Antoine Basbous, spécialiste libanais de la mouvance islamiste et l'auteur de «L'Islamisme, une révolution avortée», met l'accent dans cette interview sur l'émergence de la mouvance «Al-Qaïda» dans la région du Maghreb Arabe, ainsi que les dernières menaces terroristes dans la région. LGM : Quelle est votre lecture des dernières menaces terroristes de «Al-Qaïda en Maghreb islamique»? Antoine Basbous: Nous constatons, depuis quelques mois, une fusion de la mouvance islamiste radicale qui a fait l'allégeance à «Al-Qaïda» et particulièrement le GSPC algérien. Elle avait réussi à attirer des islamistes dans les autres pays de la région car dans ces pays il y a aussi cette mouvance qui existe bel et bien. Maintenant ils ont aussi joint leurs efforts à ceux d'«Al-Qaïda» pour déstabiliser la région. Ils sont actifs non seulement à l'échelle de l'Afrique du Nord mais également au Sahel et en Europe. Ils ont adhéré à «Al-Qaïda» puisqu'ils ont fait allégeance à Oussama Ben Laden. On a vu aussi que Dawahiri a donné des instructions claires et précises sur la finalité et les objectifs de la mission qu'ils doivent accomplir. Pour preuve, l'opération terroriste du Kamikaze qui s'est accidentellement fait exploser à Casablanca. Donc toutes ces données, mises ensemble, nous affirment que cette fusion est dangereuse pour la paix et la stabilité régionale. Est-ce que le scénario de l'Afghanistan et de l'Irak peut se reproduire dans la région du Maghreb Arabe ? Forcément pas, car en Irak il n'y a plus d'Etat. L'Etat a été détruit. Alors que dans les pays du Maghreb Arabe, l'Etat souffre parfois d'omniprésence, de trop de pouvoir, qui ne permet pas aux différentes sensibilités politiques de s'exprimer. Ce sont des Etats connus pour leurs tolérances vis-à-vis des islamistes, parce qu'ils les libèrent et les gracient. 70 % des islamistes algériens qui avaient été graciés par une loi ont retrouvé le maquis. Que pensez- vous des menaces terroristes dans la grande région du Sahel? Le Maroc a effectivement avancé l'hypothèse de l'existence de menaces terroristes dans la région du Sahara. Il est vrai que le Polisario, encouragé et financé par des pays de la région, a eu des revendications territoriales. De toute façon, le manque de cohérence entre les différents pays de la région facilite le regroupement de mouvements islamiques radicaux qui pratiquent le terrorisme. Ces derniers peuvent se révéler plus performants que les Etats, parce qu'ils ont réussi à associer leurs forces. À votre avis quelle est la relation entre l'attentat terroriste à Casablanca et les menaces terroristes d'«Al-Qaïda» dans la région du Maghreb Arabe ? On prenant l'exemple des islamistes radicaux marocains, qui ont commencé le 16 mai en 2003, et ensuite à Madrid le 11 mars 2004, où ils ont probablement joué un grand rôle, le fait de s'intégrer à «Al-Qaïda» leur donne une motivation et une vocation plus offensive et peut être plus «légitime». Ça leur donne le sens de la légitimité islamiste qui pouvait leur manquer auparavant, même si le Maroc avait déclaré avoir arrêté plus de 50 réseaux terroristes depuis 4 ans. Maintenant la nouvelle donne est dûe au fait qu'il y a l'association des mouvements islamistes armés à l'échelle régionale. Quels sont les moyens que l'Etat marocain doit utiliser pour faire face au phénomène terroriste ? L'Etat doit accorder un intérêt particulier à l'aspect économique et social et aux soucis des habitants comme ceux de Sidi Moumen pour qu'il n'y ait plus de poussée terroriste qui s'active à partir de ces endroits en difficulté. Ces efforts que l'Etat doit fournir concernent les infrastructures. Il ne faut pas oublier que les extrémistes séduisent les foules en présentant des solutions aux problèmes des jeunes de la région maghrébine. Le Jihadisme et le Takfirisme sont passés par là. Il n'y a pas que les causes économiques, prenez l'exemple des pays du Golf, il y a des gens très riches, mais ils ont été séduits par l'idéologie terroriste, parce que c'est l'idéologie et non la crise socio-économique qui les motive.