Dans cet entretien accordé à La Gazette Du Maroc, le Docteur Mohamed Mahassine, président de l'AMECLUF et porte-parole du mouvement des grévistes, revient sur la genèse du conflit qui oppose le corps des enseignants chercheurs titulaires du doctorat français au ministère de tutelle, explique la position des grévistes, et propose les solutions qui peuvent mettre fin à la grève de la faim des enseignants. La Gazette du Maroc : Vous êtes à votre 41ème jour de grève de la faim. Tout d'abord, comment est l'état de santé des grévistes ? Dr.Mohamed MAHASSINE : L'état de santé des grévistes de la faim est très critique. Dès les deux premières semaines de la grève de la faim les douze grévistes ont été admis aux urgences d'Avicenne. La troisième semaine trois d'entre eux y ont été admis pour la seconde fois. Le 23 novembre, notre collègue Dr ATTAF a été victime d'une hémorragie cérébrale aiguë. Dieu merci Il a été sauvé in extremis grâce à notre vigilance, à la rapidité de l'intervention de la protection civile et à la compétence du staff médical de l'hôpital Avicenne. Le 32ème jour, des collègues grévistes se sont révoltés contre l'insouciance inacceptable et le silence inadmissible observé par les autorités gouvernementales face à cette crise. Ils ont décidé d'arrêter les prises de sucre et des bios sels qui permettent de les maintenir hors danger ; ceci a causé une dégradation alarmante et dangereuse de leur santé. Deux femmes et deux hommes ont été hospitalisés aux urgences. Leur état reste alarmant. Nous ne sommes pas à l'abri d'une catastrophe hmaine qui peut surgir à n'importe quel moment, si le gouvernement n'agit pas. Il doit reconnaître les droits légitimes des enseignants chercheurs pour mettre fin à cette crise et éviter le pire. Mais qu'est-ce qui s'est passé pour que vous en arriviez là ? Quel est votre problème au juste ? Les enseignants chercheurs titulaires du doctorat français recrutés dans le cadre du statut du 17 octobre 1975 observent depuis le 1er novembre 2006 une grève de la faim au siège du snésup à Rabat pour dénoncer 22 années de préjudice subi depuis leur recrutement. Ils ont injustement été recrutés, à titre provisoire, sur la base d'une simple lettre du S.G de l'éducation nationale datée du 2 mai 1986, au titre de maître-assistant, en attendant de statuer sur l'équivalence de leur diplôme. Chose qui n'a jamais été faite jusqu'à ce jours. La revendication principale réside dans la nécessité de procéder à la réparation de cette transgression flagrante de la loi de la fonction publique en reconnaissant l'équivalence du doctorat français qui est le plus haut grade académique, sanctionnant un cursus de formation universitaire en France, depuis le 5 juillet 1984, avec le plus haut grade attribué par les universités marocaines entre 1975 et 1997. Ceci permettra d'annuler la lettre du S.G de l'éducation nationale et d'accorder l'équivalence scientifique et professionnelle à l'instar des autres doctorats européens et Ph.D anglo-saxons dont les titulaires ont été recrutés après équivalence de leurs diplômes étrangers au le grade de maître de conférence puis promus au grade de professeurs de l'enseignement supérieur après quatre années, comme le stipule le statut du 17 octobre 1975 dans le cadre duquel ils ont été recrutés. Le dernier communiqué du Bureau national du SNESUP, qui entérine les propositions du Ministère, a soulevé un tollé auprès des enseignants chercheurs grévistes titulaires du Doctorat français. Peut-on parler aujourd'hui d'une scission dans le corps des enseignants ? Pas du tout. La proposition du ministre, visant à imposer leur reclassement dans le grade de professeur habilité à partir de l'année 2002 et exigeant le passage d'un concours pour prétendre au grade de P.E.S au cours de l'année 2006, ne satisfait guère le minimum des revendications légitimes des concernés à savoir : le passage direct au grade de PES après quatre années d'ancienneté, sans concours comme le stipule le statut 75. Le concours reste donc le point principal de discorde. Il vise un blocage de la carrière de ces enseignants chercheurs dans le grade de P.H, par l'application rétroactive de la loi du 19 février 1997. C'est une transgression flagrante de la constitution du pays et de surcroît une consécration de la politique de deux poids, deux mesures. La proposition du ministre est vide de sens, irréaliste, illégale et de surcroît noyée dans la politique des demi-mesures prônées depuis toujours par le ministère et ne font qu'aggraver la situation, puisque loin de l'équité et de la justice que réclament les concernés. C'est pourquoi nous avons réclamé la création d'une commission sous la présidence de monsieur le Premier ministre, composée des ministères concernés par ce dossier et des représentants des enseignants grévistes afin qu'une solution juste, rapide et satisfaisante puisse voir le jour. Justement les solutions apportées par le ministère ont été acceptées par le bureau national et la commission administrative du SNESUP. Pourquoi alors continuer à faire grève ? Le bureau national ainsi que la commission administrative du snésup ont accepté la proposition du ministère à l'encontre de la volonté des concernés, des recommandations du conseil national de coordination du 12 novembre 2006, et en outrepassant les recommandations des congrès nationaux du snésup (6e,7ème et 8ème). Le congrès national est la plus haute instance décisionnelle. La commission administrative a essayé d'imposer ses solutions bâtardes rejetées à maintes reprises par les concernés et les instances du snésup. Cette attitude a poussé l'assemblée générale nationale des titulaires du doctorat français à retirer, unanimement, leur confiance au bureau national et de la commission administrative, tout en exprimant son attachement au snésup. Ceci permettra aux concernés d'être impliqués directement dans les discussions de leur dossier. Ainsi ont-ils adressé une demande d'audience au Premier ministre. Nous attendons toujours une réponse. Comment voyez-vous le dénouement de ce conflit ? Et quelles sont vos revendications pour mettre fin à ce débrayage ? L'implication des acteurs de la société civile constitue un tournant décisif capable d'ouvrir une nouvelle voie qui mènera certainement vers un dénouement de cette crise. Ils sont organisés dans le cadre d'un collectif pour le soutien de la cause des enseignants chercheurs titulaires du doctorat français et dans lequel participe l'association marocaine des enseignants chercheurs lauréats des universités françaises. J'ose espérer que les actions entreprises par le collectif puissent donner leurs fruits dans les délais les plus proches. Cependant, je tiens à noter, en ma qualité de porte-parole du mouvement, que les 1697 enseignants chercheurs titulaires du doctorat français en sit-in ouvert à Rabat depuis le premier novembre 2006, ainsi que mes collègues grévistes de la faim depuis 41 jours, sommes tous déterminés à mener le combat jusqu'au bout. La grève de la faim, le sit-in et l'arrêt des cours ne seront levés que si nous obtenons satisfaction à nos revendications légitimes : le reversement sans condition dans le grade de P.E.S après quatre années d'ancienneté depuis la date du recrutement de chacun, sans condition aucune, comme le stipule le statut 75 selon lequel nous avons été recrutés.