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La Koutla et le PSU à l'épreuve : Faut-il réformer la Constitution ?
Publié dans La Gazette du Maroc le 23 - 10 - 2006

Le débat initié par la Chabiba Ichtirakia du PPS, ce vendredi 20 octobre, est allé très vite au cœur des préoccupations actuelles qui agitent le microcosme politique dans le Royaume. Les formations démocratiques de la majorité gouvernante brûlent d'impatience d'accoucher d'une nouvelle Constitution. Mais les réformes politiques et constitutionnelles auxquelles appellent l'USFP, le PI, le PPS et le PSU représentent-elles la panacée à toutes les séquelles tenaces d'un sous-développement socioéconomique qui sanctionne encore le Royaume ?
Si l'impatience des acteurs politiques, fort légitime somme toute, ne rate plus une occasion pour manifester leur revendication de changement de la loi suprême du pays, force est de leur opposer, en revanche, que la démarche semble soit anachronique et, surtout, très éloignée des soucis quotidiens et attentes prioritaires de la majorité des Marocains. Autrement dit, le processus de transition démocratique avance à deux vitesses, celle anticipant le rythme normal d'évolution des réalités locales d'une élite politique et universitaire qui s'apparente aux modèles accomplis des sociétés occidentales de référence d'une part, et celle de très larges couches des mondes rural et urbain en totale rupture de communication, d'autre part.
Une troisième Constitution
Le témoignage honnête du dirigeant Usfpéiste Driss Lachgar remettant énergiquement les pendules à l'heure, ne laisse point de doute : «tout au long des trois législatures que j'ai accumulées dans ma carrière représentative, jamais, au grand jamais, pas un seul des électeurs de ma circonscription ne m'a apostrophé sur l'article 19 de la Constitution ou sur le statut du Premier ministre». Par contre, a ajouté le président du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, il faut bien se résoudre à considérer les attentes populaires bien plus terre-à-terre que ces envolées théoriques de droit constitutionnel pur dont le Royaume peut très bien faire l'économie pour le moment. Car les maux et les priorités du pays sont tout autres, le chômage structurel, la pauvreté galopante, le sous-équipement rural, l'analphabétisme, l'exode rural, la fuite des cadres à l'étranger…
En fait, à voir de plus près, les acteurs qui ont animé la table ronde ont fait montre d'un acharnement à forcer la main pour que s'engage une nouvelle dynamique de révision constitutionnelle orientée vers un régime de monarchie parlementaire. Le choix de celle-ci, comme s'est appliqué à, le justifier le dirigeant PPS Khalid Naciri «est le seul qui convienne à la situation car la monarchie parlementaire se situe entre la monarchie héréditaire et la démocratie». De là, l'observateur saisit parfaitement les enjeux de cette démarche de la Koutla qui sont fondamentalement liés à une redistribution des pouvoirs entre les divers systèmes gouvernants formant la société marocaine. Autrement dit, les partis démocratiques demandent une réforme politique et constitutionnelle entièrement centrée sur une limitation du pouvoir de l'institution monarchique et un renforcement des pouvoirs exécutif et législatif. sans oublier que sur ce chapitre, les nuances entre les divers protagonistes sont parfois de taille.
En effet, si Mohamed Sassi du PSU tranche d'emblée en plaidant pour une «monarchie parlementaire où le Roi règne et ne gouverne pas» en excipant du motif que «nous assistons actuellement à une forte recentralisation des pouvoirs dans le Royaume. Cette troisième Constitution que revendique le PSU après celles de 1992 et 1996 s'impose pour corriger les dysfonctionnements dans les mécanismes de l'exercice des pouvoirs dans le Royaume». Des dysfonctionnements diagnostiqués par le secrétaire général adjoint du PSU se traduisant par la prééminence du pouvoir monarchique, le rôle formel et les attributions limitées du Premier ministre, la faiblesse du Parlement, l'indépendance du gouvernement de certains ministères dits de souveraineté (Intérieur, Justice…). «Il faut obtenir un consensus pour s'accorder sur les interventions Royales uniquement dans les situations exceptionnelles et que le gouvernement hérite de la totalité des prérogatives du Conseil des ministres en période normale», a insisté Sassi.
Conquête des pouvoirs
Pour sa part, Driss Lachgar a mis un bémol dans ces analyses en rappelant les étapes d'évolution historique qui ont vu naître et se modifier les constitutions du Royaume en passant d'une logique de confrontation à l'indépendance à une logique de concertation et unitaire après l'option démocratique prise par l'USFP en 1975. Et les socialistes ont bien mûri leur réflexion puisqu'ils privilégient des avancées progressives en axant la priorité sur les attentes populaires à satisfaire. «Nous avons décidé de ne plus nous embarrasser de considérations sur la légitimité des institutions du Royaume pour nous focaliser sur les acquis à consolider et les progrès à accomplir vers la réussite de la transition démocratique», a-t-il expliqué. Non sans faire ressortir que «l'expérience marocaine de transition démocratique est érigé en modèle de référence dans les pays en développement». Une leçon de réalisme politique et de pragmatisme d'action qui se heurte à la soif de «tout changer» des «constitutionnalistes» tenant de la «démocratie totale».
Quant à l'istiqlalien Abdelkader Alami, en prenant soin de préciser que la réforme constitutionnelle est de mise avec le processus déclenché par le plan d'autonomie au Sahara marocain, il s'est montré volontiers optimiste en traçant un trait sur les démons du passé. «Il faut reconnaître qu'à l'ère actuelle, la confiance s'est nettement améliorée entre les divers acteurs politiques et que les arrières-pensées qui entachaient les révisions constitutionnelles n'ont plus raison d'être». Et Khalid Naciri a préféré rafraîchir les mémoires de ceux qui seraient allés vite en besogne puisque le «Maroc n'est pas une démocratie établie» tant et si bien qu'il est toujours engagé dans une «transition démocratique». Avant de plaider le cas d'une réforme constitutionnelle excluant impérativement «tout changement de régime».
Le débat est ouvert dans la sérénité et les extrapolations vont bon train. Mais force est de constater que nos acteurs politiques font beaucoup plus dans la «politique politicienne» qu'ils ne nourrissent le souci de répondre aux besoins sociaux fondamentaux de nos citoyens. Car la bonne question et le vrai débat sont les suivants : «Faut-il réformer la Constitution, ici et maintenant ?». Surtout quand les acteurs de la Koutla, eux-mêmes, se sont dits persuadés que «toute révision de la loi n'apportera pas de recette miracle à tous les problèmes auxquels est confronté le développement national». Pour se polariser sur des amendements constitutionnels n'intéressant, en fait, qu'un élargissement des pouvoirs exécutif et législatif ainsi qu'une plus grande indépendance de la justice.
Le danger dans cette nouvelle montée au créneau des forces démocratiques de la Koutla ne risque-t-elle pas de biaiser le débat national et de provoquer une crise politique dont le Maroc n'a pas besoin en ce moment ? Et au lieu de s'entêter à vouloir «dépouiller» la Royauté de ses attributs que tous les Marocains, sauf les partis politiques «revendicatifs» lui reconnaissent légitimement, ne serait-il pas plus indiqué de s'impliquer dans le travail de proximité qui fait cruellement défaut.


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