Comme chaque année, les Marocains sont déçus de l'offre touristique au Maroc, en termes de qualité de services et de loisirs, mais aussi en raison des prix exorbitants proposés par les acteurs touristiques (hôtels, auberges, restaurations, services ...). Des prix, qui poussent la plupart des familles à revenu limité, de ne même pas envisager un week-end, surtout pas durant les deux mois de juillet et août. Cette année, la situation est encore plus compliquée en raison de la hausse importante des produits de consommation et du gasoil. Le problème de l'offre touristique médiocre et de la hausse des prix au Maroc revient à plusieurs facteurs selon Zoubir Bouhouth, expert dans le domaine du tourisme, qui s'est confié à Hespress Fr sur le sujet. Il y a d'abord l'afflux des touristes pendant les mois de juillet-août, en particulier les MRE (Marocains résidents à l'étranger). En citant comme exemple l'année 2019, et en se basant sur les chiffres officiels communiqués par le ministère du Tourisme, quelque 5.9 millions de MRE sont rentrés au Maroc en 2019, dont 40% (2.4 millions ) durant les mois de juillet-août. « Rien qu'en juillet, quelque 1,4 million de MRE sont rentrés au bercail, ce qui fait qu'il y a une concentration de touristes, si l'on rajoute le tourisme local et international « , ajoute l'expert. « D'une part nous avons une forte demande, boostée par les MRE en grande partie, et la demande locale d'autre part. Mais ce qui est grave, c'est que l'offre touristique est trop faible au Maroc. On n'a pas beaucoup d'hôtels comparé à d'autres destinations. Les chiffres officiels du ministère du Tourisme parlent de 276.000 lits au total. En réalité, il faut diviser de chiffre par deux, parce qu'il ne prend pas en considération les hôtels qui ont fermé leurs portes. Ces derniers figurent toujours dans les statistiques. Ce qui fait qu'on a une forte demande et une faible offre touristique, ce qui donne suite automatiquement à une hausse des prix « , explique Zoubir Bouhout. Nous entendons souvent les Marocains se plaindre des offres alléchantes consacrées au touriste étranger au Maroc et à moindre prix et dont ils ne profitent pas. Sur ce point, l'expert en tourisme explique ce phénomène, qui est plutôt réel, en citant plusieurs points. « Sur les plateformes digitales, il n'y a pas de distinction entre marocain ou étranger. Par ailleurs, la plupart des étrangers passent par les agences de voyage qui proposent des packs plutôt intéressants, puisqu'il s'agit de tour-opérateurs qui louent des blocs de chambre« , explique l'expert, citant comme exemple une agence de voyages qui loue pour toute une année un hôtel de 300 chambres, et peut donc se permettre de baisser ses prix. Mais au Maroc, on n'a pas cette culture de recourir aux agences de voyages, déplore Bouhout. « Pour nous c'est un intermédiaire qui va nous surfacturer pour le service, alors que ce n'est pas le cas dans la plupart du temps« , dit-il. La solution selon Zoubir Bouhout se trouve dans l'offre et dans la politique du ministère et des opérateurs privés pour mettre en place des stations et des unités d'hébergement, à la portée des citoyens et qui prend en considération le pouvoir d'achat des Marocains. Mais il y en a pas malheureusement, se désole-t-il. » L'un des objectifs de la Vision 2020 était de construire 8 stations touristiques dans le cadre du Plan Biladi. C'est des centres de vacances qui ressemblent à des hôtels. La seule différence c'est qu'il s'agit plus d'un appartement que d'une chambre parce qu'on a plus de tourisme familial au Maroc, et son prix est réduit. On y trouve des piscines, des parcs de jeu et des attractions pour enfants. Sur les 8 stations qui devaient être construites, seulement deux ont vu le jour, à savoir la station d'Imi Ouddar et Ifrane. Il y a eu donc un problème dans l'exécution de ce projet, d'où le déficit en matière d'offre que nous vivons actuellement », explique l'expert. Pour résoudre ce problème devenu structurel, il propose de mettre en place une offre à la portée, qui prend en considération le pouvoir d'achat des Marocains et de proximité, vu qu'on ne peut pas continuer à concentrer ces infrastructures dans les mêmes endroits, souligne-t-il. « La vision du tourisme 2020 est caduque. Aujourd'hui, il y a une nouvelle charte d'investissement, qui va fournir des subventions, etc. Il n'y a pas encore de plafond fixé, mais il faut alors élaborer une vision 2030. Et cette vision doit prendre en considération des mesures incitatives en faveur des investisseurs qui veulent construire des stations pour les Marocains. Mais, ça ne doit pas ressembler à des ghettos juste pour rassembler les Marocains. Il faut qu'elles répondent aux mêmes critères des hôtels« , soutient l'expert. Pour soutenir les investisseurs qui vont procéder à la construction de ces projets en faveur des Marocains, Zoubir Bouhout préconise de les accompagner en leur proposant des réductions et un cahier de charges. « Au final, le but étant de proposer un appartement au Marocain à un prix qui varie entre 200 et 300 dhs la nuit, puis élargir ce prix au cas où la famille est plus grande, etc« , recommande-t-il. Autre solution pour remédier à cette situation, c'est les chèques vacances. « La ministre du Tourisme et le gouvernement ont évoqué ces chèques pendant la campagne électorale. En France, ils sont distribués à hauteur d'un million de chèques, ce qui permet aux Français de passer leurs vacances en France et encourage le tourisme local« , dit-il. Un exemple que le Maroc doit suivre, s'il veut remédier à la crise de l'offre touristique et encourager le tourisme local, estime l'expert. Et de conclure: « Pour appliquer cela au Maroc, il faut qu'on ait avec des stations d'hébergement dans les 12 régions du Royaume. Il y a des familles qui ne veulent pas quitter leur région. L'avantage des chèques de vacances, c'est que ça incite les Marocains à consommer localement et à moindre coût« .