Le geste accompli par Hoummane EL Fetouaki à la Mosquée Al Koutoubia à Marrakech, avait la même valeur que l'action menée spontanément par Allal Ben Abdallah dans l'enceinte du Palais Royal à Rabat : s'attaquer aux valets du colonialisme et à ses symboles. Un parcours édifiant. Pour les Marocains des années de la résistance nationale armée déclenchée en 1953 et couronnée en novembre 1955 par le retour triomphal du père de la libération feu S.M. Mohammed V de son exil à Madagascar, le nom de Hoummane El Fetouaki était synonyme de courage, de sacrifice et de nationalisme. Un nom qui a pratiquement la même valeur que les pionniers de la lutte de libération que furent Allal Ben Abdallah à Rabat et Mohamed Zarktouni à Casablanca. Il incarna un bel exemple, le meilleur peut-être, de toutes ces valeurs et tous ces leaders mythiques, en terme de valeur morale, d'engagement nationale, de bonne conduite, d'audace et d'esprit d'initiative. Paysan de père en fils C'est ce qui lui vaudra deux fois la condamnation à mort. La première, prononcée le 6 novembre 1954 mais non exécutée au moment où la famille Royale était encore en exil. Une tentative de l'administration coloniale d'amadouer le mouvement de résistance en leur faisant miroiter une éventuelle amnistie. La deuxième prononcée en mars 1955, sera exécutée solennellement à la prison El Ader d'El Jadida un mois plus tard, le 9 avril de la même année. Les Français voulaient donner l'exemple aux résistants marocains, moins de sept mois avant d'être contraints aux négociations d'Aix Les Bains qui vont baliser le chemin du retour d'exil de feu Mohammed V. À juste titre, Hoummane El Fetouaki est considéré jusqu'à aujourd'hui comme l'un des principaux martyrs de la Nation. Ceux qui ont fait don de leur vie pour la liberté, la dignité de leurs compatriotes, l'indépendance de leur Maroc et le retour du Roi légitime sur son trône. Hoummane El Fetouaki est né en 1908 au village de Tassoumt, dans le Haouz, fief de la tribu des Fetouakas dans la région de Marrakech. Il était avant tout paysan et fils de paysan. Il n'a pas eu la chance d'aller à l'école lorsque le colonialisme français venait de s'installer au Maroc à partir de 1912. A l'âge de vingt ans, alors que le Roi Mohammed V venait de succéder à son père feu Moulay Youssaf (1912-1927) Hoummane El Fatouaki décide enfin de rompre avec son état de «fellah». Il quitte son village natal à la recherche d'un emploi en milieu urbain. Il choisit alors de se rendre dans le nord du Maroc. Il s'installe à Tétouan et rejoint les rangs de l'Armée espagnole en tant que simple soldat. Il y passera presque six années, période durant laquelle il épouse une femme tangéroise en 1942. La lutte armée préférée à l'action politique Du nord du Maroc, il reviendra au milieu des années quarante dans son Haouz natal pour s'installer définitivement dans sa région d'origine. Rapidement à Marrakech, on découvrira alors un autre personnage, une autre facette de Hoummane El Fatouaki. Un citoyen accompli, qui connaît ses droits et ses devoirs et qui est conscient du poids que pèse l'occupation étrangère sur ses compatriotes marocains. D'un fellah à Fatouaka, celui qui revint à Marrakech. Il y exerça toutes sortes des métiers : chauffeur de camion commerçant, épicier au quartier Sidi Benslimane. Il se lance parallèlement dans l'action politique et rejoint les rangs du parti de l'Istiqlal fondé en 1944. Il ne manquera pas de manifester son irritation, sa désapprobation de l'action au sein d'un parti politique conventionnel. Les discours, les communiqués et les manifestes politiques n'ont jamais convaincu ni enthousiasmé outre mesure le révolutionnaire né que fût Houmane El Fatouaki. Deux condamnations à mort C'est ce qui expliquera sa décision d'abandonner toute action militante, et quitter son fief de Marrakech pour rejoindre Casablanca où il intègre les cellules armées secrètes de l'Istiqlal qu'animait déjà un certain Mohamed Zarktouni. Quelques années plus tard, il deviendra un guérillero de grande notoriété. Il retrouvera sa ville natale pour y créer une multitude de cellules de la résistance. L'ampleur des opérations menées contre les objectifs français, le nombre de colons exécutés et de dégâts occasionnés, feront de lui, tout au long des années 52, 53, 54 et 55 l'ennemi numéro 1 de l'administration coloniale. Sa tête était réclamée partout. En coordination avec les chefs de la résistance à Casablanca, il avait surtout dirigé une mémorable opération d'attaque contre le Roi fantôme Mohamed Ben Arafa accompagné par le pacha Thami El Slaoui pendant la prière du vendredi à la Mosquée Al-Koutoubia . Il se proposait alors de liquider ce qu'il appelait les vrais symboles du colonialisme. Ceux même qu'il avait connus lorsqu'il exerçait au sein du cabinet du Pacha El Glaoui. Mais cela ne l'a pas empêché de retrouver toute sa fibre nationaliste lorsqu'il s'apercevra que Ben Arafa et El Glaoui, c'était du blanc bonnet et bonnet blanc : synonymes de colonialisme. Ceux qui l'ont connu à Marrakech, Casablanca et dans d'autres régions du Maroc, évoquent son courage et son audace. Ils rappellent qu'il s'était chargé personnellement du transport des armes de toutes les régions du Maroc en vue de renforcer ses cellules armées à Marrakech. Il préférait toujours endosser les responsabilités des actes commis pour faire innocenter ses camarades. Jusqu'à ce que l'administration coloniale décide, après l'avoir capturé, de le juger à la sauvette et de l'exécuter, cinq mois avant l'ouverture des négociations à Aix-les-Bains, la perspective du retour d'exil de Mohammed V et l'avènement de l'indépendance. Mais, son meilleur acte, celui qui restera gravé dans les mémoires des résistants marocains, est que lorsque l'heure de l'exécution est arrivée, Houmane El Fetouaka, s'exécuta avec courage et dignité. Il refusa de porter une bande sur les yeux. Un geste qui força l'admiration de ses compatriotes marocains, mais surtout de ses bourreaux !…. Traduit de l'arabe par Omar El Anouari