Entre 2014 et 2022, le paysage socio-économique marocain a subi des transformations notables, faisant l'objet d'une enquête exhaustive du Haut-Commissariat au Plan (HCP) qui a examiné le niveau de vie des ménages. Les résultats révèlent une progression substantielle du niveau de vie, avec un recul significatif de la pauvreté absolue, bien que cette dynamique ait été marquée par des fluctuations significatives, notamment en raison des répercussions de la pandémie de Covid-19. Le HCP a réalisé une Enquête Nationale sur le Niveau de Vie des Ménages, s'étendant de mars 2022 à mars 2023, auprès d'un échantillon de 18.000 ménages représentatifs des diverses catégories socioéconomiques à travers le Royaume. Cette étude fait suite à une enquête similaire effectuée en 2014, ainsi qu'à un sondage partiel en 2019, et offre une mise à jour sur les dynamiques socio-économiques de la société marocaine. Les résultats montrent une amélioration générale du niveau de vie des ménages. Cependant, cette progression ne s'accompagne pas d'une diminution des inégalités. Les politiques de protection sociale ont permis de réduire la pauvreté de manière significative, mais la situation des groupes non ciblés par ces initiatives devient de plus en plus précaire. En conséquence, le risque de déclassement vers la pauvreté touche désormais un nombre croissant de ménages, tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Selon la même source, la dépense annuelle moyenne par ménage a augmenté, passant de 76.317 dirhams en 2014 à 83.713 dirhams en 2022. Ce chiffre, qui se décompose en 95.386 dirhams en milieu urbain et 56.769 dirhams en milieu rural. Lorsqu'on ramène ces chiffres à l'échelle individuelle, on constate une augmentation de la dépense annuelle moyenne par personne, qui est passée de 15.876 dirhams à 20.658 dirhams sur la même période. Cette progression, calculée à prix constants, affiche un taux annualisé de 1,1%, contrastant avec la décélération observée durant la période 2019-2022, où le taux a chuté à -3,1%. Les changements dans la structure des dépenses des ménages indiquent une tendance marquée vers des besoins fondamentaux. La part des dépenses alimentaires a crû, atteignant 38,2% du budget total, tandis que les dépenses d'habitation et d'énergie ont également enregistré une augmentation. En revanche, les dépenses pour les loisirs ont drastiquement diminué, révélant les priorités croissantes des ménages envers les nécessités plutôt qu'envers les formes de consommation plus optionnelles. L'analyse des inégalités sociales révèle une situation préoccupante. Bien que le niveau de vie des 20 % les moins aisés ait progressé de 1,1% entre 2014 et 2022, cette amélioration cache une baisse significative de -4,6% durant la période post-2019. En revanche, les 20% les plus aisés ont vue leur niveau de vie également affecté par une légère contraction de -1,7%, malgré une croissance positive globale de 1,4% sur la même période. Cette disparité est accentuée par l'indice de Gini, qui a vu les inégalités s'intensifier, passant de 39,5% à 40,5%. La pauvreté absolue, quant à elle, a montré un recul net, diminuant de 4,8% à 3,9% entre 2014 et 2022. En milieu urbain, un léger rebond de la pauvreté a été enregistré avec un taux atteignant 2,2% en 2022. Un total de 1,42 million de personnes se trouvent actuellement en situation de pauvreté au niveau national, avec une concentration particulière dans certaines régions telles que Fès-Meknès et Guelmim-Oued Noun. La vulnérabilité économique constitue un autre enjeu majeur. Malgré la tendance globale à la baisse de la pauvreté, la vulnérabilité à la pauvreté a augmenté, particulièrement en milieu urbain. En 2022, 9,5% de la population urbaine était en situation de vulnérabilité, contre 7,9% en 2014. En ce qui concerne la pauvreté multidimensionnelle, des avancées significatives ont été observées, principalement en milieu rural où ce taux a chuté de 19,4% à 11,2%. Au niveau national, la pauvreté multidimensionnelle a reculé globalement de 9,1% à 5,7%. Toutefois, la dimension des inégalités s'accroît avec des disparités entre les milieux urbains et ruraux, la distribution des ressources financières restant inégale, marquée par un écart de revenu annuel moyen de 2,1 fois entre ces deux milieux. Au niveau des sources de revenus des ménages, l'enquête met en lumière que la majorité des revenus provient désormais des salaires et des transferts, qui constituent, respectivement, 35,1% et 21,3% des revenus totaux.