La rupture brutale provoquée par l'incarcération, qu'elle soit de courte ou de longue durée, favorise un processus de désocialisation, déjà bien entamé, voire installé, chez nombre de personnes en situation de précarité avant leur emprisonnement. De même, la surpopulation carcérale est un problème majeur qui ne cesse de s'aggraver, et qui fait de la promiscuité, dans tous les sens du terme, un facteur aggravant, pour des êtres fragilisés par leur condition et prédisposées à sombrer et re-sombrer. Selon les chiffres publiés en juillet dernier par l'Observatoire marocain des prisons (OMP), population carcérale marocaine était en 2018, de 83.757 détenus, soit + par rapport à 2017. Dans certains établissements pénitentiaires, toujours selon l'OMP, le taux d'occupation peut passer du simple au double. Ainsi, à elle seule, la prison Al Arjat 1, qui a une capacité de 1.200 détenus, abrite 2.461, soit un taux d'occupation de 205%. Cette sur-occupation, particulièrement préoccupante, nuit non seulement aux conditions de détention des personnes écrouées, mais aussi à leur accompagnement médical et social, ainsi qu'à leur préparation à la sortie. Système pénal actuel, quelle efficacité ? La 7ème Université d'automne organisée récemment à Salé par la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), a choisi comme thème central la récidive. Des chiffres alarmants, portant sur le taux de récidive, ses motivations et ses répercutions ont été livrés à l'occasion, ouvrant, sans vraiment l'explorer, le débat autour de l'efficacité du système pénal actuel. C'est justement le point soulevé par le ministre d'Etat chargé des Droits de l'Homme, Mustapha Ramid, qui aavancé que « l'augmentation des cas de récidive remet en question la validité du système pénal actuel, en particulier en ce qui concerne la durée des peines d'emprisonnement et les mécanismes d'insertion« . Pour lui, le phénomène « ne se limite pas uniquement aux politiques pénales mais concerne également les différentes politiques publiques de lutte contre la criminalité ». Un phénomène purement social En vue de tenter, d'abord, de comprendre le sens profond de la récidive, la question a été posée à Abdelhadi El Halhouli, sociologie, Enseignant à l'université Sultan Moulay Slimane, Béni Mellal. Pour notre interlocuteur, « la récidive est, tout d'abord, un phénomène social comme tout fait social« . « Elle ne doit être expliquée que par les facteurs sociaux qui déterminent, chez certains individus appartenant à des groupes spécifiques de population, l'adoption de conduites défiant la légalité« , analyse-t-il pour Hespress FR. Il s'agit, selon le sociologue, « d'attribuer les variations du taux de criminalité aux variations de l'organisation sociale« . « C'est pour cela, estime-t-il, que des approches non sociologiques de ce phénomène sont nécessaires, mais restent limitées vis-à-vis de la spécificité sociologique du récidiviste« . Abdelhadi El Halhouli affirme que « ce constat est confirmé par plusieurs recherches dans le monde entier« . Ainsi, poursuit-il, « les jeunes, les divorcés et ceux ont un niveau d'instruction bas, sont les plus enclins à la récidive, autrement dit, le processus social de ce récidivisme s'inscrit dans les conditions objectives des personnes« . Notre interlocuteur aborde également l'aspect relatif à la recherche d'une solution, même s'il reste réservé par rapport à l'appellation. A cet égard, tout en reconnaissant que beaucoup de choses sont faites dans ce sens, avec le soutien et l'apport de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, il relève que l' »on ne peut pas parler d'une solution à un phénomène social« . Mais, affirme Pr El Halhouli, « on peut réfléchir à des mesures qui peuvent lutter contre le processus de récidivisme au Maroc ». Il prône, dans ce sens, des initiatives visant à « instaurer un système équitable de l'enseignement, réduire le taux de pauvreté, améliorer les conditions de vie des gens et offrir un emploi stable aux jeunes,..« . Formation et accompagnement, le premier pas à faire Des études montrent que les risques de récidive sont beaucoup plus élevés lorsque la personne a quitté la prison sans anticipation ni accompagnement à la sortie. C'est dans ce sens que depuis sa création en 2002, la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus s'est engagée dans des projets et des initiatives pilotes en faveur des pensionnaires des établissements pénitentiaires, essentiellement les mineurs et les jeunes, dans une perspective d'humanisation des conditions de détention et de préparation des détenus à leur insertion dans l'environnement social. L'intégration dans le monde du travail constitue, en effet, l'aboutissement du projet de vie du bénéficiaire, initié durant la détention et poursuivi dans le cadre de l'accompagnement post-carcéral. Il constitue également un gage de réussite pour parer à la récidive.