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A propos de la responsabilité médicale
Publié dans Jeunes du Maroc le 01 - 08 - 2011

Point de vue du Docteur Mohamed GHOTI publié dans son traité (« La médecine à laquelle nous avons droit » en Mars 2004)
Il n'y a pas de responsabilité sans liberté, Et il n'y a pas de liberté sans responsabilité
Il importe d'évoquer ici ce qui est nécessaire à la compréhension de la notion de la responsabilité médicale en milieu marocain, et de dire aussi ce qui semble essentiel à la réflexion pour l'avenir dans son domaine.
Plusieurs questions se posent :
Quelle définition faut-il donner à la responsabilité médicale au Maroc ?
Comment évolue le principe de la responsabilité dans notre pays ?
Le système judiciaire, les textes auxquels on fait appel, répondent-ils d'une façon cohérente et suffisante aux multiples situations nées de l'évolution, du progrès, de la transformation des mœurs en général, des mœurs médicales en particulier et du fait social qui interpelle ?
Le développement qualitatif et quantitatif de l'arsenal médical, a-t-il atteint chez nous, partout et tout le temps la valeur et le volume suffisants pour poser le même aspect du problème de la responsabilité médicale qu'en Europe ?
Comment alors interpréter la notion de la faute, du risque, et de l'aléa dans notre milieu et à travers notre système de Santé ? Aujourd'hui, on s'accorde à dire que la médecine n'est plus un domaine particulier, compris par les seuls initiés et jugé exclusivement par eux.
Naguère, il y a une centaine d'années en Europe et avant les années cinquante au Maroc, la médecine était plus un savoir théorique et un art contemplatif et peu interventionniste. De ce fait elle n'était pas trop bousculée, ni banalisée. Le médecin fut plutôt respecté et en tout cas non traité comme un délinquant. Mais aujourd'hui il n'est pas choquant que le médecin ait à répondre des conséquences d'un manquement aux devoirs de sa profession.
Peut-il échapper à la justice ? Certainement plus en Europe et probablement de moins en moins au Maroc.
En ce qui concerne la responsabilité, les idées sont en pleine mutation, et la profession médicale ne peut plus se placer en dehors du regard de l'ensemble de la société.
Depuis l'Antiquité, chez les Pharaons, les Assyriens et Babyloniens (Code d'Hammourabi), chez les Grecs et les Romains, la société sanctionna les médecins interventionnistes, s'ils causaient des préjudices à leurs patients. L'acte médical est, certes de plus en plus précis. Il n'a pas atteint l'exactitude. Beaucoup de personnes et de choses sont concernées par sa réalisation le médecin, son équipe, son équipement, son site, l'assurance et l'administration. Mais si l'acte médical offre l'espoir, le droit assure la protection, c'est-à-dire, le développement organisé.
Au Maroc, rares sont les cas qui ont conduit le médecin du protectorat devant le juge (deux cas : 18 Avril 1945, 29 Janvier 1946).
Depuis 1980, le recours à la justice est devenu plus intense, mais le nombre de cas n'est pas excessif. Le délit d'avortement et ses complications en furent l'origine la plus fréquente.
Parallèlement à ce recours, se sont développées les réflexions dans les congrès, les colloques et les publications afin de sensibiliser, former, forger des idées nuancées sans influer outre mesure sur les textes existants et les codes, ni la promotion des modifications sans cesse réclamées et souhaitées. À défauts de textes précis, on espère instituer le dialogue entre la médecine et la justice. La législation française dont nous nous inspirons, plus à jour et plus intéressée par la question, ne comporte aucun texte spécifique de la responsabilité médicale. Dans les cas qui se posent, les tribunaux de l'ordre judiciaire observent les principes généraux du code civil et du code pénal, et après expertise dont les conclusions ne sont pas toujours suivies prennent des décisions selon l'intime conviction des juges.
La responsabilité médicale est déterminée et définie par la faute, le dommage et le lien de causalité réunissant ces deux composantes.
Selon la loi Musulmane, seule la faute est reconnue, La notion de négligence est inconnue en droit musulman.
Toute la question de la responsabilité médicale tourne autour de la faute. À défaut d'une définition précise, on cite qu'il s'agit d'un "manquement à une obligation préexistante".
Au Maroc, la faute doit être lourde relevant de l'imprudence, être contre l'humanisme médical ou être technique.
Elle peut se produire dans le domaine chirurgical ou dans le domaine purement médical.
L'examen approfondi, cas par cas, aidé par l'éclairage d'un ou de plusieurs experts, s'attelle à montrer l'obligation du médecin incriminé, en termes de moyens et non de résultats.
La formule qui consacre ce raisonnement, fait appel à la conscience, à l'attention, aux données acquises de la science contemporaine de l'acte, aux circonstances où se déroule l'acte sur le plan géographique et au consentement éclairé du malade.
