Des organisations de la société civile et des défenseurs de droits ont lancé un appel pour un débat sociétal sur l'usage récréatif du cannabis au Maroc. Cette mesure intervient en réponse aux recommandations de la Commission du Nouveau Modèle de Développement (CNMD) et du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE). Signé par plusieurs acteurs et militants des droits et des libertés, l'appel invite les partis politiques, les organisations de la société civile et les médias à s'engager dans la promotion d'un débat public sur ce sujet. Ils appellent également le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique à soutenir la réalisation d'études sur les différents effets de la légalisation de la consommation récréative du cannabis et à envisager la possibilité qu'il puisse constituer une alternative économique importante pour la communauté des cultivateurs marocains de cette herbe. Dans ce sens, Hespress Fr a interrogé Chakib Al Khayari, coordinateur de la Coalition pour l'usage médical et industriel du cannabis (le Kif), qui a bien voulu répondre à nos questions sur le sujet. Dans quel contexte intervient cet appel à débat sur l'usage récréatif du cannabis au Maroc ? Tout d'abord, il convient de signaler que l'appel ne prend pas position spécifiquement en faveur de la légalisation du cannabis à des fins récréatives. Au lieu de cela, il recommande d'ouvrir un débat public sur le sujet. Un appel similaire a été lancé en 2008 pour engager un débat sur la légalisation de l'usage du cannabis à des fins médicales et industrielles, dont j'ai été l'un des initiateurs avec quelques signataires de cet appel en 2023. Cet appel intervient dans le contexte de la réconciliation du Maroc avec son identité agricole, dont la culture du cannabis est l'une des composantes, et qui remonte au moins au 16e siècle. Il survient également dans un contexte où de nombreux acteurs de la société marocaine expriment leur volonté de discuter de la légalisation de cette pratique. Cette initiative est soutenue par les recommandations du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) ainsi que de la Commission du Nouveau Modèle de Développement (CSMD) en faveur de l'organisation de ce débat. Le contexte international est également pris en compte, car la légalisation du cannabis à des fins récréatives est de plus en plus répandue dans le monde. Des exemples tels que certains États des États-Unis, le Paraguay, Malte, l'Allemagne et le Luxembourg, qui envisagent ou ont déjà légalisé le cannabis à ces fins, sont mentionnés. De plus, le Maroc fait face à une augmentation de la population des consommateurs de cannabis, ce qui soulève des préoccupations en matière de santé publique et de lutte contre le marché illégal. L'un des principaux arguments en faveur de la légalisation soulevé par les partisans est le contrôle du marché. En légalisant le cannabis, on espère éviter les relations entre les consommateurs et les trafiquants du marché illégal. Cela permettrait également de réduire les risques associés à la consommation de cannabis de mauvaise qualité, mélangé à des substances nocives, ou provenant de plantes hybrides à forte teneur en THC. En outre, la légalisation offrirait aux cultivateurs une alternative légale, éloignée du circuit du trafic de drogue illicite. L'État pourrait également bénéficier des revenus générés par ce commerce en percevant des impôts importants. Enfin, il est souligné que l'interdiction actuelle du cannabis va à l'encontre des normes des droits de l'homme. La prise en compte des droits individuels et de la liberté de choix constitue un argument principal en faveur de l'examen de la légalisation de l'usage récréatif du cannabis au Maroc. Ne pensez-vous pas qu'il est judicieux d'attendre de voir les résultats du projet de légalisation du cannabis à des fins médicales et cosmétiques avant de se lancer dans un tel débat ? Je ne pense pas du tout logique d'attendre les résultats du projet de légalisation de l'usage médical et industriel du cannabis avant d'engager un débat sur son usage récréatif. En réalité, la légalisation récréative est proposée par ses partisans comme un complément à la légalisation médicale et industrielle. Même avec la légalisation, il y aura toujours des consommateurs qui resteront dans le marché illégal. Plutôt que de les laisser exposés aux risques liés à ce marché, il est préférable de leur offrir une alternative légale pour mieux les protéger et réduire les risques associés. De plus, il est important de noter que le projet de cannabis médical et industriel ne va pas intégrer tous les cultivateurs, car les autorisations seront délivrées en fonction de la demande, ce qui limite le nombre de participants. Par conséquent, je crois que ce débat doit vérifier ces arguments et ne pas attendre les résultats du projet précédent pour être engagé. Est-ce que vous pensez que le contexte national actuel et la mentalité conservatrice de notre société permettent de lancer le débat sur l'usage récréatif du cannabis ? Je pense que le contexte national actuel et la mentalité conservatrice qui règne dans notre société n'empêcheront pas le lancement du débat sur l'usage récréatif du cannabis. Premièrement, il est important de noter que le contexte national soutient la tenue de ce débat, notamment avec les recommandations déjà mentionnées du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et de la Commission du Nouveau Modèle de Développement (CSMD), qui appuient la discussion sur cette question. De plus, nous pouvons également nous appuyer sur les exemples de légalisation dans d'autres pays pour justifier la tenue de ce débat. Deuxièmement, lors du débat précédent sur l'usage médical et industriel du cannabis en 2008, nous avons déjà été confrontés à des opinions conservatrices. Cependant, il est important de souligner que tout le monde a pu constater le processus législatif lors de la discussion du projet de loi n° 13-21 relatif aux usages licites du cannabis. Les conservateurs étaient également présents lors de ce débat, mais il est important de noter qu'ils n'ont pas réussi à imposer leurs idées pour stopper ce projet de loi. Ainsi, ces éléments démontrent que malgré la mentalité conservatrice, le contexte national et l'expérience passée du débat sur l'usage médical et industriel du cannabis justifient pleinement le lancement du débat sur l'usage récréatif du cannabis.