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DES DEGÂTS PSYCHIQUES ET SOCIETAUX
Publié dans La Gazette du Maroc le 08 - 01 - 2007

Dans notre pays, la prostitution est venue se joindre à la mendicité pour devenir une arme contre l'indigence. On ne loue pas son corps par plaisir. Elles sont des centaines de milliers de prostituées marocaines à vendre leur chair, ici et ailleurs, pour nourrir une famille nombreuse : ascendance, descendance et fratrie.
Mais cela justifie-t-il quelque nonchalance que ce soit à l'égard de la transformation phénoménale du Maroc en une immense «maison de tolérance» ? Par ailleurs, peut-on prétendre éradiquer à jamais la prostitution sans courir le risque d'être ridicule ? Ce qui indigne le plus, en vérité, c'est le fait que le seuil de l'abominable ait été sérieusement dépassé dans nos villes. Reportage.
"J'ai mis au monde quatre enfants. Deux ont disparu de ma vie à leur naissance et je ne sais même pas où ils peuvent bien se trouver aujourd'hui. Les deux autres comptent sur Dieu et moi-même pour les élever. Je me prostitue et c'est laid. Mais je le fais pour défendre mes enfants contre la laideur de cette vie. Laideur contre laideur !». Halima ne peut occulter l'effroi glacé qui habite son regard. Des souffrances atroces ont dû passer par là. Les multiples couches de fond de teint appliquées autour des yeux ne sont pas venues à bout des cernes. «Il m'est arrivé de veiller trois nuits d'affilée, confiant mes deux enfants à ma vieille mère. Croyez-vous vraiment que je l'ai fait par plaisir ?» Loin de toute tentation de justification, nous pouvons donc considérer qu'au Maroc, la nécessité peut expliquer l'extrême amplification du phénomène. Désignée comme étant «le plus vieux métier du monde», la prostitution peut s'imposer comme une évidence fatale. Pourtant, les hommes ont longtemps vécu avant qu'apparaisse la location du corps humain moyennant finance. «La première trace de vie humaine retrouvée à ce jour remonte à 6 millions d'années, le premier outil date de 2,5 millions d'années alors que la prostitution apparaît, comme la guerre, seulement à la fin du néolithique, soit 5000 ans avant Jésus Christ au grand maximum. C'est dire si hommes et femmes ont partagé milles autres occupations et préoccupations avant de s'adonner à celle-ci (la prostitution)...», écrit Martine Costes-Belinski. Si le puritanisme, véritable préambule de la théorie totalitaire de la «pureté», est le contraire même de toute aspiration modernitaire, le souci sanitaire et l'impératif moral doivent-ils faire défaut à notre société ? «Nous ne pouvons plus continuer à faire comme si le sida ne tue pas des Marocain(e)s. Comme si la mafia du commerce de la chair n'existe que dans les films. Notre pays est devenu l'emblème de la prostitution dans le monde arabe et en Europe. Marrakech est en train de rejoindre Bangkok à la vitesse grand V», nous dit Me Saïd B., un magistrat de la cour d'appel. Quartier Mellah de la même ville. Sur ce site cauchemardesque hérité de la communauté juive où se tasse une population abondante et miséreuse, Hajja J. tient une maison de tolérance depuis plusieurs années. Jeunes femmes et filles mineures y pratiquent la passe à la chaîne. La matrone encaisse cent dirhams par tête de pipe.
La tolérance
et ses maisons
Aux filles d'encaisser le salaire de la sueur directement chez le client. En cas de générosité de ce dernier, le «salaire» est immédiatement «taxé». Ici la fouille intégrale est systématique. On ne la fait pas à Hajja J. ! Dès potron minet, les filles «prêtées» pour la nuit rentrent au bordel avant d'aller déposer l'argent auprès de la famille et sécuriser les enfants. Entre midi et 14h, le travail à la tâche reprend. A l'âge de 25 ans, Saïda a enterré toutes ses illusions : «j'ai perdu mon père très tôt. Ma mère s'est remariée avec un homme qui m'a mise à la rue. J'ai quitté l'école après le certificat d'études primaires. A l'âge de douze ans, j'ai atterri chez une famille dont le mari m'a violée et la belle-mère m'a chassée. Cinq ans d'usine et puis…voilà. Je n'ai plus que mon corps pour subsister. Hajja J. me considère comme sa fille. C'est la seule personne qui me reste dans ce monde» Drôle de syndrome de Stockholm ! Alors qu'elle exploite jusqu'à la dernière goutte de sueur une «écurie» de douze prostituées, l'indélicate entremetteuse (qawada) trouve le moyen de jouer aux «sainte Mama».