Le dialogue avec la majorité des patients au Maroc est particulier. Il est limité par le secret et par une certaine difficulté de langage. En tout cas il n'engage pas toujours à faire accepter un acte thérapeutique, au bon moment. Des refus pourraient êtres évités par l'annonce d'une certaine vérité sans alarmer. Le dommage est souvent plus simple à démontrer que la faute. La subtilité dans son estimation dépend de la psychologie du patient, de la compétence de l'expert et aussi de l'état antérieur.
La jurisprudence, l'indemnisation ont par conséquent évolué en fonction de ces subtilités depuis les trente dernières années.
La notion de la "perte de chance" est venue agrandir la vision des dommages dans le domaine médical où règne encore beaucoup de probabilités et peu de certitudes.
Tandis que les liens de causalité sont ou évidents ou relèvent de l'intime conviction du magistrat. Là aussi le principe et la finalité de secourir la victime l'emporte et rejoint celui de la perte de chance. En matière d'expertise, il existe de sérieux problèmes.
Néanmoins disons que depuis quelques années, par circulaire du Ministre de la justice, aucune poursuite contre un médecin n'est engagée avant l'information de l'Ordre des médecins.
La jurisprudence marocaine a retenu au départ la responsabilité délictuelle, mais elle retient depuis 1946 la responsabilité contractuelle,
La procédure pénale l'emporte sur la procédure civile et ordinale, si le mode d'exercice du médecin est libéral.
Historiquement, il existe peu de cas de recours à la justice en matière de responsabilité médicale ayant trait à la pratique publique. Les tribunaux administratifs statuent sur les fautes incombant au service.
La relative rapidité de la voie pénale, le côté confortable pour le plaignant, justifient la dérive vers le pénal, et les avocats ont tendance à préférer cette voie.
La procédure ordinale souffre de la relative incompétence de l'Ordre en ce qui concerne les médecins du secteur public. La mise en examen d'un praticien appartenant à ce secteur et l'application d'une décision à son encontre sont soumises à l'accord des ministres de tutelle.
Néanmoins la population ignore le recours à la procédure disciplinaire de L'Ordre, que d'aucuns accusent de protéger les incriminés. Mais la procédure de l'Ordre mérite sa place dans les explications et les réconciliations. Une commission nationale des accidents médicaux semble s'imposer. L'Ordre ne devrait pas continuer à laisser l'impression d'être lointain et non vigilant devant certains accidents qui agitent violemment la population.
En Europe, existe de nos jours un mouvement annonciateur d'une mutation. Tenir absolument à trouver la faute devient source d'injustice. Comment déterminer avec certitude une faute dans le domaine médical qui en contient peu.
La médecine d'équipe, le partage des charges diluent de plus en plus la responsabilité.
Le médecin opérant dans le secteur libéral ou le secteur public offre à l'examen des situations diverses.
Le véritable coupable est difficile à trouver. On a tendance à incriminer tout le monde.
Les grandes et chroniques insuffisances du système de santé, l'introduction des nouvelles techniques organisent des situations à problèmes sans que le médecin soit le responsable.
Alors, en raison du souci de ne pas stériliser la recherche et permettre le progrès, la société a tendance à accepter un certain risque. Un examen courant, exécuté correctement par des gens compétents peut donner l'occasion à un accident totalement inattendu et entraîner des séquelles.
La jurisprudence dans ce cas consacre la notion de responsabilité sans faute, dans le but d'indemniser la victime.
Cette finesse de raisonnement, et cette évolution se sont imposées avec le progrès médical, la notion de droit à la santé, le refus du risque par la société, les grands dossiers judiciaires, largement médiatisés, le nombre important de cas accumulés, les grandes affaires de société tel le problème du sang contaminé celui des dérivés du sang et vaccins, l'affection induite par des thérapeutiques administrées vingt ans auparavant ou certains produits de grande utilisation qui se sont révélés générateurs de grands méfaits. Ces problèmes sont loin de nous inquiéter au Maroc. Existeront-ils un jour ? La juridiction ordinale appuie sa réflexion et ses décisions sur le Code de Déontologie.
Le notre date de 1953. Ses 78 années font de lui un vieillard qui a la vie dure, malgré les assauts qu'il subit et les multiples réclamations du corps médical pour le mettre à jour. Ses 78 articles ne résolvent pas tous les problèmes. Trois articles seulement concernent la responsabilité médicale.
En France, le code de déontologie est mis à jour tous les cinq ans. Il comporte 114 articles et 11 concernent la responsabilité médicale.
Quel effet joue sur la société marocaine l'évolution enregistrée ailleurs et que les médias et les paraboles portent à l'écoute de tous et de beaucoup de foyers ? En matière de responsabilité médicale, on est passé en un siècle de l'irresponsabilité du médecin à l'irrecevabilité des plaintes puis à la condamnation pénale. La mutation qui s'opère aboutit encore à une position fragile susceptible d'évoluer.
De quels moyens dispose-t-on pour prévenir les accidents médicaux ?
Maintenir le savoir au bon niveau par la formation médicale continue. Diagnostiquer à temps, traiter convenablement en est certainement le but. Est-ce que c'est à la portée de tout le monde ? Et le savoir suffit-il ? Faut-il faire place chez nous à une meilleure information du malade et de son entourage avant tout acte, et après tout incident ou accident ? Peut-être on ne le fait pas assez.
