Les impacts néfastes de la culture du cannabis sur la biodiversité et les ressources naturelles au Maroc ont été au cœur des discussions lors d'un webinaire organisé jeudi dernier par la société civile environnementale. Alors que le gouvernement marocain a récemment adopté le projet de loi n°13.21 sur les usages licites du cannabis, fleurissent sur la scène nationale plusieurs débats sur le potentiel que pourrait offrir la culture de cette plante « magique ». Cependant, malgré tout le potentiel d'une valorisation économique du cannabis à travers des applications industrielles, thérapeutiques et cosmétiques, s'ajoutent aux dégâts sur la santé publique que peut engendrer une consommation récréative de la plante, des impacts néfastes sur l'environnement et sur la biodiversité. Cette dimension environnementale de la culture du cannabis au Maroc a été au cœur des débats lors d'un webinaire organisé jeudi dernier, à l'initiative de l'Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable (AMCDD), en collaboration avec l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Dans le tour de table : des scientifiques, des universitaires, des écologistes, mais également des personnes issues du terrain qui côtoient au plus près les réalités de la culture du cannabis au Maroc. Une plante historiquement durable Lors de son intervention, l'ancien directeur du programme « Introduction et développement des cultures alternatives dans le Rif » et écologiste de formation, Karim Anegay, a souligné que les appellations « sativa » et « indica » qui sont utilisées pour faire la différence entre le chanvre et le cannabis désignent en réalité une seule et même plante. « Ce n'est pas des espèces différentes, mais de variétés différentes. Elles le sont d'un endroit à l'autre dans le monde parce qu'elles ont été sélectionnées pour différents usages et cultivées dans des conditions différentes », a précisé l'écologiste. Avant d'évoquer les impacts négatifs de la culture du chanvre au Maroc, Karim Anegay a résumé l'histoire du cannabis dans le monde en soulignant que la plante avait permis plusieurs utilisations (papier, tissus, cordages...) qui ont largement prouvé la résistance et la qualité des dérivés du chanvre. « Jusqu'au 19ème siècle, le cannabis était la plante à tout faire. Elle était à l'époque dans le développement durable par défaut », a expliqué M. Anegay en précisant que l'abandon de la culture du cannabis s'est fait pour privilégier d'autres ressources comme le coton, le plastique ou la cellulose. Une culture qui a muté Mohamed Fakhaoui, directeur de l'Institut Scientifique de Rabat (IS), a, pour sa part, expliqué que « le cannabis marocain actuel ne ressemble plus à celui d'il y a 50 ans, parce que les cultivateurs ne sélectionnent plus les semences. On assiste à une contamination des cultures par de nouvelles variétés qui remplacent peu à peu la variété autochtone qui, pour sa part, doit être considérée comme un patrimoine national ». Privilégier la souche locale du cannabis est d'autant plus important que celle-ci est connue pour sa résistance, pour son taux faible de THC (molécule psycho active du cannabis) et surtout pour sa faible consommation des ressources hydriques. « Il reste beaucoup à faire pour améliorer l'état des connaissances relatif à la variété autochtone qui a le meilleur potentiel de valorisation médicinal », a par ailleurs signalé le directeur de l'IS. «La culture du cannabis est passée d'une fertilisation ancienne et organique à une fertilisation chimique très accélérée », a poursuivi Mohamed Fakhaoui appelant à « créer un programme de développement durable qui inclut le cannabis, qui accepte la culture illicite existante, avec pour objectif de préparer les cultivateurs aux futurs marchés réglementés ». Les bonnes pratiques à mettre en place « Il y a 20 ans, quand j'étais directeur du projet « Cultures alternatives » dans le Rif, nous avions fait un exercice de calcul du prix de rendement des différentes cultures, et nous avions constaté que les cultivateurs arrivent à un rendement du cannabis qui est, parfois, 5 fois supérieur aux cultures méditerranéennes (céréales, vigne, olivier, amandier, figuier) », a confié Karim Anegay. Il s'est donc pas surprenant que l'aspect illégal du cannabis ait poussé les cultivateurs à installer les cultures dans les forêts, au sein d'habitats naturels fragiles en ayant recours à des défrichages sauvages et à des abattages clandestins d'arbres vénérables. Les participants au webinaire s'accordent cependant sur la possibilité de renverser cette tendance grâce à la dynamique de légalisation manifestement engagée par l'Etat, surtout si ce changement de politique, qui exclut les usages récréatifs, intègre des programmes pilotes qui permettent de mettre en place les bonnes pratiques pour lutter contre l'érosion, encourager le reboisement, rationaliser l'irrigation et préserver la souche locale de cannabis. Autrement, ça sera kif-kif pour la biodiversité.