La visite du Premier ministre nigérien, Ali Mahamane Lamine Zeine, au Maroc revêt une grande importance aussi bien pour le Niger que pour le Royaume qui y voit l'opportunité de renforcer ses relations sur plusieurs niveaux. Défense, Sahara, Alliance atlantique, commerce, les deux pays peuvent tirer leur épingle dans une nouvelle configuration au Sahel. Les récents développements sur la scène géopolitique montrent que les équilibres et les forces tendent à changer et un nouveau système à s'installer. Et dans ce cadre, la visite d'Ali Mahamane Lamine Zeine de deux jours au Maroc porte beaucoup de significations et non des moindres. Le Premier ministre du Niger est accompagné lors de ce déplacement par le ministre d'Etat, ministre de la Défense, le général de corps d'armée, Salifou Mody, ce qui montre que le volet sécuritaire sera fortement présent lors des discussions avec Rabat. Ali Mahamane Lamine Zeine, a annoncé sa visite au Maroc sur X (anciennement Twitter), avec ces mots: « J'ai quitté Niamey pour Rabat au Maroc pour effectuer une visite d'amitié et de travail de 48H. Dans ce déplacement au Royaume Chérifien, je suis accompagné par le Ministre d'État, Ministre de la défense le général de corps d'armée Salifou Mody ». J'ai quitté Niamey ce après midi 12 février 2024 pour Rabat au Maroc pour effectuer une visite d'amitié et de travail de 48H. Dans ce déplacement au Royaume Chérifien, je suis accompagné par le Ministre d'État, Ministre de la défense le général de corps d'armée Salifou Mody . pic.twitter.com/vIntXf9jy7 — Ali Mahamane Lamine Zeine (@A_Mahamanezeine) February 12, 2024 C'est d'ailleurs un sujet essentiel pour tous les pays du Sahel qui traversent une crise sécuritaire ces dernières années, notamment le Niger après le coup d'Etat, les menaces terroristes et les ingérences étrangères qui pèsent sur le pays. Le Niger s'est encore plus rapproché du Maroc, en adhérant le 23 décembre dernier, à l'Alliance Atlantique, l'initiative lancée par le Roi Mohammed VI devant ouvrir aux pays du Sahel l'accès à l'océan Atlantique et à les désenclaver économiquement. Ainsi, le Maroc a une opportunité de se positionner encore plus dans le Sahel en offrant une alternative aux autres anciens acteurs ayant provoqué plus de déceptions qu'autre chose. Le Royaume est déjà un pays connu pour son rôle de premier plan en Afrique, et son approche gagnant-gagnant, qui place les partenaires africains sur le même pied d'égalité. Rupture avec l'Algérie Cette démarche originale marocaine a prouvé son efficacité avec le temps, et c'est aujourd'hui ce type de partenariats que les pays du Sahel comme le Niger cherchent, pour rompre avec l'influence néfaste d'un autre voisin, l'Algérie. Actuellement, Niamey et Bamako entretiennent des relations conflictuelles au plus haut point avec Alger. Le Niger en particulier pour des raisons sécuritaires et économiques, mais aussi diplomatiques et politiques puisque l'Algérie avait condamné le coup d'Etat au Niger le 26 juillet dernier. Par ailleurs, le Niger est proche du maréchal libyen, Khalifa Haftar, que le régime algérien déteste. Le régime algérien tente néanmoins de récupérer son influence et surtout pour contrer l'Alliance Atlantique lancée par Rabat, en invitant le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré à Alger ou encore en dépêchant le directeur général de l'Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement (AACISD), le général major à la retraite, Abed Hallouz. En désespoir de cause, l'Algérie s'est rabattue sur la Mauritanie pour tenter de garder quelques cartes au Sahel après toutes ses déconvenues d'autant plus qu'elles se passent sous ses yeux et à ses frontières. Opportunités pour le Maroc et le Niger Lors du coup d'Etat au Niger l'été dernier, le Maroc est resté neutre et a respecté un principe fort de sa politique étrangère, celui de ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures des pays. Avec respect et retenue, le Maroc a observé une neutralité qui a été appréciée à Niamey, en affirmant être « confiant en la sagesse du peuple et des forces vives du Niger pour préserver les acquis, maintenir son rôle régional constructif important et œuvrer à la réalisation des aspirations du peuple ». Cette démarche marocaine a été fortement respectée et c'est l'une des déterminantes de la démarche du Niger qui cherche aujourd'hui à renforcer ses relations avec le Maroc. Le Premier ministre nigérien ainsi que son ministre de la Défense devraient expliquer leurs attentes aux officiels marocains. Il s'agit en premier lieu, de trouver des partenaires pour un approvisionnement en produits alimentaires et en médicaments depuis la sortie inattendue du Niger, du Mali et du Burkina Faso de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le 28 janvier. Le Premier ministre du Niger devrait également expliquer les raisons de cette sortie, surtout que le Maroc est un défenseur de la CEDEAO. Dans la même optique, il est attendu que les ministres maliens des Affaires étrangères et de la Défense effectuent également une visite au Maroc pour les mêmes raisons que le Niger pour discuter de l'Alliance atlantique, mais aussi pour explorer les opportunités de commerce bilatéral depuis la rupture avec l'Algérie. Il est donc attendu que cette visite d'Ali Mahamane Lamine Zeine, s'accompagne de nombreux changements dans les relations maroco-nigériennes, sur plusieurs questions, et forcément sur le dossier du Sahara. Niamey a observé jusqu'ici une neutralité positive et un soutien aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, cependant, dans cette configuration, la porte s'ouvre pour une reconnaissance pleine et définitive de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. La question sécuritaire est également centrale dans les discussions maroco-nigériennes, puisque le Maroc a une expérience leader en matière de lutte contre le terrorisme et le Niger pourrait profiter de cette dernière.