Il semble qu'en Europe l'information et l'explication éviteraient des recours à la justice. Elles furent le thème de plusieurs réflexions et d'articles dénonçant le silence et prônant la transparence.
Informer, mais comment et jusqu'où ?
En Europe, les actes médicaux ont tendance à être assujettis à des décisions concertées avec le patient, ses proches, à l'avis de multiples spécialistes, et à des examens complémentaires.
Par ailleurs, il faut, dit-on, des experts compétents et expérimentés qui savent faire une expertise. Tout médecin aussi savant soit-il ne peut l'être.
Il faut une éthique particulière de l'expertise. Nos habitudes dans le domaine de l'expertise ne sont plus acceptables. Notre code de déontologie est muet sur ce chapitre. C'est dire que le présent de l'expertise est aléatoire, et son devenir requiert des textes et des qualifications.
Le dogme de la responsabilité pour faute s'est peu à peu effrité et le débat se construit sur la notion de risque puisque la finalité est bien de secourir les victimes. Cette attitude est compréhensible parce qu'elle aide à contourner l'obstacle d'affirmer la faute, mais elle est dangereuse car elle peut inhiber le développement médical et créer des réflexes déraisonnables.
Demandons-nous alors, est-ce que la médecine moderne est en mesure d'apprécier avec exactitude la notion du risque ? Aucune médecine n'est dénuée de risque. L'imprévisible existera toujours. Reste à le faire admettre. Et pour cela on va invoquer "l'aléa", et proposer dans les pays fortement protégés sur le plan social une couverture pour toutes les victimes. En France, on a proposé plusieurs lois dans ce sens qui entreront progressivement en vigueur (loi de 4 Mars 2002, avec création de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux. Les barèmes seront établis en 2004).
Alors il faut assurer, et tout risque peut se couvrir.
Le milieu médical au Maroc éprouve depuis quelques années, dans le domaine de la pratique libérale, la nécessité de la recherche de la qualité. Il met en place des actions de formation médicale continue (F.M.C) et l'équipement pour abaisser le taux des accidents. La recherche de la qualité est un état d'esprit d'ordre éthique. Mais il ne faut pas qu'elle résulte de la peur du procès. La santé est devenue un thème de prédilection pour le public. La presse se fait volontiers l'écho de cette attente en ouvrant largement ses colonnes aux promoteurs des techniques et aux prouesses de certains. Les messages d'espoir qu'elle véhicule cachent une certaine réalité. Les avancées de la médecine, aussi spectaculaires soient-elles, ne permettent pas de tout guérir. La médecine sans risque n'existe pas. Une meilleure réglementation plus explicite est, certes, nécessaire, mais il ne faut pas oublier que la multiplication des règlements sécuritaires ne fera pas éviter les problèmes.
Ainsi la responsabilité médicale se trouve dans une position intermédiaire. La base reste établie sur le concept de la faute, mais le débat actuel est centré sur la notion de risque. Est-ce qu'elle va devenir un problème de société ? Il reste une dernière question à laquelle il est impossible de donner une réponse. Dans quelle mesure un médecin devient responsable quand il prescrit un médicament dont la surveillance des effets requiert de lui de faire des contrôles de laboratoire qu'il est obligé de demander et qui ne se font pas au Maroc ?
L'aléa thérapeutique
Il mérite plus de détail. Si la faute établie peut incomber au médecin lui-même, il existe très souvent l'aléa. Il est une incertitude liée à la médecine et non au médecin. Il concerne parfois l'ensemble des professionnels de santé, producteurs de matériel médical, de produits médicaux, du pouvoir public et des patients eux-mêmes. Car ceux-ci cachent parfois des maladies antérieures, des médicaments pris récemment qui peuvent créer des situations d'accidents. L'aléa donc est caractérisé par l'absence de faute, ou suggère une certaine responsabilité sans faute. De nos jours, on essaie de montrer que le médecin est victime de ses succès. Car son progrès le rend de plus en plus efficace mais aussi de plus en plus dangereux. Mais l'aléa fait des victimes. Celles-ci ou leurs familles acceptent mal qu'ils aient fait confiance à un système de santé pour se faire soigner et en sortent dans un état dégradé.
L'assurance risque professionnel, les explications, l'information sur les risques de l'acte médical, le consentement préalable, la formation médicale continue et surtout en ce qui concerne les nouveautés pharmaceutiques promues souvent par la seule publicité sont nécessaires. Le développement des procédures de réconciliation au niveau des Ordres apportant les explications fera mieux asseoir leur mission L'Ordre a besoin de nos jours comme il est annoncé dans ses attributs de développer en son sein des commissions parmi les multiples commissions qu'il comporte, pour la communication afin de mieux dire son opinion sur certains problèmes qui provoquent des préjudices aux médecins.
Docteur Mohamed GHOTI
Ancien Président du conseil supérieur de l'ordre des médecins du Maroc


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