Les profits chez General Motors et Ford affichés durant le deuxième trimestre 2007 sont assez encourageants. Mais le rôle des syndicats est déterminant pour aider ces entreprises à alléger le boulet des pensions de retraite. Est-il possible que les analyses faisant état de la mort annoncée des trois grands constructeurs automobiles de Detroit aient été exagérées ? Il y a une quinzaine de jours, Ford et General Motors (GM) ont surpris les prévisionnistes en réalisant des bénéfices dans le deuxième trimestre 2007. Et plus récemment, Chrysler a eu davantage de visibilité avec son rachat au prix de 7,4 milliards de dollars par le fonds d'investissement Cerberus, à une société de privé-équité, et la nomination inattendue d'un nouveau patron à la fermeté légendaire : Robert Nardelli, parti de Home Depot suite à la furie des actionnaires, avec des indemnités de licenciement de 210 millions de dollars. En dépit de ces signes encourageants, peu de gens à Detroit s'en réjouissent déjà. Chacune des trois entreprises essaye de réaliser un équilibre entre l'optimisme réservé au sujet des avancées de leur plan de restructuration respectif (et par ailleurs, très semblable), tout en réalisant sérieusement la longue distance restant à parcourir pour redonner santé à leurs entreprises en Amérique du Nord. En particulier, chacune des trois se rend compte de l'inconfortable importance de conclure un accord avec le puissant syndicat du secteur automobile, la United Auto Workers (UAW) Union, dans les prochaines semaines. Ils ont besoin de façon urgente de réduire ou, si possible, de supprimer de leurs bilans les 100 milliards de dollars des dépenses sociales en soins de santé au profit de près d'un million de retraités. General Motors (GM) compte environ 18 mois d'avance sur ses rivaux dans le processus de résolution de ses problèmes. Il a réduit la capacité de l'usine et les emplois, baissé les commissions des revendeurs et a nettement limité les ventes à prix réduit aux sociétés de location. Mais en dépit d'un bénéfice net de 891 millions de dollars pour le trimestre, comparé à une perte de 3,8 milliards de dollars une année plus tôt, il y a un travail assez dur à accomplir. «Aux Etats-Unis, avec un grand soutien, nous devons parvenir à une équilibre. Mais équilibrer n'est que le début du travail,» explique Fritz Henderson de GM. Chez Ford, Alan Mulally, le nouveau directeur général recruté de chez Boeing l'année dernière, est également réaliste. Bien qu'un bénéfice de 750 millions de dollars lui ait permis de déclarer que le plan pour reconstituer les capitaux de Ford, après la perte colossale de 12,7 milliards de dollars enregistrée l'année dernière, fonctionnait bien, c'était en grande partie grâce à la vente d'Aston Martin et les améliorations sur les marchés à forte croissance telles que l'Amérique latine et l'Asie. En Amérique du Nord la société a perdu 279 millions de dollars dans le trimestre. «Nous avons toujours beaucoup de chemin à parcourir,» fait observer Mulally. Les ventes de juillet montrent juste à quel point le deuxième semestre est plus difficile que le premier, en particulier si les problèmes des secteurs immobilier et du crédit affectent la confiance des consommateurs et que les prix du pétrole restent élevés. Dans le mois de juillet, le plus faible des neuf dernières années, la part de marché des Big Three est descendu en deçà de 50% pour la première fois. Mais dans ce contexte peu luisant, il y a des signes montrant que les constructeurs automobiles améliorent leur manière de faire des affaires. GM et Ford ont réalisé de grands progrès dans l'efficacité de la fabrication. Dans le Harbour Report de cette année, une étude très influente sur la productivité des véhicules automobiles nord-américains, GM s'est accaparé à lui seul quatre des dix usines d'assemblage les plus efficaces. Cela représente à présent une moyenne de 32,36 heures-homme pour construire un véhicule, soit juste 2,4 heures de moins que Toyota. Selon le Harbour, depuis 2002 la différence entre les meilleures et pires usines était de plus de 11 heures, représentant un avantage de coût en faveur du Japonais allant jusqu'à 900 dollars par véhicule. La qualité des produits s'améliore, également. Dans les études sectorielles récentes, GM a fait autant ou a même dépassé le niveau de qualité des usines américaines de Toyota, alors que Ford occupait pratiquement la première place de l'étude sur la qualité de J.D. Power de cette année. Le Mustang de Ford est classé comme la «voiture sportive» ayant le moins de problèmes dans l'étude et la Mercury Milan était la meilleure voiture de taille moyenne. Un tournant Pourtant deux grandes questions demeurent. Les Big Three peuvent-ils produire plus de voitures que les Américains veulent acheter ? Beaucoup d'Américains, en particulier sur les côtes, ne considéreront même plus leurs produits. Et le syndicat UAW leur permettront-ils d'équilibrer les charges sociales liées aux soins de santé qui ajoutent 1.000 dollars supplémentaires au coût de chaque voiture comparée aux usines non-syndiquées du Japonais Toyota? La presse et les analystes automobiles estiment le plan de GM plus prometteur que celui de réduction de coût de Ford, qui n'aura pas une nouvelle petite voiture sur le marché avant 2010 et commercialise toujours une version du Focus qui a été remplacé en Europe il y a presque trois ans. Mulally veut mieux exploiter l'excellente chaîne européenne de Ford, mais les délais d'exécution laissent perplexe. Quant à Chrysler, elle a un atout en main avec son nouveau monospace. Cependant son intention d'offrir la petite voiture construite par Chery Automobile, une société chinoise aux produits à la sécurité et la qualité douteuses, autour de 10.000 dollars en a fait sourire plus d'un. Un accord avec le syndicat UAW donnerait aux Big Three davantage de possibilité d'investir dans le développement de leurs produits. Il est difficile d'estimer l'éventualité de mesurer une telle affaire. Le chef numéro un du syndicat Ron Gettelfinger, sait ce qui est en jeu pour les constructeurs automobiles et se rend compte que si l'un d'entre eux risquait d'aller en faillite, comme Delphi, filiales pièces détachés de GM, les retraités pourraient finir avec une très maigre pension ou bien rien du tout. Mais il est peut-être prêt à prendre ce risque si les constructeurs automobiles se montrent trop durs. La solution la plus attendue, qui a l'appui des membres du syndicat, parmi les cadres supérieurs et de Wall Street, est la formation d'une entente connue sous le nom de Volontary employées beneficiary association VEBA (Association de prestations aux employés volontaires). Ce qui assurerait les charges sociales liées aux soins de santé et serait géré par des administrateurs désignés par le Syndicat. Il y a deux conditions pour conclure un tel accord : convaincre les membres de l'UAW qu'il est dans leur intérêt de prendre le fonctionnement de l'entente, et une volonté au nom des compagnies de réaliser le juste milieu. Même pour GM et Ford, qui ont environ 60 milliards de dollars de liquidité disponible, ce sera difficile.