Depuis deux ans, les prix augmentent fortement dans les villes de Casablanca, Rabat, Marrakech et celles du Nord. Les banquiers se frottent les mains, alors certains pensent déjà à des solutions de rechange telles l'occasion ou la périphérie. Sur la place de Casablanca, boursicoteurs et investisseurs ne jurent plus que par l'action Addoha. Depuis son introduction en juillet 2006, le titre s'est apprécié de 160% environ. Addoha est le symbole d'un secteur de l'immobilier en pleine expansion. L'entreprise s'est pratiquement spécialisée dans le seul logement social. Le moyen standing et le luxe n'ont malheureusement pas de représentant coté à Casablanca. Mais peu importe. Tout le monde sait que l'immobilier est atteint d'une fièvre. La demande est sans cesse croissante. Car de plus en plus de Marocains aspirent à être propriétaires quand ils ne sont pas simplement à la recherche d'une résidence secondaire. C'est en tout cas, ce que pense William Simoncelli, directeur de l'agence Carré Immobilier Maroc. Les étrangers, avec à leur tête les européens également ne cachent pas leur envie d'acquérir une portion de terrain ou d'avoir un pied à terre au Maroc. «Car, explique Simoncelli, Tanger, Casablanca ou Marrakech sont des villes satellitaires de l'Europe. Et, les villes marocaines n'ont pas connu la même flambée des prix de l'immobilier que leurs vis-à-vis européens». Fausses rumeurs de blanchiment Pendant ce temps l'offre qui, il est vrai, ne correspond pas toujours aux besoins de la clientèle professionnelle notamment, tente tant bien que mal de se diversifier. Certes, cette évolution du marché a attiré beaucoup d'investisseurs s'étant patentés du jour au lendemain promoteurs immobiliers. Certes aussi, le lucre a poussé certains à vouloir blanchir l'argent venant d'une activité de narcotrafics. C'est ce qu'on a pensé, récemment de la ville de Rabat où les prix dépassent désormais Casablanca, notamment dans certains quartiers. Mais ce ne sont que des on-dit, pensent les professionnels. Car, s'il y a eu quelques trafiquants de drogue qui ont investis dans l'immobilier, ils restent marginaux. Et de toute manière, l'activité de blanchiment est par nature très discrète. Il faudrait donc être dans le secret des dieux pour savoir qu'un promoteur est aussi un blanchisseur d'argent sale. En tout cas, la plupart des professionnels, eux, ne s'arrêtent pas sur cette déduction hâtive. Certains promoteurs n'hésitent d'ailleurs pas à accuser ceux parmi leurs homologues qui n'ont plus les moyens de suivre la tendance et donc de continuer à investir et véhiculer de tels propos. La réputation de certains opérateurs tels qu'Addoha, les Erac, la CGI n'est plus à faire. Il y en a tant d'autres encore. L'encours des crédits augmente de 25% par an Tout concourt à montrer cet engouement sans cesse grandissant pour l'immobilier, à commencer par les chiffres venant du côté des banquiers. Selon Bank Al Maghrib, en fin septembre 2006, c'est-à-dire durant les neuf premiers mois de l'année, l'encours global des crédits immobiliers accordés par les banques commerciales se monte à 68,7 milliards de dirhams. C'est chaque jour un peu plus et chaque année vient battre un record que l'on ne pensait pas atteindre sitôt. En août déjà, quand le chiffre de 67,5 milliards de dirhams d'encours de crédit immobilier a été atteint, les banquiers n'en revenaient pas. En huit mois seulement l'encours dépassait de 18,6% le record de 56,9 milliards établi en décembre 2005. Cela veut dire qu'à ce rythme, et pour la deuxième année consécutive l'encours global des crédits immobilier devrait augmenter de près de 25%. Une telle performance n'a jamais été réalisée auparavant. Et pourtant, dans le milieu bancaire tout le monde pense que ce n'est qu'un début et que le plus beau reste à venir. Car, la concurrence se fait de plus en plus rude et les offres s'adaptent mieux aux besoins des clients. Rien n'est négligé pour permettre aux Marocains d'acquérir un logement au grand bonheur des banquiers. Ainsi, les taux des crédits immobiliers descendent aujourd'hui jusqu'à 6,25%, alors que certains clients continuent de payer des crédits qu'ils avaient contractés à des taux fixes de 12% ou plus. A côté de la baisse des taux, il y a une un allongement de la durée des prêts. Une banque de la place est même allée jusqu'à proposer un crédit sur 40 ans, sous certaines conditions bien entendu. Mais qui l'aurait pensé il y a juste deux ans de cela ? Le Fogarim y participe De plus, l'Etat s'y est mis pour accompagner les nombreux Marocains désireux d'être propriétaires mais ne pouvant malheureusement pas acquérir un logement. C'est ainsi, que le Fonds de garantie pour les revenus irréguliers et modestes (Fogarim) a été mis en place. Ainsi, du serveur du café au réparateur de vélomoteur en passant par les artisans en tous genres, tout le monde