Après sa grande cuite, le marché immobilier mondial se réveille avec une gueule de bois, surtout aux Etats-Unis. Juin est le mois dédié à la Propriété immobilière aux Etats-Unis. Mais, le mois des saisies, serait plus approprié. Certaines parties du marché des crédits immobiliers sont en mauvaise posture, en l'occurrence les crédits à taux variables à «surprime» offerts sur la base d'un mauvais rating. Un emprunteur à surprime sur huit est en retard de paiement. Quand expire la période de franchise et que commence celle des remboursements mensuels, les affaires de la plupart des emprunteurs, des centaines de milliers d'Américains, sont déjà prêtes à être jetées dans la rue. Il y a de cela juste quelques semaines, on pouvait entendre dire que le pire était passé dans la crise du marché immobilier américain. C'est difficilement le cas aujourd'hui. Bien qu'il soit trop tôt de pour se montrer pessimiste à propos de toute l'économie, tous les ingénieurs et géomètres peuvent s'apercevoir du resserrement des crédits et de la surabondance des logements. Les bases ne sont pas meilleures : la chute des prix n'est pas bon signe pour les dépenses des ménages, qui ont dopé la croissance économique. Les autres pays peuvent regarder nerveusement les Etats-Unis. Et ce n'est pas trop tôt. Une récession américaine ne sera pas la bienvenue, même si pour le moment, les économies Asiatique et Européenne semblent bien s'en sortir. Pourtant, la vraie raison de s'inquiéter, c'est qu'étant donné que le boom immobilier américain expliquait en partie une euphorie synchronisée au niveau mondial à partir de ressources financières bon marché, son écroulement peut tout aussi bien être à l'origine d'un évènement mondial. Après une longue, très longue nuit «sur le carreau». Il suffit de prêter l'oreille à travers le monde, pour entendre l'écho des difficultés américaines, même si les prix n'ont pas encore commencé à dégringoler. Aux Etats-Unis, ces ménages sont, sans surprise, plus pauvres et probablement moins blancs, que ceux qui peuvent obtenir des prêts immobiliers à des taux plus bas et généralement fixes. Ils essayaient de rejoindre la grande fête du marché du logement, quand les prix avaient déjà atteints des niveaux stratosphériques. Beaucoup semblent avoir été encouragés à prendre des crédits par des intermédiaires plus soucieux de leurs commissions que de la capacité de leur client à rembourser leurs dettes. Et les prêteurs qui ont financé, dont plusieurs étaient sur le point de fermer boutique, ont sous-estimé les risques de défaillance. Généreusement, on peut attribuer cela au marché relativement jeune des «taux variables à surprime». Dans une moindre mesure, on peut désigner l'effet de la titrisation sur les perspectives de gains : sachant que les prêts pouvaient être joints pour être vendus et encore morcelés, réunifiés et de nouveau vendus, se dirigeant vers des jugements de laisser-aller. Pour les britanniques, tout ceci semblera affreusement familier. Les prêts hypothécaires «auto-certifiés» qui se traduisent pour les Américains en «crédits non documentés» ou de «menteur», et les prêts non-garantis sont devenus plus courants. Parce que les emprunteurs se serrent la ceinture, surtout les jeunes qui rêvent d'acquérir leur premier toit, ou les apprentis propriétaires fonciers qui pensent qu'une chaîne de propriétés leur servira de pension. En Espagne, les prêteurs courtisent la jeune armée d'immigrants, et cela semble souvent marcher sur les sites immobiliers eux-mêmes. L'autre sujet américain c'est que les acheteurs de logements et les prêteurs récoltent les conséquences de la politique monétaire libérale. Quand la Réserve Fédérale a baissé les taux directeurs après l'explosion de la bulle des nouvelles technologies, elle a augmenté un autre, dans l'immobilier. En Europe, la monnaie unique a donné aux nouvelles vedettes de la performance, l'Espagne et l'Irlande, des taux anormalement bas. Et du coup, le prix des maisons a flambé de 180 et 250% respectivement, dans la décennie précédente. À présent, ils sont devenus très dépendant de l'immobilier. En Espagne, où le taux d'inflation du prix du logement s'est atténué pour atteindre environ 9%, les investissements dans l'immobilier représentent 7,5% du PIB. Si ce ratio venait à baisser à 6%, toujours au-dessus de la moyenne de la zone euro, les pertes d'emploi dans l'immobilier pourraient coûter un point de base à la croissance annuelle de l'emploi. L'Irlande semble toujours plus solide. La construction immobilière correspond à quelque 15% du produit national brut et 12% des emplois. Tandis que les prix montaient en flèche, les taux de crédit ont stagné durant les dernières années, autour de 4%, le rendement de la location à Dublin ne couvre même pas le coût de l'emprunt. Aujourd'hui, les prix sont également alléchants. Selon Morgan Kelly, du Collège universitaire de Dublin, pour que le ratio des prix du locatif reviennent à leur niveau de 2000, les prix réels doivent chuter de 40 à 60% durant les huit ou neuf prochaines années. À quoi faut-il s'attendre? Les Américains et les autres peuvent être tentés de s'inspirer de l'atterrissage apparemment réussi en Grande Bretagne et en Australie. Cela serait une erreur. Il faut admettre que le marché immobilier Britannique a eu un second souffle depuis une surprenante réduction des taux d'intérêt en 2005. Mais les effets des hausses des taux, peuvent ne pas se faire sentir maintenant. Et les prix Australiens peuvent subir de fortes variations régionales. Les investisseurs qui achètent pour louer des appartements de Sydney, qui ont vu la chute des prix, peuvent sentir leur atterrissage plutôt cahoteux. Inévitablement, les Américains se demanderont ce que peuvent faire les autorités politiques. C'est trop tard pour mener la politique monétaire des années précédentes ; réduire les taux d'intérêt maintenant aggraverait la situation. La principale inquiétude de la Réserve Fédérale (Fed) est l'inflation, est c'est exactement le cas. Etant donné le caractère mou des normes de crédit, principalement dans le marché des crédits à taux variables à surprime, il y a un argument qui milite pour une surveillance plus serrée des sociétés de crédits immobiliers, différentes des banques, et à un niveau fédéral plutôt qu'à l'échelle des Etats. C'est tentant de blâmer la titrisation pour une partie de ce gâchis. Mais cet instrument a été d'un grand apport pour les marchés des crédits de toutes sortes, plus liquides. Et malgré ces arriérés et ces saisies, les prêts à taux variables à surprimer font partie de ce qu'Allan Greenspan appelait la démocratisation du crédit. Plus d'Américains sont capable d'emprunter et d'acheter des maisons. Beaucoup se débrouillent. Les conséquences économiques peuvent être vastes, comme peuvent l'être les retombées politiques. Une bonne partie des gains du récent succès des Etats-Unis, a été amassée par ceux qui sont au sommet, principalement par les milieux financiers. A présent, beaucoup de moins nantis font face à des dettes impayées et la perte de leur domicile. Les politiciens populistes peuvent bien créer une bonne partie du contraste entre une résidence secondaire à Hamptons ou encore s'en passer. Au lieu de cela, ils il devaient arrêter d'idolâtrer la propriété foncière. Que ces gens soient libres d'emprunter pour acheter leur propre maison, comme ils le souhaitent, est une bonne chose. Que les politiciens s'en mêlent pour encourager l'accès à la propriété pour leur propre compte l'est moins. Qu'ils le favorisent avec des exonérations fiscales, comme c'est le cas aux Etats-Unis, est aberrant. Traduction : Mar Bassine Ndiaye The Economist Newspaper Limited, London, 2007.