Douar Lâascar, dans l'ancienne zone industrielle de Marrakech. Une autre «écurie» de prostituées est animée par Lalla Lakbira. Les autorités semblent sourdes aux plaintes quotidiennes du voisinage. Les allées et venues des clients ne cessent d'importuner les habitants. Les plus âgés rasent les murs et les jeunes sont gratifiés de temps à autre par un billet. Lorsque l'une des filles a rendu l'âme à la suite d'une méchante hémorragie vaginale, Lakbira s'est occupée de l'enterrement et même de la traditionnelle cérémonie du 40ème jour. Pourtant, la rumeur relate la consommation par la défunte d'un cocktail d'herbes sauvages sur le conseil de la tenancière du bordel. Ni vu ni connu. Affaire classée.
Dans ces maisons où l'on tolère la mort subite ou lente (sida), seul compte le «chiffre d'affaires» dûment ponctionné par des fonctionnaires crapuleux. Du temps du protectorat, à Arset El Houta à Marrakech ou à «Bosbir laqdim» à Casablanca, le suivi sanitaire était de rigueur. Aujourd'hui, les microbes, les parasites, les staphylocoques et les virus peuvent allègrement sévir au rythme des passes.
Toute ce «bordel» ne vaut pas les dégâts psycho-mentaux et le pathos générés par la pédophilie et le commerce des mineurs.
Aujourd'hui, nos enfants et nos petits-enfants sont la proie d'une armada de sadiques prêts à tout pour défoncer la chair de ces gamins. «Ces salopards importent leurs fantasmes les plus fous sur une terre où la famille n'a pas encore rendu l'âme. Ils brandissent leur fric pour venir à bout de l'innocence. Comment permettre ce massacre psychologique à grande échelle au nom de la promotion du tourisme ? Pas seulement : Bourrés de HIV, ces criminels sont en train d'empoisonner des centaines de nos jeunes concitoyens. Où sont l'administration et la justice ? Certes, des cas de pédophilie, dont le nombre ne dépasse guère la vingtaine, ont été jugés. Mais combien sont-ils à passer par les mailles du filet ? Au sein de leurs somptueuses demeures citadines et rurales, des «pédophages» sévissent quotidiennement au milieu d'un océan de misère», assure Fatima N., militante de l'association «Touche pas à mon enfant».
Clémence déplacée
Les affaires (enfin) levées par la police et jugées par la justice ne dépassent pas, en effet, la vingtaine. De plus, les peines «peinent» à être dissuasives. L'affaire Hervé, le journaliste belge, est emblématique de la clémence qui caractérise notre système judiciaire à cet égard. Condamné en première instance à quatre ans de prison ferme –une peine insignifiante par rapport aux faits reprochés–, il n'a séjourné derrière les barreaux qu'une petite année. Pourtant, le PC de ce sinistre individu contenait pas moins de 140.000 enregistrements vidéo et 17.000 photos pédophiles. Quatre ans, pour la forme. Comme pour le Hollandais condamné l'année dernière. La même année, trois Français, dont un d'origine marocaine, ont été arrêtés alors qu'ils tournaient les dernières scènes d'une série de cinq films porno. La «production» a pu disposer de deux maisons d'hôtes, d'une salle de sports et de trois villas situées dans la vallée de l'Ourika. Au mal de la chair et de l'âme s'ajoute celui de l'image. D'une vie souillée à jamais aux yeux de dizaines de millions de voyeurs.
