Dans le contexte actuel de la guerre que mène Israël contre le Liban et la pression renouvelée par les Etats-Unis pour forcer la mise en application de la résolution de l'ONU 1559 (qui avait appelé, entre autres, au désarmement de toutes les milices au Liban), il est instructif de revoir (réviser) les résultats de notre sondage du mois d'avril 2005 relatif à l'opinion publique libanaise. Nous avons effectué ce sondage à la suite de l'adoption de la résolution 1559 et le retrait syrien. Ce que nous avons découvert était une politique profondément divisée sur un certain nombre de questions, particulièrement le désarmement du Hezbollah, la dernière milice restante au Liban. Nous avons également trouvé un consensus de nombreuses autres questions qui, si l'on agissait dessus, pourraient renforcer le gouvernement libanais et la démocratie. Les résultats dégagés de ce sondage sont les suivants : À la question si le Hezbollah devrait être désarmé ou pas, 41% des Libanais n'étaient pas d'accord alors que 6% seulement était pour ; 31% des Libanais sondés avaient déclaré qu'ils soutiendraient le désarmement mais seulement si le Hezbollah était pour. Néanmoins, il est important de relever que 79% de tous les chiites, représentant approximativement 40% de la population libanaise, s'étaient opposés au désarmement du Hezbollah. À la question si les Etats-Unis devraient exercer des pressions sur la Syrie afin de désarmer le Hezbollah, seuls 26% des Libanais étaient d'accord avec 65% contre. Dans l'ensemble le Hezbollah avait reçu une notation favorable de la part des trois quarts de tous les Libanais avec presque 90% de chiites et sunnites exprimant leur soutien au Hezbollah. Interrogés pour noter leur soutien ou opposition à de nombreux pays, la Syrie a reçu 37% contre 30% pour les Etats-Unis. Sur cette question, il y avait un profond fossé, avec les citoyens qui s'étaient prononcés en faveur des Etats-Unis et les chiites et de nombreux sunnites étaient du côté de la Syrie. Par contre Israël s'était taillé l'opposition de toutes les communautés libanaises. L'unité pourrait être trouvée dans trois zones importantes : 58% de tous les Libanais dont plus de 80% de tous les sous-groupes soutenaient un dialogue national relatif à l'application des accords de Taïf, une disposition clef non remplie et qui avait appelé à un nouvel arrangement pour la vie politique libanaise. Et lorsqu'ils ont été interrogés sur la possibilité ou non de changer le système politique libanais qui maintient des Maronites et des Sunnites au détriment de la communauté chiite, la plus nombreuse, et surtout la possibilité de mettre en application un système de vote « un homme, une voix » pour élire le président du Liban, les deux tiers des Libanais étaient d'accord. Vu ces résultats, deux réalités doivent être étudiées. Après vingt-deux ans d'occupation israélienne du sud Liban, il existe un large ressentiment répandu à l'égard d'Israël et par extension à l'égard des Etas-Unis, qui sont perçus comme ayant soutenu le comportement d'Israël au Liban. Durant ce temps, la résistance du Hezbollah à l'occupation a fait gagner au groupe un fort soutien comme étant un mouvement de résistance. Combinant cela, c'est le sens continu partagé par de nombreux éléments au sein de la communauté chiite qui reste un groupe privé de ses droits au Liban. Avec les positions les plus puissantes du pays encore allant aux représentants d'autres communautés religieuses, comme un arrangement conclu il y a plus de 70 ans, l'indépendance militaire du Hezbollah et sa force militaire peut fournir aux chiites un effet de levier et une auto-expression au sein du système libanais. Il est correct de relever qu'il existe ici une dimension externe à la fois iranienne et syrienne, mais si l'on met l'accent sur ceci et l'on ignore la dynamique libanaise interne, cela serait une erreur grave. Ce qui doit être fait ? Il est clair que la situation actuelle est intenable. Les récentes actions imprudentes du Hezbollah ont donné à Israël le prétexte pour mener un assaut massif et disproportionné contre le Liban, tuant des centaines de personnes innocentes libanaises, causant d'énormes dégâts à l'économie du pays et à son infrastructure. Comme le Hezbollah avait agi sans l'accord du gouvernement central, il a été réprimandé par le Premier ministre et la majorité de son cabinet avant que l'étendue de l'assaut d'Israël ne devienne clair.e Pour être pleinement libre