«Le Maroc a devant lui une voie royale au Sahel, à condition de ne pas répéter les mêmes erreurs commises par la France et l'Algérie». C'est le constat établi par Ali Ansari, président du Centre Tombouctou des études. Interview. Le Premier ministre du Niger, Ali Mahamane Lamine Zeine, a annoncé une visite de deux jours au Maroc, dans quel cadre s'inscrit-elle ? Ce déplacement a pour objectif d'expliquer aux officiels marocains les raisons ayant incité le Niger, le Mali et le Burkina Faso à se retirer de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), une décision actée le 28 janvier. Après la rupture avec ce bloc régional, les trois pays, réunis depuis septembre 2023 sous la bannière de l'Alliance des Etats du Sahel, ont besoin de nouveaux partenaires à même de leur garantir un approvisionnement fiable en produits alimentaires et en médicaments. Le Niger a grandement besoin de médicaments en quantités, notamment après les sanctions économiques décrétées contre le pouvoir en place à Niamey depuis le 26 juillet, par le Nigéria. Le Mali considère aussi le Maroc comme un acteur régional qui pourrait répondre à ses demandes les plus urgentes. D'ailleurs, les ministres maliens des Affaires étrangères et de la Défense préparent eux aussi une visite au Maroc. L'Algérie est-elle encore influente au Niger ? Les relations entre Alger et Niamey sont très froides. Le Niger s'est rapproché du maréchal libyen Khalifa Haftar, considéré comme un ennemi par le pouvoir algérien, et a même nommé un envoyé auprès de l'homme fort de l'Est de la Libye. Il y a une coordination sécuritaire entre les deux parties, dans la lutte contre les groupes terroristes, l'immigration irrégulière et le trafic de drogue. Alger voit d'un mauvais œil ce rapprochement qui, de surcroît, est en train de s'opérer tout prêt de ses frontières australes. Dans ce contexte, le Maroc a une opportunité au Sahel de renforcer sa position dans la région… Oui, le Maroc a devant lui une voie royale au Sahel, à condition de ne pas répéter les mêmes erreurs commises par la France et l'Algérie. Paris et Alger voulaient imposer leurs dominations au Sahel et elles ont fini par être écartées du jeu, au profit d'autres puissances régionales et internationales. Le Maroc a une opportunité d'élargir et de consolider son influence dans la zone, en offrant des partenariats aux Etats du Sahel et non la domination. A votre avis, c'est le piège dans lequel l'Algérie et la France sont-elles tombées ? Traiter ces Etats du Sahel comme de réels partenaires et non pas avec mépris et condescendance, comme l'avaient fait l'Algérie et la France, pourrait mettre un terme à la reconnaissance du Mali et le Niger de la «RASD» et de rapprocher davantage la Russie, désormais un pays très influent dans la région, de la position du Maroc sur le dossier du Sahara. L'Algérie n'a pas su s'adapter à la nouvelle situation au Sahel. En revanche, le Maroc a joué avec prudence et commence à tirer les dividendes de cette politique. Le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad ont déjà annoncé, le 23 décembre, leur adhésion à l'initiative lancée par le roi Mohammed VI devant permettre aux pays du Sahel d'accéder à l'océan atlantique.