Sujet de tension entre l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) et la Russie depuis de nombreuses années déjà, la question de l'élargissement de l'Alliance, a fini par mettre le feu aux poudres. Moscou, qui refuse la présence de l'Alliance atlantique à ses portes et la considère comme une menace, a déjà mené une guerre éclair en août 2008 pour brider les ambitions atlantistes de la Géorgie. Aujourd'hui avec l'Ukraine, où la guerre a changé de visage ce jeudi 24 février à l'aube avec une lourde attaque russe. Ce n'est plus la guerre gelée, c'est la guerre tout court, et Vladimir Poutine montre clairement qu'il ne parle pas en l'air et que ses menaces d'envahir l'Ukraine étaient sérieuses. En effet, dans un «discours guerrier», Poutine a annoncé «une opération militaire en Ukraine pour défendre les séparatistes de l'est du pays, et démilitariser et dénazifier» son voisin. Dans une intervention télévisée, le chef du Kremlin s'est également adressé à ceux «qui tenteraient d'interférer avec nous (...) ils doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n'avez encore jamais connues». Si l'Ukraine est un rêve lointain de Poutine, qui veut reconstituer «la grandeur soviétique», faire reculer l'Otan reste l'objectif premier, quitte à envahir le voisin. Pour le maître du Kremlin, Moscou doit se montrer fort, voire terrifiant. « Si le combat est inévitable, il faut frapper le premier », disait-il déjà en 2015. Aujourd'hui, s'il ne recule devant rien, c'est parce qu'il estime que l'Occident a profité de la faiblesse post-soviétique de la Russie pour camper dans son voisinage. Il réclame ni plus ni moins que l'Alliance atlantique revienne à ses lignes de 1997 et renonce à l'architecture sécuritaire issue de la Guerre froide. Le bras de fer entre Moscou et l'Alliance atlantique est désormais clair, sauf que l'avantage sur le terrain est largement en faveur de la Russie. L'embarras de l'Otan Si Poutine n'a eu aucun mal à déclencher des opérations militaires et faire rouler ses chars vers Kiev, l'Otan de son côté voit son action limitée par le fait que l'Ukraine ne fait pas partie de l'organisation. Tout ce que l'Alliance est aujourd'hui en mesure de faire, c'est renforcer sa défense le long de ses frontières pour rassurer les voisins de l'Ukraine membres de l'Otan comme la Pologne ou la Roumanie, et ...encore une fois, décréter des sanctions contre la Russie. Un gel des avoirs de députés russes, et l'exclusion des banques russes du marché européen, seront notamment appliqués..et Poutine n'est même pas concerné. En ce sens, l'Alliance a activé ses plans de défense pour déployer des forces supplémentaires dans les pays membres de l'Est de l'Europe, et annoncé la tenue d'un sommet en visioconférence ce vendredi. « Nous avons convoqué un sommet en visioconférence demain pour analyser la marche à suivre et nous avons activé les plans de défense afin de pouvoir déployer la capacité de la force de réaction là où ce sera nécessaire », a indiqué le secrétaire général de l'Alliance, Jens Stoltenberg a indiqué après une réunion d'urgence des ambassadeurs des pays membres. De nombreux observateurs avancent le même argument : «l'Otan ne pourra soutenir l'Ukraine que dans la limite des textes et ne pourra donc pas engager l'article 5 [qui prévoit une intervention en cas d'attaque d'un pays membre] au profit de l'Ukraine ». « Tout le monde le sait. Poutine le sait. Et c'est bien pour cela qu'il en joue », estiment-t-il. Une situation parfaitement résumée par Arnaud Dubien, directeur de l'Observatoire franco-russe et chercheur associé à l'IRIS : «Vu de Russie, ce qui était inacceptable jusqu'à présent c'était l'Ukraine dans l'OTAN, aujourd'hui c'est l'OTAN dans l'Ukraine».