Les rapports se suivent et se ressemblent : les Américains plaident pour un gouvernement où les islamistes «modérés» seraient aux commandes. Analyse Les Etats-Unis d'Amérique seraient en passe d'annoncer publiquement leur préférence islamiste au Maroc ? C'est en tout cas ce qui ressort de la mise sur ligne de multiples rapports, finalisés par les soins de bureau d'études et autres think thank américains ces derniers temps. Un bureau parmis tant d'autres : Peace carnegie Endowment for international ou La Fondation Carnegie pour la paix internationale. Créée en 1910 à l'initiative du maître de forges Andrew Carnegie, la fondation qui porte son nom est devenue en un siècle l'un des think tanks les plus riches du monde. Dirigée par une longue succession d'anciens responsables des services secrets et organiquement liée à une cinquantaine de multinationales, la Carnegie poursuit des recherches sur la politique internationale et promeut les politiques économiques «libérales» un peu partout dans le monde. La Carnegie est aujourd'hui une des fondations les plus riches des Etats-Unis. Elle emploie 150 chercheurs et édite de nombreux rapports. Foreign Policy est désormais publié non seulement en anglais, mais aussi en six versions étrangères (arabe, espagnol, grec, italien, portugais, turc), totalisant 170 000 exemplaires. C'est le seul think tank états-unien, spécialisé en politique étrangère, destiné à un public global. C'est dire l'importance de ce think thank et son influence dans la politique américaine. Selon le rapport, très récent, de la fondation les USA s'engagent ouvertement à encourager le choix des islamistes «modérés pour contrecarrer l'expansion des extrémismes islamistes». Liberté et gestion Atlantic intelligence, un autre centre de recherche américain est allé encore plus loin en affirmant que l'action des acteurs politiques actuels, monarchie et parti politiques est loin d'être satisfaisante en matière de liberté et de gestion des différences ! Ingérence ? quoi qu'il en soit, et au-delà du caractère prétentieux du «conseil», ledit centre affirme que les deux parties, «ont échoué à créer un espace public, soumis aux règles du jeu, où s'affrontent et se confrontent les communautés d'idées et les différents projets». On est loin, effectivement du constat «soit disant scientifique». C'est un parti pris politique qui, dans le droit fil d'une conception américaine adoptée après le 11 septembre, compte favoriser un partenaire au détriment des autres. Dans LGM, on l'avait déjà souligné (voir LGM du 2 mai 2005, la main de midas). Cette politique, désormais explicitement mise sur la place publique a déjà fait l'objet de plusieurs séminaires et autres déclaration. Elle traduit en fait, le souci de la première puissance mondiale de pouvoir mettre une tendance de l'Islam politique, contre la nébuleuse ultra du fondamentalisme viscéralement anti-américain. C'est là, «l'expression d'une volonté stratégique qui passe par l'intégration des islamistes modérés dans le vaste processus de démocratisation». Primo, ce pas tactique militera pour l'endiguement de la menace jihadiste. «Jouissant d'une assise populaire, plus ou moins forte selon les pays», conclut un rapport rédigé par un think thank, comme les USA savent en faire. Les mouvements islamistes, les frères musulmans en tête, seraient d'une grande utilité. L'une des figures de ce groupe d'experts n'est autre que Martin Indyck, l'ancien ambassadeur américain en Israël! Intégration La plaidoirie pour une éventuelle intégration est le fruit d'une rencontre des plus officielles qui compte, US-islamic world forum, tenue du 10 au 12 avril 2005 à Doha (Qatar). Y ont précisément participé, Richard Holbrooke, l'ex-ambassadeur américain à l'ONU et mister Kosovo, Stephen Cohen (Brookings Institution), James Steinberg (un ancien du conseil national de sécurité) entre autres. L'administration américaine serait-elle donc prête à «accepter qu'un mouvement islamiste parvienne au pouvoir dans un pays arabe à la faveur d'élections libres et pluralistes ?». Selon J.A l'intelligent, citant J. Scott Carpenter, secrétaire d'Etat adjoint chargé de la démocratie, des droits de l'homme et du travail, la réponse est oui et «le gouvernement américain se plierait aux résultats d'un scrutin démocratique quels qu'en soient les gagnants». Paradoxalement, l'Irak dont la guerre a servi de facteur mobilisateur contre l'administration étasunienne, est cité ici en exemple. «Les Islamistes turcs et irakiens, aujourd'hui alliés des Etats-Unis au Moyen-Orient», sont arrivés «au pouvoir par les urnes». Gerald Ferenstein. Chargé des Affaires régionales au service des affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, relevant du département d'Etat, le responsable américain a été lui aussi très clair : «tout groupe politique, aussi conservateur et traditionnel soit-il, qui observe le respect des principes démocratiques et les droits de l'homme et l'alternance est le bienvenu au pouvoir. Seule condition : remporter les élections comme ce fût le cas en Irak». Maroc Dimanche 17 avril 2005, Marrakech a abrité, et ce jusqu'à jeudi 21 avril, une rencontre (à huis clos !) entre des personnalités «non officielles», y compris chercheurs, hommes politiques et des médias, du Moyen-Orient, d'Europe et des … USA. Jugés «très influents auprès des sphères des pouvoirs de leurs pays respectifs», les experts occidentaux ont, cinq jours durant, exploré les possibilités d'un dialogue «fructueux». Fait marquant : seul Attajdid, l'organe très proche des Islamistes du PJD en a eu vent. Il en a donc rapporté les tenants et les aboutissants dans sa livraison du mercredi 27 avril dernier. Le titre est plus qu'édifiant : «le dialogue euro-américain avec les mouvements islamistes a-t-il commencé à Marrakech ?», s'est d'abord interrogé le quotidien, s'ensuit une campagne de marketing politique qui mené Othmani aux USA, où il a reçu le prix du musulman démocrate. Tout un symbole.