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Al Adl Wal Ihsane : L'escalade hasardeuse
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 06 - 2006

Que veut Al Adl Wal Ihsane ? C'est à cette question primordiale qu'est renvoyée l'organisation de Abdessalam Yassine dans le bras de fer qui l'oppose au pouvoir depuis un mois. L'évolution du contexte politique permet de situer la nature et les limites de la mobilisation des activistes adlistes et souligne les contradictions et les risques inhérents à leur attitude.
Depuis un mois, Al Adl Wal Ihsane, est entré dans un bras de fer avec le pouvoir qui, une nouvelle fois, a voulu marquer les bornes à ne pas franchir et contraindre l'organisation islamiste d'Abdessalam Yassine à dévoiler ses intentions ou manifester ses propres limites.
L'opération «portes ouvertes» lancée à l'échelle nationale par Al Adl depuis le 24 mai dernier apparaît à la fois comme un défi et comme une forme d'implication, même ambivalente, dans le contexte politique actuel. D'où le caractère plus que jamais ambigu de cette mobilisation et des propos tenus par divers responsables de l'organisation et par des «observateurs» proches d'eux.
Ce qui ressort, à première vue, c'est bien la volonté de rappeler qu'Al Adl demeure une force prépondérante sur une scène politique polarisée par l'échéance des élections de 2007. Alors que depuis des mois le PJD était mis en vedette, les pronostics plus ou moins fiables le donnant gagnant d'avance aux prochaines législatives, Al Adl semblait confiné en arrière-plan.
À part les sorties de Nadia Yassine sur ses «préférences républicaines» en marge de ses voyages aux USA, aucune expression ou manifestation politique distincte n'était, depuis longtemps, le fait des adlistes.
L'impression a même prévalu que l'évolution du jeu politique, intégrant de plus en plus le PJD, désamorçait quelque peu la charge particulière d'Al Adl, d'autant plus que celui-ci s'enfonçait dans la pratique ésotérique des «visions» de ses adeptes avec la bénédiction de son guide.
Al Adl était en passe d'accentuer son image de zaouia vouée à ses rituels extatiques, ce qui, de toute évidence, n'arrangeait pas les projets des dirigeants plus nettement politiques de l'organisation.
Ces derniers pris entre le radicalisme utopique mais inopérant qui n'a cessé d'être affiché et le confinement dans la zaouia, avaient besoin d'un appel d'air, d'une initiative qui les sorte de l'isolement.
Au-delà des visions
C'est cette demande, devenue plus impérieuse dans le contexte pré-électoral, qui a fini par s'imposer au vieux leader. Comme premier signe de re-mobilisation il y eut la vision du grand événement promis pour 2006. L'effet d'annonce, répercuté par les médias, a été immédiat. Jouant sur l'ambiguïté du registre adliste, cette annonce messianique a suffisamment occupé les esprits, plus sensibles aux énigmes et aux oracles qu'aux réalités (complexes et donc décevantes). On ne savait si Al Adl promettait l'insurrection générale, version islamiste du grand soir des révolutionnaires marxistes ou une délivrance surnaturelle descendue du ciel sous forme d'avènement par miracle du Califat yassinien. Les pires pronostics sur d'éventuels troubles résultant d'une radicalisation programmée d'Al Adl avoisinaient les rêveries les plus euphoriques quant à l'attente du miracle.
Plus prosaïquement des dirigeants plus «politiques» d'Al Adl ont laissé entendre qu'il ne fallait pas trop s'en tenir à de telles interprétations. Ni l'échéance de 2006 n'était selon eux à prendre à la lettre ni le scénario insurrectionnel. En fait, suggéraient-ils, il s'agit d'un symbole d'espérance et de mobilisation. Le but était donc de ranimer la flamme, de recréer de la perspective d'avenir, de stimuler la foi. On a même pu en induire que Al Adl s'apprêtait à faire le pas de l'affirmation plus ouverte, voire de la légalisation, de son organisation en parti politique. L'enjeu de la visibilité sur le champ politique était ainsi devenu une préoccupation irrépressible.
