Le parti islamiste d'opposition décline ses intentions, et pour la première fois sans faire ni mystère ni cachotteries politiciennes, sa ferme intention de conquérir un maximum de sièges bicaméraux et de rafler le plus grand nombre de portefeuilles ministériels aux prochaines échéances de 2007. En sonnant le rassemblement de ses troupes réunies à l'occasion de la seconde université d'été du parti tenue du 31 août 3 septembre, la formation pilotée par Saâdeddine El Othmani a lancé le signal de la mobilisation générale à l'assaut de la conquête démocratique des pouvoirs exécutif et législatif. En tout cas, c'est en substance le mot d'ordre fédérateur du PJD sous lequel ont été organisées ces deuxièmes assises de l'université estivale. En clair, la formation islamiste est décidée à lancer toutes ses forces dans la bataille de la prochaine législature en ne dissimulant point ses ambitions de conquête du pouvoir ni ses prétentions de leadership dans un champ politique national atomisé. Histoire de mettre à l'épreuve la capacité réactive des autres formations concurrentes et de tester le baromètre populaire en espérant que les sondages américains prédisant un raz-de-marée islamiste aux prochaines législatives ne soient pas démentis. Sur le moment, le PJD multiplie les démonstrations de force par les congrès régionaux, la mobilisation de sa jeunesse, ses actions de pénétration du monde rural dont il a tiré les leçons d'autocritique car c'est encore son maillon faible. Un parti «bagarreur» qui ne… baguenaude guère… En dépit du fait que le PJD semble avoir révisé ses ambitions à la baisse pour mener la bataille des élections partielles du 8 septembre, notamment en présentant des candidats dans le seul collège électoral des collectivités locales et en affichant des prétentions modestes pour ses probables élus à la seconde chambre, il faut bien souligner que le renouvellement du tiers sortant de la chambre basse ne constitue, à proprement parler, qu'un test de parcours permettant à la formation islamiste de mesurer ses forces et de remédier aux points restant à améliorer dans ses capacités de mobilisation des électeurs. Sans oublier que ce collège est forcément réduit après la décision volontaire du PJD de réduire le nombre de circonscriptions investies lors des communales de 2003. En effet, il ne comptait que 637 élus sur un total de 22 000, ce qui ne sera plus le cas, ce coup-ci puisque les listes intéresseront la totalité des cartes électorales du Royaume. A en croire les responsables parlementaires du parti, «les consultations du 8 septembre seront un test pour le PJD dans la mesure où elle permettront au parti de savoir si ses élus dans les collectivités locales vont faire preuve d'une discipline partisane irréprochable». Un test qui signifierait, en plus clair, de jauger de la capacité des militants à faire face à toutes les tentations de «commerce électoral». Surtout, comme vient de le rappeler le chef du parti, que «les mesures prises par l'Etat sont insuffisantes pour faire face à la corruption électorale». Saâdeddine El Othmani en futur premier ministrable ? D'aucuns adhèrent volontiers à ce scénario redouté par les démocrates de gauche dont l'aptitude à faire face à la montée des sympathies islamistes est de plus en plus rudement mise à l'épreuve. Des sources dirigeantes du PJD ne font plus mystère de ces ambitions tout en s'appliquant à persuader leur entourage et partenaires que le secrétaire général du parti est bien «l'homme du changement» dans le Maroc de l'après 2007. Pourtant, à y regarder de près, il faut bien se rendre à l'évidence que ce ne sont pas les atouts qui manquent à une formation accrocheuse, combative, bigrement bien organisée, présente sur tous les fronts, dotée de dirigeants qui ont apprivoisé la proximité avec leurs militants et leurs bases comme mode de gouvernance partisane. Mieux encore, et l'exemple des islamistes turcs a dû peser de tout son poids dans la recherche d'un courant politique islamiste moderne,le PJD s'est mû en un appareil en voie de professionnalisation à tous les niveaux, central, national, régional et local, s'appuyant sur des cadres de formation supérieure de valeur et des gestionnaires des affaires locales formées dans des instituts et écoles spécialisés. Autre atout qui fait la force du PJD : les débats à l'université d'été se sont révélés d'un niveau très appréciable et les militants islamistes excipant d'une propension remarquable aux analyses et échanges d'argumentaires comme, curieusement, on en voit de moins en moins dans les formations classiques ou supposées démocratiques. Oui, il faut bien se rendre à l'évidence, le ton est donné et la compétition à la conquête des pouvoirs est loin de s'avérer une sinécure pour les acteurs politiques en ligne. Ce qu'il faut souligner, c'est l'engagement progressif et assidu de la formation de Saâdeddine El Othmani dans une action en profondeur de mise à niveau et de professionnalisation d'un appareil qui est en train de mesurer ses forces aux dimensions spatiales et humaines que de futures responsabilités gouvernementales seraient susceptibles de leur en conférer l'opportunité. C'est pourquoi la mobilisation des «péjidisdes» s'exécute autour des axes constants conduisant ses militants : renforcement de la communication interne et des capacités de mobilisation de ses militants dans la perspective d'une victoire aux prochaines échéances et, en dernier lieu, mise à niveau des dirigeants et qualification ou professionnalisation de l'encadrement à tous les niveaux , national ou de proximité. Au-delà de toute suspicion sur la véritable idéologie du PJD ou ses intentions de gouvernance politique autoritaire ou démocratique, il faut bien reconnaître que ce dernier a traversé des étapes appréciables sur la voie de sa professionnalisation et de son adaptation aux règles modernes des enjeux politiques liés aux valeurs universelles. Le PJD est un parti «bagarreur», tenace, fermement déterminé à jouer à fond le jeu de la démocratie représentative et de la gouvernance politique moderne tout en s'en tenant jalousement à la défense de son référentiel islamique. Et les prochaines échéances votatives dévoileront la véritable carte politique d'un Royaume que l'on croyait durablement atomisé en termes de voix remportées par les divers acteurs de la majorité et de l'opposition. Mais pour une fois, ces acteurs ne pourront guère prétexter d'avoir été pris au dépourvu puisque les règles du nouveau jeu politique ont été divulguées de manière précoce et que «tout parti averti peut en valoir deux». Sauf que si les rattrapages se fassent dans la sincérité des programmes concoctés, loin de toute démagogie populiste, de toute surenchère ou insensibilisation de la pauvreté des citoyens. Et, surtout, que nos forces politiques cessent de…baguenauder pour retrousser leurs manches au travail assidu au seul service de la collectivité nationale et du mieux-être de nos citoyens. Saâdeddine El Othmani a mis en garde adversaires et partisans : «la différence entre le PJD et les autres partis, c'est que nous, on travaille».