A chaque fois que le président Abdelaziz Bouteflika se rend sur un grand chantier lié à son Plan de relance économique, il est déçu, rentre au palais d'El-Mouradia dans tous ses états. Malgré les revenus et les réserves exceptionnels, l'économie algérienne n'arrive pas à sortir de l'ornière. Constat… Le fait de répéter à chaque occasion que les revenus pétroliers vont dépasser cette année la barre des 50 milliards de $, les réserves en devises avoisineront les 60 milliards, et la dette extérieure est presque absorbée, cela n'a presque plus aucun effet sur les Algériens. «Rien de concret sur le terrain», souligne un haut cadre du ministère du Plan, en ajoutant: «les prix ne cessent de grimper depuis le début de l'été, ils ont encore tendance à augmenter avec l'approche du mois du Ramadan, sans que le gouvernement ne prenne la moindre mesure pour les freiner». En bref, le niveau de vie du citoyen est en nette baisse alors que celui des responsables, des chefs des partis politiques à la coalition gouvernementale et des gros et des petits bonnets liés au pouvoir est entrain de se consolider au fil des jours. Les derniers rapports émanant des institutions financières internationales telles que la Banque mondiale, ou locale, comme le CNES (Conseil national de l'économie et du développement), très crédible aux yeux de l'étranger s'accordent à confirmer que l'économie algérienne se porte mal malgré toutes les apparences et le flux grandissant des entreprises occidentales qui se bousculent pour décrocher des gros contrats de ce marché juteux. Comme par exemple, 11 milliards d'euros pour les autoroutes, 7,5 milliards pour le domaine des chemins de fer, 20 milliards pour le logement. Ce, sans parler de celui des hydrocarbures dont l'économie algérienne dépend toujours à hauteur de 95%. En dépit des déclarations des ministres concernées, l'industrie est toujours en panne, la croissance vantée par le ministre des Finances, reste elle aussi dépendante d'une demande publique qui monte chaque jour d'un cran avec une ouverture économique mal gérée. Une croissance qui, malgré tous les avantages conjoncturels, ne dépasse pas les 2,8% ; soit une régression aussi bien par rapport à l'année précédente que vis-à-vis des prévisions publiées trimestriellement par le gouvernement d'Abdel Aziz Belkhadem. Le tout dans un climat d'instabilité financière où les banques privées n'arrivent pas à jouer leur rôle attendu, les privatisations du secteur reportées sans pour autant donner des explications convaincantes, et enfin, une bourse dont le nombre des sociétés cotées est toujours dans la fourchette de 3 à 5 ; ce, en dépit des promesses des responsables, le chef de l'Etat, en premier, affirmant que le décollage du marché financier est pour demain. Un discours qui date aujourd'hui depuis plus de cinq ans. Dans cette foulée, les entreprises locales peinent à avoir un accès au financement. Ce qui affaiblit le secteur privé «honnête», et favorise celui lié au marché informel, plus particulièrement du «trabendo», soutenu et couvert par des personnalités très haut placées au sein du pouvoir. Dans ce cadre, une étude établie par la SFI (Société financière internationale), filiale de la Banque mondiale, montre que les crédits à l'économie ont baissé de 5,5% par rapport à 2005, de 1, 778 milliards de dinars (1 euro = environ 95 DA) à 1,680 milliards. D'autre part, le taux d'investissement n'est que de 31% contre un taux d'épargne de 56,3%. En dépit de ce contraste économique flagrant, les responsables algériens s'abstiennent toujours de donner les explications nécessaires. Ce qui rend la situation de plus en plus floue voire opaque. De plus, 25% des revenus du pays ne sont ni consommées ni investies. Dans ce même ordre de défaillance économique, les experts de la Banque mondiale disent que la libéralisation, graduelle certes, est handicapée par différentes contraintes d'ordre structurelles et n'a pas pris en compte la nécessité de constituer suffisamment d'entreprises locales pour prendre la relève du