a désormais droit au crédit immobilier. Aujourd'hui près de 10.000 Marocains ont pu accéder à la propriété grâce au Fogarim pour un montant de près d'un milliards de dirhams. On en attendait pas autant, quelques mois seulement après son lancement. En effet, jamais un fonds de garantie n'avait rencontré autant de succès. On sait par exemple que les fonds de garantie destinés à la mise à niveau des entreprises ou encore à la rénovation des hôtels ou de l'industrie textile ont presque tous échoués. En tout cas, les banquiers ont décidé de ne plus se faire de cadeau entre eux sur ce segment dont ils ne voulaient pas entendre parler il y a de cela quelques mois seulement. C'est dire que tout est donc réuni pour la tension sur les prix de ventes se fasse que ressentir de plus en plus. Les économies que les clients font dans les taux d'intérêts sont utilisées pour compenser l'augmentation des prix du mètre-carré à l'achat. Car, il y a indéniablement une vraie tension, bien que certaines zones soient plus sujettes à cette augmentation que d'autres. A Casablanca, c'est la zone délimite par la partie la plus à l'ouest de l'océan Atlantique et l'autoroute vers Marrakech qui connaît la plus importante progression. Il s'agit essentiellement de la préfecture d'Anfa. Concernant l'immobilier de bureau cependant, il faut aller vers Sidi Maarouf, dans le lot de la Colline pour voir les prix monter en flèche. Cependant, il faut se garder de mettre tous les quartiers de ces zones dans le même sac. «Au niveau du quartier des Hôpitaux et de 2 Mars, il n'y a eu qu'un légère hausse», explique Lamia Manali Zbadi du cabinet Vernet. Pour elle, l'augmentation s'est plus fait ressentir dans les quartiers de Racine et Racine extension dont le nom de Triangle d'or et très évocateur, mais également vers Gauthier et le boulevard Abdelatif Benkhadour. Ici le mètre carré à l'habitation atteint allègrement 14.000 dirhams. Elle cite l'exemple de la rue Jean d'Arc, devenue Aïn Harouda dans laquelle les prix ne dépassaient guèrre 9.500 dirhams/m2. Alors qu'aujourd'hui, on n'en est autour de 14.000 dirhams et plus. «Beaucoup se plaisent à donner comme adresse la rue où s'est installé le célèbre bijoutier Cartier», explique-t-elle comme étant l'une des principales raisons de cette envolée. Solutions de rechange et de repli Devant cette évolution aussi rapide, certains penchent de plus en plus vers le marché de l'occasion qui n'est pas encore structurée mais où il est possible de réaliser de «bonnes affaires». En effet, à l'intérieur du Triangle d'or, dans Racine Extension, un appartement de 70m2 construit en 1995 s'est vendu à 500.000 dirhams seulement, soit moins de 7150 dirhams le mètre carré. L'acquéreur tout heureux reconnaît qu'il lui faudra encore investir près de 60.000 dirhams pour le mettre à son gout, mais pour lui le jeu en vaut largement la chandelle. Concernant l'occasion, notre consultante Lamia Manali Zbadi explique d'emblée qu'il n'y a pas de prix de marché, citant en exemple deux appartements situés à la même adresse, le premier au premier étage affichait 10.000 dirhams le m2 et le second 1.500 dirhams de plus. L'argument de vente fourni par le propriétaire de l'appartement du dessus est somme toute difficile à comprendre puisqu'il évoque simplement l'ensoleillement de sa demeure. En tout cas, si cette ruée continue, ce ne sera que plus profitable pour l'économie. Car l'immobilier a un effet d'entrainement certains par rapport au reste de l'économie. Ce ne seront pas les actionnaires d'Addoha qui diront le contraire. Mais eux au moins ont les moyens de suivre la tendance des prix, grâce aux plus-values amassées. Le reste des Marocains devront continuer à faire face à des spéculateurs et à l'envolée des prix. À moins que l'Etat ne se décide enfin à accélérer la mise en place des schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU). Sinon on ira de dérogations à dérogations sans jamais savoir où l'on va. Les nouvelles villes structurées comme Tamansourt ou Tmasloht à Marrakech constituent une solution. Mais là où le retard est cumulé, les solutions de fortunes sont mises en place grâce à des dérogations obtenues souvent de manière peu orthodoxes. A Dar Bouazza, on ne sait plus si l'on se trouve dans une ville ou une commune rurale. Les villas, les plus huppées de Casablanca y sont construites, alors que les autorités peinent à franchir le pas. A ce rythme on risque d'avoir une ville mal pensée et donc ingérable avec les difficultés urbanistiques rencontrée dans nombre de villes du Maroc. De même, dans les environs de Bouskoura, la zone agricole fait désormais l'objet d'une forte hausse des prix. Si le mètre carré se négociait il ya juste 5 ans à 80 dirhams, aujourd'hui il faut débourser quelques 600 dirhams/m2 pour en acquérir un terrain de 5.000 m2 destinés à la construction d'une villa.