Le Policy center for the new south (PCNS) et le Centre pour l'intégration en Méditerranée (CMI) ont présenté, jeudi lors d'un webinaire, leurs rapports sur la mobilité et la migration dans le pourtour méditerranéen en faisant la distinction entre ces deux termes souvent utilisés de manière interchangeable. Placé sous le thème « Regards croisés sur la mobilité et la migration en Méditerranée », ce webinaire co-organisé par le PCNS et le CMI propose une analyse croisée des questions de migration et de mobilité en Méditerranée à travers la présentation de deux rapports réalisés chacun par des chercheurs relevant des deux centres de réflexion. Reconnaissant tous deux l'importance de la mobilité au niveau de l'éducation tertiaire, le premier document, réalisé dans le cadre de rencontres organisées par le CMI, adopte une vision pluridisciplinaire et fait le lien entre la mobilité, l'éducation, l'employabilité, et les marchés du travail. Le second, du PCNS, s'intéresse plus particulièrement aux obstacles que rencontrent les jeunes chercheurs du Sud face à l'accès à la mobilité scientifique. Il s'agit là de mettre en lumière la mobilité, un phénomène du mouvement humain qui s'est progressivement substituée au terme migration dans la sphère politique et dans la recherche, illustrant ainsi une nouvelle gestion politique des flux de populations et l'intérêt porté à de nouvelles modalités de déplacement. Dans sa présentation du rapport du CMI « Les jeunes, acteurs du changement : pour un nouveau modèle de mobilité », le professeur à l'European University Institute, Philippe Fargues, a indiqué que la mobilité a toujours été associée à la jeunesse, notamment le groupe 20-35 ans qui constitue le segment le plus mobile au sein des populations. Notant que 43,2% des nouveaux immigrants des pays de l'Union européenne appartiennent à cette catégorie, M. Fargues a souligné que dans la rive nord de la Méditerranée, moins de 25% de la population est âgée de moins de 25 ans, alors que dans la rive sud, les jeunes adultes représentent plus de 50% de la population. « Cette proportion exceptionnelle des jeunes adultes dans les pays du sud est à la fois une chance et un défi », a-t-il dit lors de l'atelier de présentation modéré par la manager du programme Capital Humain au CMI et contributrice au rapport, Giulia Marchesini, expliquant que ce phénomène appelé "dividende démographique" est considéré par les spécialistes comme un critère favorable au progrès. Après avoir affirmé que la favorisation de la mobilité revient à accroître l'intégration régionale et internationale, le démographe a relevé que 3,5% de la population mondiale est migrante contre 9,9% pour les pays du sud de la Méditerranée, des pays dont "l'indice de migration nette potentielle" est négatif à l'inverse des pays du nord. De son côté, Dorra Ben Alaya, professeure à l'Université de Tunis El Manar, ayant également pris part à la réalisation du rapport, a affirmé la nécessité de la réciprocité de la mobilité et l'importance d'édifier un espace commun méditerranéen qui serait indissociable du concept de mobilité. L'universitaire a, dans ce sens, préconisé une fluidification de la circulation à travers l'incorporation d'éléments de mobilité tout au long du parcours de l'individu, du préscolaire au supérieur, qui permettrait de lutter contre l'immigration clandestine et contre l'extrémisme violent. A cet effet, Mme Ben Alaya a également recommandé la création de modules méditerranéens dans les cursus scolaires qui seront à même de faire la promotion de l'apprentissage des langues méditerranéenes, de la philosophie et de l'histoire commune, de rompre avec la dichotomie Occident-Orient et de mettre en lumière la continuité civilisationnelle qu'il y a entre les deux rives. Dans le cadre du second atelier modéré par le Senior Fellow au PCNS, Ivan Martin, il a été question de présenter le rapport du PCNS publié en 2018 dans le cadre du Forum des jeunes et intitulé "Construire une communauté euro-méditerranéenne des jeunes par l'apprentissage et la recherche à travers la mobilité". Intervenant à ce titre, son auteure, spécialiste des relations internationales au PCNS, Amal El Ouassif, a expliqué que le papier vise principalement à décrypter les obstacles auxquels sont confrontés les jeunes étudiants-chercheurs issus des pays du sud de la méditerranée en matière d'accès à la mobilité scientifique. Au cours de sa présentation, Mme El Ouassif a relevé deux types d'obstacles rencontrés par les jeunes dans le cadre de la mobilité à vocation académique, l'un d'ordre institutionnel et politique et l'autre d'ordre technique relatif aux procédures lourdes et coûteuses pour l'obtention d'un visa, insistant sur l'importance d'alléger ces formalités pour promouvoir une mobilité équitable. Affirmant que la mobilité est un moyen d'agir sur certains stéréotypes et idées reçues et souligant la nécessité d'aller au contact d'autres cultures, Mme El Ouassif a également noté un autre frein à la mobilité qui réside dans l'insuffisance de l'étendue des programmes euro-méditerranéens qui ne sont pas toujours inclusifs et ciblent principalement les candidats issus des grandes villes. La mobilité est un mouvement temporaire par lequel un individu ou un groupe de personnes se déplacent avec la perspective de revenir dans le lieu d'origine alors que la migration renvoie à un projet d'installation plus durable dans le temps. Plusieurs spécialistes sont intervenus lors de ce webinaire animé par le Senior Fellow au PCSN, Larabi Jaidi, parmi lesquels le président du Centre marocain pour l'innovation et l'entrepreneuriat social, Adnane Addioui, le directeur du Département des études et des prévisions financières, Mounssif Aderkaoui, le Senior Felow au PCSN, Abdelhak Bassou, ou encore la directrice du CMI, Blanca Moreno-Dodson.