secteur public le moment opportun. Les champions qui devraient jouer ce rôle se comptent sur les doigts d'une main; d'autant qu'ils sont confrontés aux obstacles incarnés par une bureaucratie enracinée dans l'administration, encore plus au sein du secteur bancaire public, fer de lance du pouvoir central et de ses ailes influentes. De ce fait, l'inflation, la pénurie, le chômage et la pauvreté persistent et affaiblissent toute croissance. Les indices qui dérangent Le pouvoir algérien, qui peine à montrer ses réalisations depuis quelques années, se trouve finalement confronté à un non - satisfesit de la part de la Banque mondiale. En effet, au terme de la revue spécialisée des dépenses publiques (RDP), menée en 2005 et 2006, cette institution financière internationale, très penchée sur le cas algérien en Afrique du Nord, n'a pas hésité à publier un diagnostic alarmant sur la gestion des investissements publics dans ce pays, particulièrement pour les projets inscrits au plan complémentaire de soutien de la croissance (PCSC), lancé, il y a environ cinq mois par le président Bouteflika. Cet état des lieux, choquant dans la majorité de ces points soulevés, a fait tomber à l'eau tous les efforts déployés par le gouvernement qui voulait à tout prix, à travers ce plan, redorer le blason de l'Algérie entaché par une mauvaise gestion des revenus à tous les niveaux et presque dans tous les domaines. Ce diagnostic, considéré par les uns comme étant un complot contre le développement spectaculaire réalisé par l'Algérie, notamment après avoir éponger la grande partie de sa dette extérieure, a incité les autorités algériennes à s'attaquer aussi bien à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. Ce dernier, qui a donné des conseils pour mieux gérer ses revenus et ses investissements publics avec plus de performance, et surtout plus de transparence. Les experts de ces deux institutions qui se sont rendus à plusieurs reprises à Alger pour évaluer l'avancement de l'ouverture économique et ses répercussions, ont posé trop d'interrogations sur la manière selon laquelle le gouvernement actuel, très disparate, pourrait-il gérer un aussi grand montant s'élevant à 50 milliards de $ dans la période du plan quinquennal allant de 2005 jusqu'à 2009. L'évaluation faite jusqu'à la fin du deuxième semestre de 2007, ne semble pas répondre aux objectifs fixés. Surtout lorsqu'on découvre qu'au total, ce sont plus que 150 milliards de $ qui sont, en réalité, dégagés par les pouvoirs publics durant cette période. Cette évaluation qui ne s'est pas arrêtée à ce stade a contraint le premier ministre, Abdel Aziz Belkhadem, et l'ancien ministre des Finances, Mourad Medelci, à lever les boucliers contre ces deux institutions financières internationales leur demandant de ne plus se mêler dans la finance de leur pays. Notamment que ce dernier, n'a pas besoin ni de leurs études ni de leur argent. «L'Algérie, riche et non endettée, est capable de gérer ses dépenses et ses investissements publics sans avoir recours à ceux qui se prétendent aptes à donner toujours des leçons», martèle Medelci. En réalité, force est de noter que ce qui a été à l'origine de cette colère algérienne est le constat fait par José R. Lopez Calix, économiste leader pour le Maroc et l'Algérie. Ce dernier qui n'a pas caché certaines carences, notamment sur les plans institutionnel et sectoriel, de l'économie de l'investissement public, de la qualité des projets et de la maîtrise des coûts. Ces deux derniers volets des carences ont apparemment mis le feu au poudre car ils ont attiré l'attention sur les abus, les incompétences et aussi sur d'éventuels détournements de fonds. Ce qui a poussé Bouteflika à intervenir et punir les responsables. Le coup fatal qui a creusé encore plus le fossé entre le pouvoir algérien et la Banque mondiale, c'était la déclaration assassine de Lopez Calix selon laquelle il affirma «qu'il est improbable que ce niveau s'améliore dans un avenir proche». Les jours et les faits semblent bien lui donner raison.