et souverain, le gouvernement libanais doit avoir le contrôle de l'ensemble de son territoire. Mais ni la réponse brutale d'Israël ni la pression américaine n'aideront à renforcer le gouvernement libanais, ni anéantir le soutien au Hezbollah par un large segment du Liban, pas plus qu' ils ne forceront le mouvement à se désarmer. Israël a causé un ressentiment plus profond au Liban et un retour renforcé de soutien pour le Hezbollah. Au moment qu'il est important de renforcer le Liban et de consolider la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU, il s'agit d'une question politique qui doit être intérieurement résolue. D'abord, il faudra l'instauration d'un cessez-le-feu avec Israël qui doit se retirer du Sud Liban. Liées à cela figurent un certain nombre de questions, telle que la présence temporaire d'une force internationale pour maintenir le cessez-le-feu, l'échange de prisonniers, la fermeture du dossier des fermes de Chebaâ, un arrêt des convois d'armes au Liban et l'engagement de la communauté internationale de fournir une aide humanitaire et de reconstruction urgente pour aider les Libanais à reconstruire leurs infrastructures. Mais pour résoudre davantage de questions fondamentales, l'attention doit être braquée sur l'aide apportée au Liban pour reconstruire son système politique et l'engagement de toutes les parties libanaises à appliquer la section finale des accords de Taif y compris une restructuration du système politique libanais et le désarmement du Hezbollah. Ces objectifs vont de paire. Le gouvernement central du Liban doit être renforcé et avoir un contrôle exclusif sur son territoire et ses forces, chose qui n'est pas possible sans le consentement de tous les segments de la société. En d'autres termes, le Hezbollah doit se désarmer et fonctionner comme un parti politique avec ses forces placées sous le commandement général militaire libanais. En même temps, le système libanais doit laisser de l'espace à la communauté chiite à tous les niveaux. Demander au gouvernement libanais de prendre le contrôle du sud du pays et de désarmer par la force le Hezbollah sans changer l'ordre politique libanais, c'est courir le risque de rallumer la guerre civile. En même temps, l'insistance du Hezbollah de maintenir son indépendance militaire pourrait seulement continuer à retarder les réformes au Liban, prolongeant ainsi la marginalisation de la communauté chiite. Alors qu'il existe des différences évidentes, cette approche comporte quelque ressemblance avec le processus de paix irlandais où les réformes politiques et le désarmement étaient liés. Pour gagner, chacun doit payer un prix. Au cours des deux dernières semaines, les deux parties en conflits s'étaient référées à un vieux proverbe : « les choses doivent empirer pour qu'elles puissent aller mieux», ignorant au passage le plus souvent que «les choses deviennent seulement pires ». Plus évident encore est le vieil adage libanais : « Ni vainqueur, ni vaincu », la seule issue pour mettre fin au conflit est de l'arrêter et de commencer après le dur travail de résoudre les problèmes de sorte que « les choses » aillent mieux. Alors que la provocation du Hezbollah et l'horrible carnage causé par l'assaut d'Israël ont seulement compliqué les choses, le Liban demeure un pays remarquable et résistant ayant besoin d'un renouveau intérieur. Les blessures de cette guerre prendront longtemps pour se cicatriser. Le Liban a aujourd'hui ce dont il avait besoin en 1990, à la fin de sa guerre civile : un système politique représentatif qui ouvre de nouvelles opportunités pour la communauté chiite du sud privée de ses droits et qui conserve le caractère spécial du Liban, par exemple la protection et la liberté de tous les groupes confessionnels. Une solution doit être trouvée par les Libanais eux-mêmes, sans la menace d'une force interne ou externe. Traduit de l'américain par Noureddine Boughanmi Pour gagner, chacun doit payer un prix. Au cours des deux dernières semaines, les deux parties en conflits s'étaient référées à un vieux proverbe : « les choses doivent empirer pour qu'elles puissent aller mieux », ignorant au passage le plus souvent que « les choses deviennent seulement pires ». Plus évident encore est le vieil adage libanais « Ni vainqueur, ni vaincu », la seule issue pour mettre fin au conflit est de l'arrêter et de commencer après le dur travail de résoudre les problèmes de sorte que « les choses » aillent mieux