Ce vendredi 18 janvier, l'assemblée générale de la Coalition marocaine contre la peine de mort à Rabat a été l'occasion de réitérer l'appel d'abolir la peine capitale du droit pénal marocain. Entre hésitations des courants conservateurs et tentatives d'élargir la base des abolitionnistes, les voix officielles du gouvernement plongent dans l'attentisme. En présence de nombreux responsables gouvernementaux et institutionnels en plus d'invités et d'ambassadeurs étrangers, l'assemblée générale de la Coalition marocaine contre la peine de mort (CMCPM) souhaite s'assurer d'un niveau de mobilisation continue pour peser sur le débat public. Le rassemblement réunissant 17 associations de juristes et de défense des droits de l'Homme fondé en 2003 inscrit également son rendez-vous dans le cadre de la préparation à participer au VIIe congrès mondial contre la peine de mort, prévu à Bruxelles du 26 février au 1er mars prochain. Les activistes du CMCPM sont unanimes : « la peine capitale n'a aucun effet dissuasif sur le comportement des personnes». Ils veulent pour preuve que la baisse de la criminalité n'a été constatée dans aucun des pays où la peine de mort est encore en vigueur. Forcing associatif Depuis la promulgation de la Constitution de 2011, le CMCPM a des bonnes raison de croire que le pays se dirige indéniablement dans la voie de l'abolition, avec l'Article 20 de la loi suprême comme étendard de leur lutte. Ce dernier consacre en effet le droit à la vie comme droit premier de tout être humain et confère à la loi de le protéger. Coordinateur de la Coalition, le bâtonnier Abderrahim Jamaï appelle à une révision « complète » du Code pénal. « Nous souhaitons que l'ère de l'abolition débute avec l'institutionnalisation de ce principe pour ne plus permettre un retour en arriéré, soit par des manœuvres politiciennes soit par assaut idéologique », déclare l'avocat. Certes, la dernière exécution au Maroc remonte au mois d'août 1993. L'avant dernière en janvier 1982. Mais la législation du pays retient toujours 11 articles prévoyant la peine capitale (ils étaient 33 dans un passé proche). « Amnesty international a recensé entre 15 et 20 condamnations à mort en 2018, soit le double de l'année précédant » relève pour sa part le directeur des programmes d'Ensemble contre la peine de mort (ECPM), Nicolas Perron. Ce militant des droits de l'Homme rappelle la décision marocaine de s'abstenir du vote de la résolution onusienne pour l'abolition de la peine de mort, contrairement à l'Algérie et à la Tunisie. Les abolitionnistes des deux pays ont d'ailleurs été conviés à ce rendez-vous. Mais contrairement à la délégation algérienne, les Tunisiens n'ont pu rejoindre le Maroc à cause de la grève générale dans le pays, perturbant également le trafic aérien. Pas à pas vers l'abolition Prenant la parole et s'exprimant en tant que « fervent défenseur » de l'abolition de la peine de mort, le ministre de la Justice Mohamed Aujjar a présenté quelques chiffres touchant cette question. Il a notamment déclaré que jusqu'en 2018, 95 personnes sont encore retenues dans couloir de la mort, tandis que la réduction des peines de mort à des peine à perpétuité a concerné 118 personnes de 2000 à 2018 suite à des grâces royales. « Nous avons réussi à créer une forme d'hésitation chez les plus réfractaires et à élargir la base des défenseurs de l'abolition » estime la présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) Amina Bouayach. La responsable déclare que l'institution qu'elle préside continuera de soutenir le courant abolitionniste. Toujours est-il qu'une position ferme sur cette question ne peut que du gouvernement marocain, via une révision du Code pénal. Sur ce point, Mohamed Aujjar a déclaré que le Projet de loi organique 86.15 fixant les conditions et les modalités d'application de l'article 133 de la Constitution est « dans les dernières étapes précédant son adoption ». Devant réajuster un ensemble de situations juridiques où la loi se trouve en contradiction avec les nouvelles dispositions constitutionnelles, le texte a été adopté par les deux Chambres du parlement dans sa première version et a été ensuite présenté à la Cour constitutionnelle pour examen avant son renvoi au parlement pour adoption. Le Maroc sera-t-il le premier pays d'Afrique du Nord à abolir la peine capitale ? C'est ce que souhaite la CMCPM. Ses membres soutiennent qu'aujourd'hui, 106 pays dans le monde ont franchi le pas. Leur modèle de lutte ? L'action menée par l'ancien ministre socialiste français Robert Badinter. « Lorsqu'il défendait la thèse abolitionniste, les deux-tiers des pays membres de l'ONU appliquaient la peine de mort. Aujourd'hui, ils sont deux-tiers à l'avoir abolie » aiment-ils répéter. Il reste à rappeler que la Chine et les Etats-Unis, deux superpuissances mondiales à l'influence incommensurable et à l'antagonisme assumé, continuent d'appliquer la peine de mort, au vu et au su de la communauté internationale.