La France a multiplié les récentes crises diplomatiques notamment avec des pays alliés, mais aussi avec d'autres pays avec qui elle entretient des relations historiques et complexes. Algérie, Mali, Etats-Unis, la France est sur plusieurs fronts à la fois. Ces dernières semaines, sur le volet diplomatique, les ennuis se sont enchaînés pour Paris et le président Emmanuel Macron qui doit bientôt se lancer en campagne pour la présidentielle de 2022. Les effusions de colère, les déclarations peu diplomatiques, et les rappels d'ambassadeurs ont rythmé l'actualité, si bien que pour certains observateurs, ces crises auraient une visée électoraliste, pour d'autres, le président français avait besoin de faire certains rééquilibrages pour faire respecter la France. Le Mali, une crise de responsabilités Sur le Mali, c'est une récente déclaration du Premier ministre malien de transition, Choguel Kokalla Maïga, à la tribune de l'ONU qui a créé le scandale. Le dirigeant malien a accusé Paris d'avoir « abandonné » le Mali, après une mission militaire ayant débuté en 2013 à la demande des autorités intérimaires maliennes. Mais l'affaire remonte déjà à cet été lorsque la France a décidé repenser sa stratégie et réajuster son déploiement au Mali à travers la force Barkhane en opérant un retrait de 5100 à 2500 soldats français en 2023. Emmanuel Macron a estimé que la France n'avait pas vocation à se substituer à la stabilité politique de pays souverains. La décision du retrait partiel des militaires du Mali après 8 ans de déploiement a été perçue comme un acte de « trahison » par le Mali en proie à une menace djihadiste incessante, à des guerres tribales et à une instabilité politique. C'est « inadmissible ce qu'a dit le Premier ministre malien, c'est une honte », a déclaré le président Emmanuel Macron, en marge de la clôture de la saison Africa2020 et réponse aux propos tenus par le Premier ministre malien. Et signer le début d'une crise majeure: « cela déshonore ce qui n'est même pas un gouvernement » issu de « deux coups d'Etat », a tancé le président français. Le ton est monté et les actes s'en sont suivis, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, a dénoncé des « propos inamicaux et désobligeants » tenus par le président français et a convoqué l'ambassadeur de France. Une crise mémorielle avec l'Algérie Avant le Mali, la France a eu des tensions avec l'Algérie suite à des propos du président Emmanuel Macron prononcés le 30 septembre, qui ont provoqué l'ire des dirigeants algériens. Le chef d'Etat français qui s'exprimait devant des petits-enfants de la guerre d'Algérie et de Harkis a remis en cause la version officielle de la guerre racontée en Algérie et le complexe lié à la France. Selon le président français, l'histoire officielle a été « totalement réécrite » et « qui ne s'appuie pas sur des vérités », mais sur un discours de « haine de la France » qui l'inquiète. « La nation algérienne post-1962 (après l'indépendante, NDLR) s'est construite sur une rente mémorielle et qui dit : tout le problème, c'est la France », a-t-il dénoncé en qualifiant le régime algérien de « système politico-militaire ». Sa déclaration intervient alors que le rapport qu'il a commandé à l'historien Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d'Algérie qui devait ouvrir le champ à une réconciliation et une relation « neuve » entre les deux pays n'a pas eu l'effet escompté, à savoir marquer un grand coup pour son bilan quinquennal. Les Algériens, imprévisibles, avaient apposé une fin de non-recevoir à ce rapport. Ces derniers s'attendaient à des excuses publiques du président Macron, une reconnaissance de « génocide » et le paiement d'une dette. Mais l'Elysée avait clairement indiqué qu'il n'y aurait « ni repentance ni excuses ». Toutefois, c'est une autre phrase prononcée par le président français qui a provoqué la colère d'Alger et qui a créé la brouille, menant au rappel de son ambassadeur à Paris et l'interdiction du survol de son espace aérien par les avions militaires français qui doivent notamment aller au Mali. « La construction de l'Algérie comme nation est un phénomène à regarder », a déclaré le chef d'Etat en remettant en cause l'existence d'une nation algérienne avant 1962, et en se demandant s' »il y avait une nation algérienne avant la colonisation française. », en ajoutant qu'avant la colonisation française, il y en avait d'autres. « Je suis fasciné de voir la capacité qu'a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu'elle a joué en Algérie et la domination qu'elle a exercée. Et d'expliquer qu'on est les seuls colonisateurs, c'est génial. Les Algériens y croient », a-t-il ajouté. L'Algérie qui n'a pas reçu de démenti face aux propos rapportés par la presse, a exprimé son rejet « catégorique de l'ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures », et d'innombrables réactions de responsables algériens ont suivi. Quelques jours plus tard, le président français a rappelé son respect pour le peuple algérien et avancé une bonne relation avec le président Abdelmadjid Tebboune pour apaiser les tensions qui restent toujours d'actualité surtout après la réduction de 50% des quotas de visas accordés aux Algériens. Une crise de confiance avec les Etats-Unis Avec Washington, les tensions ont débuté surtout à cause d'une crise de « confiance » entre alliés et partenaires. Paris a sauté au plafond à l'annonce de l'alliance AUKUS entre les Etats-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni dans l'Indopacifique, et le torpillage d'un juteux contrat de sous-marins français. L'affaire a provoqué la colère de la France non seulement parce qu'elle a perdu un important contrat, mais aussi parce qu'elle s'est faite dans son dos et dans un manque de considération pour ce pays du G7. Les Etats-Unis n'ont informé la France qu'au dernier moment et l'Australie qui avait commandé initialement les 12 sous-marins l'a annulée dans un courrier et a avancé une raison « stratégique ». La France a officiellement protesté et a dénoncé des « comportements inacceptables entre alliés et partenaires » et le chef de la diplomatie française Jean Yves Le Drian a estimé que cette affaire était une « rupture majeure de confiance ». Pour signifier sa colère, Paris avait décidé de rappeler ses ambassadeurs à Canberra et à Washington le 17 septembre, et des contacts au plus haut niveau se sont organisés, dont une visite officielle d'Antony Blinken à Paris pour calmer les tensions faisant suite à un entretien téléphonique entre le président américain Joe Biden et Emmanuel Macron, ainsi qu'avec le Premier ministre britannique Boris Johnson. Aujourd'hui, si l'ambassadeur français aux Etats-Unis a déjà regagné Washington et celui affecté à Canberra est sur le point de retourner aussi, la situation reste toujours tendue entre les pays alliés, notamment au sein de l'OTAN, et les répercussions de l'annulation du contrat de sous-marins vont être européanisées puisque les négociations prévues de longue date pour la conclusion d'un accord de libre-échange (ALE) entre l'Australie et l'Union européenne vont être retardées.