Selon un sondage effectué par le ministère de l'Intérieur, et dont certains résultats ont été distillés à la presse, les partis de la majorité récolteront 60% des voix environ. Mais plus de la moitié des électeurs sont à la fois indécis et déçus de l'action gouvernementale. Un vivier pour le PJD ? Le ministère de l'Intérieur réalise, régulièrement, des enquêtes au sujet des prétentions de votes des Marocains. Ce sondage, ainsi que ses résultats sont entourés d'une grande confidentialité. Toutefois, selon certaines sources dignes de foi, la dernière enquête a permis de connaître les grandes tendances des législatives de septembre 2007, à la lumière du nouveau découpage électoral. Ainsi, à en croire ses sources, le taux de participation risque de ne pas dépasser les 46%. Ce qui n'est clairement pas suffisant. Cependant, ce chiffre ne tient pas en compte la campagne de sensibilisation, entamée par l'association 2007 Daba, pour inciter les citoyens, notamment les plus jeunes d'entre eux, d'abord à s'inscrire sur les listes électorales et ensuite à exprimer leur choix lors du 7 septembre prochain. Cette campagne, lancée essentiellement à travers les médias audiovisuels, est extrêmement agressive et risque de s'intensifier davantage à l'approche du jour J. Par ailleurs, à en croire les résultats du sondage, les partis du gouvernement récolteront environ 60% des suffrages exprimés. Le reste, c'est-à-dire 40%, ira à toutes les autres formations, qu'elles soient représentées au Parlement ou pas. On ignore, toutefois, la ventilation de ces chiffres. Mais le sondage du ministère de l'Intérieur met en exergue, sans les classer, quatre grands vainqueurs : trois d'entre eux font partie de l'actuelle majorité : l'Istiqlal, le Mouvement populaire et l'USFP et un parti de l'opposition, le PJD. Sachant que ce dernier parti est, de loin, le parti le plus important de l'opposition, il risque de rafler une énorme part de ces 40% et se hisser en parti incontournable lors de la formation du prochain gouvernement. Selon Abdelaziz Rebbah, membre du secrétariat général du PJD, « les résultats de ce sondage sont vraisemblables et confirment les données que nous avons déjà ». En effet, Pour lui, « le PJD est capable d'obtenir, si tout se passe comme prévu, plus de voix aux élections que tous les partis de gauche confondus ». Un résultat qui mettrait le PJD dans une situation plus que confortable, notamment, lors des pourparlers pour la formation du prochain gouvernement. En clair, « afin de former un gouvernement homogène, avec une majorité parlementaire confortable, et surtout avec le minimum de partis politiques, le PJD pourrait aisément prendre la place des partis de gauche ». Dans ce cas de figure, deux partis politiques, le PPS et l'USFP (sans compter Al Ahd qui soutient le gouvernement sans y siéger) basculeront à l'opposition. Mais nous ne sommes pas encore là. Les semaines qui nous séparent du jour J, peuvent être porteuses de surprises pour les uns comme pour les autres. Ces surprises résident dans le choix qu'opèreraient éventuellement les 54 % des indécis. C'est d'ailleurs cette population d'électeurs qui est capable, théoriquement, d'opérer un retournement de situation. Si les partis de la majorité, notamment ceux de gauche, sont « convaincants », ils peuvent récolter la voix des abstentionnistes. C'est d'ailleurs l'un des arguments essentiels qui a motivé la décision du ministère de l'Intérieur de «distiller» à la presse, quelques éléments des résultats du sondage. Ce dernier tire une sonnette d'alarme de manière indirecte en affirmant que quasiment la moitié des indécis est mécontente du rendement gouvernemental et qu'elle serait sensible aux thèses des partis de l'opposition, notamment le PJD. En outre, le «phénomène Benatiq » vient bouleverser encore plus la donne. En situation normale, une formation comme le Parti Travailliste (PT) d'Abdelkrim Benatiq, créée depuis moins d'un an, n'aurait aucun droit de citer dans les analyses et les pronostics préélectoraux. Mais dans le cas d'espèce, les choses différentes. Bizarrement, le PT attire l'attention de tous les médias nationaux, ou presque. Lors de ses meetings (jeunes, femmes…), il réussit à drainer un nombre considérable de militants et de sympathisants. Comment finance-t-il tout cela ? Et surtout sera-t-il capable de s'imposer lors des prochaines élections comme force alternative et partant, concurrence le PJD sur le terrain ? Ce qui est sûr, c'est qu'Abdelkrim Benatiq est, par définition, un homme de gauche. Ancien ministre dans le gouvernement Youssoufi, il a longtemps milité dans les rangs de la CDT (section bancaire). Le PT séduira donc, avant tout, les socialistes indécis ou déçus de l'action de l'USFP. En d'autres termes, si concurrence il y aura, elle ne sera pas à l'encontre des islamistes, mais bel et bien de la gauche qui pullule aujourd'hui de formations prometteuses, comme le PSU. Ce sont ces partis-là qui grignoteront quelques voix à l'USFP ou même au PPS. En somme, la carte politique ne risque pas de connaître un grand chamboulement. Par ricochet, le prochain gouvernement ne sera pas forcément le fruit des résultats des élections, mais plutôt la conséquence de choix politiques opérés par les grands partis de l'actuelle majorité. De même, que la participation du PJD au gouvernement reposera inéluctablement sur le choix politique stratégique qu'opèrera l'Istiqlal, au lendemain des élections. La formation d'Abbas El Fassi pourra-t-elle rompre le pacte d'honneur signé avec l'USFP et le PPS (dans le cadre de la Koutla démocratique) en s'alliant au PJD ? D'emblée, on peut répondre par l'affirmative, car rien ne semble aujourd'hui diviser l'Istiqlal et les Islamistes. En clair, plusieurs mois avant les élections législatives, la balle est déjà dans le camp istiqlalien.