Il ne suffisait plus de se démarquer du PJD par un positionnement plus critique et plus opposant vis-à-vis du pouvoir et de la classe politique, les propos volontiers provocateurs de Nadia Yassine cherchant à souligner cette «originalité». L'isolement et le confinement de fait d'Al Adl étaient manifestes.
Même les escarmouches qui avaient recommencé dans les campus universitaires du fait de l'agitation des étudiants adlistes ne suffisaient pas à donner le change. Ni non plus les quelques réapparitions médiatiques de Abdeslam Yassine sur des photos le montrant parmi ses adeptes dans des décors champêtres comme pour souligner sa présence et sa vigueur.
C'est en mars dernier qu'à Oujda la section d'Al Adl dirigée par Mohamed Abbadi, considéré comme le numéro deux de l'organisation, a animé une semaine de communication sur son offre «éducative et politique». Le succès fut apparemment jugé très encourageant puisqu'en mai l'organisation décida de généraliser l'expérience sous forme d'opérations «portes ouvertes».
Les maisons des activistes régionaux et même des espaces publics ont servi à abriter des réunions de « sensibilisation » où des centaines de milliers de tracts et de CD de propagande ont été distribués.
L'opération a ainsi permis à Al Adl de sortir du confinement et de reprendre une forme d'initiative. Après la multiplication des «visions», signe d'une attente insatisfaite, et alors que la scène politique était dominée par les consultations et les divers mouvements pré-électoraux, une telle sortie était ainsi devenue nécessaire pour les dirigeants adlistes. Elle a été inaugurée par le cérémonial quasi-royal de la visite d'Abdessalam Yassine à Ouarzazate avec un accueil protocolaire appuyé de ses adeptes.
Al Adl mettait ainsi en scène la représentation du « contre-pouvoir » qu'il veut incarner. La symbolique, plus ou moins tolérée par le pouvoir tant qu'elle reste confinée, prenait ici l'allure d'une mobilisation offensive en direction des masses. Pour le pouvoir il y a là un changement de registre qui risque d'échapper même aux activistes d'Al Adl et de provoquer des surenchères et des débordements incontrôlables.
Risques de débordement
D'où la réaction immédiate des autorités qui ont interdit les « réunions illégales » de l'organisation non autorisée, interpellé et fiché des centaines d'activistes et saisi des documents et du matériel servant à la propagande et recelant des données sur l'organisation et ses activités.
Al Adl s'attendait-il à une telle réaction, assez prévisible d'ailleurs ou bien postulait-il que le pouvoir allait laisser faire? Des commentateurs proches d'Al Adl ont même expliqué à qui voulait les entendre que cette campagne nationale de l'organisation yassinienne devait être perçue comme une «participation légaliste» au champ politique et une «reconnaissance implicite» du système, même si celui-ci est encore dénoncé dans la propagande. En somme Al Adl se livrerait à un jeu politique assez subtil où en contre-partie d'une activité de masse plus tolérée, il ménagerait le régime, amortirait les risques de violence et préparerait même une évolution des positions de l'organisation vers un statut plus «intégrable» au système. C'est ainsi qu'est interprété le recours par Abbadi et d'autres dirigeants à la justice après la pose de scellés sur leur domicile où se tenaient les réunions incriminées. Selon cette interprétation, reflétant la position de l'aile politique modérée d'Al Adl, celui-ci ne s'affiche plus de façon virulente contre le régime (malgré les déclarations de Nadia Yassine qui indisposent au plus haut point les dirigeants modérés, même s'ils sont obligés de se tenir solidaires de la fille du leader).
La réaction ferme du pouvoir a contrecarré les projets de présence plus affichée et plus expansive de l'organisation qui s'est trouvée prise au piège de ses propres contradictions.
Face aux interdictions et aux interpellations suivies de la remise en liberté de la plupart des activistes interrogés et de quelques arrestations, Al Adl a hésité entre l'escalade du défi et de la confrontation et le repli sur soi. Même les réunions hebdomadaires des cellules ont été interdites dans la plupart des villes (sauf à Casablanca où un modus vivendi plus pacifique a été observé de part et d'autre).
