne d'information accompagnant la mise en application de la nouvelle loi. Don d'organes Les 13 réponses à savoir 1 Que dit la loi ? La loi n° 16-98 autorise le don, le prélèvement et la transplantation d'organes et de tissus humains dans un but thérapeutique ou scientifique. Le prélèvement ne peut être pratiqué sans le consentement préalable du donneur. 2 Que puis-je faire ? Si vous êtes POUR le don en vue de greffe : Dites-le à votre famille pour qu'elle puisse en témoigner. Si vous êtes CONTRE le don en vue de greffe ou d'autopsie, ou de recherche : ‡ Dites-le à votre famille afin qu'elle puisse en témoigner. ‡ Demandez votre inscription sur le registre national des refus. 3 Et si je n'ai pas fais connaître ma volonté ? Si, en cas de décès, le médecin ne connaît pas votre décision, il devra s'efforcer de recueillir le témoignage de votre volonté auprès de votre famille. C'est parce qu'elle ignore souvent la volonté du défunt que, dans le doute, sa famille témoigne parfois d'une opposition au don d'organes en vue de greffe. 4 Et si le défunt est un enfant? Quand une personne mineure décède, seuls ses parents (ou son tuteur légal) sont autorisés à consentir par écrit au don d'organes en vue de greffe. 5 Le don d'organes en vue de greffe est-il gratuit et anonyme? Oui. La loi interdit toute rémunération du don de ces éléments. C'est un acte de générosité et desolidarité entièrement gratuit. L'anonymat donneur/receveur est obligatoire. 6 Quand peut-on donner ses organes ? Uniquement en cas de mort encéphalique (aussi appelée mort cérébrale). C'est le décès provoqué par l'arrêt définitif du fonctionnement du cerveau qui est entièrement et irrémédiablement détruit. la mort encéphalique est très rare. Dans ce cas, l'activité cardiaque et la respiration sont maintenues artificiellement. Ce maintien artificiel ne peut durer que quelques heures seulement. 7 Comment sont attribués les organes ? Les organes prélevés sont attribués selon des critères principalement médicaux. Comme il y a plus de malades en attente de greffe que d'organes proposés, des règles de répartition fixées par le ministre de la santé sont appliquées. 8 En dehors de l'état de mort cérébrale, peut-on donner ses organes en vue de greffe après sa mort? Oui, certains tissus tels que la cornée peuvent être donnés après tout décès survenu à l'hôpital. 9 Existe-t-il une limite d'âge pour être donneur ? Oui, pour certaines greffes, l'essentiel étant que les éléments donnés soient sains. 10 Après l'opération de prélèvement, dans quelles conditions le corps est-il rendu à la famille? Le prélèvement est un acte chirurgical, effectué avec toutes les précautions habituelles d'asepsie ... L'aspect extérieur du corps est respecté. La famille se charge des funérailles de son parent selon ses souhaits. 11 Y a-t-il des frais liés au prélèvement pour la famille du défunt? Aucun frais lié à l'opération chirurgicale de prélèvement n'est à la charge de la famille. 12 Que greffe-t-on? Les principales greffes réalisées aujourd'hui sont, à titre d'exemple :dans le domaine des organes, le rein, le foie, le cœur, les poumons, le pancréas ou l'intestin; dans le domaine des tissus, la cornée, les os, les valves cardiaques, les vaisseaux ou la peau. 13 Mais ne peut-on pas également faire don de son vivant ? Oui, de son vivant, une personne peut, dans des conditions très particulières, faire don d'organes en vue de greffe (un rein, plus rarement une partie du foie ou du poumon, de la moelle osseuse ou des cellules.