«Un garçon violé subit un traumatisme psychique qui conduit à des conséquences désastreuses : la répétitivité de l'acte dans les rêves et les cauchemars, la honte, la névrose traumatique…etc. En tous cas, ce garçon ne connaîtra jamais la paix», nous dit Mohamed Zitouni, psychiatre et psychanalyste. Présidente de l'Association pour «l'extension de la psychanalyse dans la francophonie», Françoise Koehler dresse le profil psychopathologique du mineur violé : «Chez ce type de sujets, la jouissance est jumelée à la souffrance. Un excédent d'excitation s'installe. Or, tout excédent d'excitation engendre une souffrance. Cela conduit à une perversité sexuelle qui ne peut prétendre à la jouissance sans la souffrance. Ce qui est le contraire d'une sexualité «normale». La quasi-totalité des pédophiles sont des sujets qui ont subi un viol à un âge plus ou moins précoce. Prisonniers de cette perversité, ils peuvent transgresser les lois avec une nonchalance inouïe»
Le mouvement pédophile s'est accru curieusement après le Tsunami. Hasard ou causalité ? «Certains journaux et associations ont fait un lien entre la hausse des cas de pédophilie et le tsunami, mais nous n'avons pas vraiment fait une étude complète sur ce sujet. Il faut reconnaître que d'autres facteurs jouent dans la perpétuation de ce phénomène. Il y a notamment la violation des droits socio-économiques de l'enfant (droit à un niveau de vie respectable, d'avoir une chaise à l'école, de ne pas travailler, d'avoir des loisirs...) et le fait que le gouvernement essaye de renforcer sa politique de tourisme : il compte atteindre 10 millions de touristes d'ici 2010 (…) et il fait semblant de ne pas voir que le tourisme sexuel augmente. Nous ne sommes pas contre le tourisme : nous voulons un tourisme propre. La hausse de la pédophilie est également favorisée par le manque d'éducation sexuelle et des droits de l'Homme de la population, surtout des enfants (ces valeurs ne sont pas enseignées dans nos écoles). On le constate dans les familles conservatrices et avec la montée de l'islamisme», commente Omar Arbib, membre du bureau de la section de Marrakech de l'Association marocaine des droits humains (AMDH).
La malédiction de la prostitution des mineurs semble suivre la réputation de notre pays jusqu'en Italie : «En Italie, on vient de recenser 3 000 enfants d'origine marocaine dans les milieux de la prostitution. Il y a des ramifications, des mafias qui organisent ces traites scandaleuses.», rapporte M. Arbib.
L'industrie du sexe a trouvé à Marrakech une infrastructure d'accueil considérable : Riads, appartements meublés et hôtels de passe. On y trouve des restaurants et des boîtes de nuits où officie un nombre de filles trois à cinq fois supérieur à celui des hommes. Dans une boîte décentrée de la ville ocre, il nous est arrivé de décompter pas mois d'un millier de filles (dont des dizaines de mineures avérées) et moins d'un quart de millier de clients masculins Les boîtes qui restent accueillantes jusqu'au matin ne sont pas rares à Marrakech.
Café BDN à Marrakech. Il est 8 h du matin. Les filles commencent à occuper les tables. Elles reviennent du «terrain» : une boîte…ou un lit. Ici, elles peuvent prendre le «dîner-petit déjeuner» tout en parachevant leur toilettage. Elles resteront là jusqu'à l'heure du coucher, vers 10h du matin.
D'autres filles squattent la terrasse des cafés qui longent l'avenue Mohamed VI. Même rituel. Mais dès la fin de l'après-midi, la chasse reprend. Les yeux guettent l'étranger, le Zmagri (MRE) ou le fortuné non-Marrakchi. Des dizaines de cigarettes partent en fumée, comme pour égrainer les déceptions.
Toutes les filles ayant acquis plus de six mois d'expérience se trouvent sous la protection d'un mac. Elles utilisent parfois les services du grand frère ou du cousin.
Prostitution, pédophilie, proxénétisme…Ce sont là les «moyens de production» d'une industrie qui avilit l'être humain…dès son enfance. Sommes-nous devenus une grande «puissance sexuelle» ? L'industrie sexuelle a pris des proportions dangereuses dans la ville des sept saints. Puissent ceux-ci contribuer à débarrasser la ville d'Ibn Tachfine de ses hontes !
3 Questions A Mohamed Zitouni (*)


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