Jusqu'où Al Adl peut-il pousser l'escalade en ce début d'été 2006 ? Ceci s'avère très hasardeux dans le contexte actuel. Des consignes de non-violence ont été données aux activistes de base même si Al Adl n'a pas renoncé à poursuivre sa campagne. La corde est raide car s'il faut maintenir une certaine mobilisation, il faut aussi prendre garde à ne pas être entraîné dans un cycle de violences, de réactions incontrôlées et d'une répression plus dure.
Corde raide
L'attitude mesurée du pouvoir pose la question centrale : que veut Al Adl ? «Nous voulons qu'on nous laisse toute notre liberté» a déclaré Fathallah Arsalane, dirigeant du Cercle politique de l'organisation et il a invité les autres forces politiques à “se solidariser” avec Al Adl au nom des droits démocratiques et de la liberté. Le pouvoir a ainsi renvoyé l'organisation à son illégalité, du fait que jusqu'ici elle n'a pas renoncé explicitement à son projet de remplacement du régime par un «Califat sur le mode prophétique» et son refus de reconnaître le statut de commandeur des croyants du roi.
Il est vrai que les porte-parole d'Al Adl tempèrent ce projet stratégique par leurs affirmations selon lesquelles l'organisation n'est pas insurrectionnelle, qu'elle travaille sur le long terme grâce à l'éducation religieuse et morale. Le but serait de «reconstruire le pays détruit par les politiques makhzéniennes depuis des siècles» (dixit Abdessamad Fathi, du cercle politique, à « Assahifa » du 2 juin dernier). Il s'agit de «faire participer tous les Marocains dans un cadre unitaire de confiance réciproque alors que le Makhzen n'a fait que les diviser».
Expresssion on ne peut plus directe des contradictions permanentes d'Al Adl. Il se pose en système alternatif et en même temps il convie les autres forces politiques à l'union ou la convergence avec lui, c'est-à-dire sur la base de son idéologie et de sa prééminence hégémonique. C'est ainsi que l'on voit certains de ses représentants, et notamment Nadia Yassine, passer d'une attitude méprisante et hautaine vis-à-vis des autres partis à un appel œcuménique vers eux pour “réformer” le système et le pays.
Contradictions
Autre contradiction : le Makhzen est désigné comme l'adversaire commun sans qu'on sache si les partis auxquels s'adresse l'appel à l'union en font ou non partie. Selon les déclarations c'est à la fois la chose et son contraire. Comment vouloir se présenter comme un partenaire pour
les réformes tout en se posant en tant que négation radicale de toutes les autres composantes : monarchie, gauche, libéraux, etc ? En restant prisonnier de son rôle auto-proclamé de détenteur de la vérité religieuse et politique, Al Adl ne peut espérer lever la méfiance et l'hostilité que son modèle et ses pratiques suscitent.
Ceci d'autant plus que son modèle passéiste est loin de préciser les solutions d'ordre économique et social aux problèmes bien réels du pays. La posture moralisatrice et les simplifications extrêmes qu'elle offre face aux profonds désarrois provoqués par l'évolution du pays vers une modernité encore aléatoire, ne sont pas un programme.
Il n'est pas exclu que Al Adl, ou tout au moins une partie de sa direction, chercherait à sortir de ses contradictions car le contexte politique a évolué vers plus d'ouverture et offre plus de marges d'expression et de participation politiques. Al Adl ne peut indéfiniment se conduire comme si le système était dans une crise profonde et prendre une attitude aventureuse de confrontation qu'il ne pourrait pas maitriser.
Les risques de dérives extrémistes que la posture radicale et le populisme exacerbé peuvent engendrer sont aussi une menace interne pour Al Adl (surtout dans l'éventualité de l'après-Yassine).
Il demeure que la démocratisation et la modernisation du pays sont des enjeux fondamentaux pour le devenir et le développement du pays. Ils posent de vrais et sérieux problèmes auxquelles la vulgate idéologique d'Al Adl propose des solutions mythiques. Celles-ci peuvent apaiser des angoisses grâce au baume du conservatisme et du messianisme mais, à long terme, elles désadaptent et retardent.
L'escalade activiste d'Al Adl et l'écho qu'elle a pu avoir, mettent ainsi en évidence aussi bien l'ampleur des problèmes sociaux et culturels du pays que les contradictions qui ne cessent de miner cette organisation.


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