L'ancienne ministre, qui avait en charge, entre autres portefeuilles celui de la femme, s'est penchée sur l'évolution de la Moudawana ainsi que les défis persistants de la femme marocaine notamment en temps de crise sanitaire. Senior Fellow au Policy Center for the New South au (PCNS), Nouzha Chekrouni a abordé dans le cadre de la rubrique « Questions à un expert », les mesures qui ont permis à la Moudawana de reformer le statut de la femme marocaine. « Il est à rappeler qu'en 2004, le code de la famille est venu supplanter la Moudawana. Une réforme importante tant par les avancées juridiques qu'elle promouvait que par le processus démocratique enclenché sous l'égide du Roi Mohamed VI. Il est important de souligner que le statut de la femme est intimement lié à celui de la famille dont elle constitue l'épine dorsale », a-t-elle dit. Pour l'ancienne ministre, la famille est l'espace qui concentre tous les référents identitaires et religieux, ainsi que les représentations culturelles. « Grâce à l'effort de jurisprudence pour une relecture éclairée des préceptes de l'Islam, le Maroc a réussi à inscrire des avancées notables dans ce nouveau code », estime-t-elle. Des avancées notables L'ancienne ministre des femmes affirme que le Maroc a réussi à inscrire des avancées notables dans ce nouveau code dont les plus importantes sont une terminologie qui fait référence aux droits humains, la consécration de l'égalité en droits et devoirs entre les conjoints, la coresponsabilité au lieu de la domination masculine au sein du foyer, l'âge du mariage fixé à 18 ans pour les deux sexes, ou encore le recours aux tribunaux de famille pour accélérer les procédures judiciaires en cas de litiges. Il s'agit également des conditions draconiennes imposées à la polygamie, notamment l'obtention de l'autorisation d'un juge, du droit à la répudiation ou au divorce sous contrôle judiciaire pour les deux conjoints, de l'abolition de la tutelle matrimoniale pour le mariage des filles majeures. Des inégalités toujours présentes Quant aux inégalités dont fait face la femme marocaine, Nouzha Chekrouni estime que « la société marocaine se développe et se modernise et les femmes font partie des acteurs des changements positifs ». « Cependant, relève-t-elle, les études réalisées par les instances nationales et internationales révèlent la persistance de grands écarts entre les hommes et les femmes dont retard dans la mise en place de l'Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes les formes de discriminations (APALD) ». Et d'ajouter : « Le Code de la Famille de 2004, après deux décennies d'application, a montré ses limites. Une révision cohérente est nécessaire afin de pallier les dysfonctionnements qui entravent l'égalité entre l'homme et la femme qui sont liés aux dispositions juridiques et à leur interprétation par les juges ». Nouzha Chekrouni n'en oublie pas pour autant la question de la violence faite aux femmes, « qui continue d'avoir des retombées désastreuses sur les femmes et les enfants, c'est une atteinte grave à la dignité des femmes et des mesures de protection des femmes sont nécessaires ». « D'un autre côté, les femmes sont victimes de discriminations croisées. En effet, en plus de faire l'objet d'une discrimination sexuelle, les femmes œuvrant dans le secteur informel ne bénéficient d'aucune protection et celles en milieu rural subissent une précarité plus accentuée », précise-t-elle. Covid-19 et écarts entre les sexes en matière d'accès à l'emploi Dans un contexte exceptionnel de la crise du coronavirus, la question des écarts entre les sexes en matière d'accès à l'emploi et de revenu lors de la relance ,subsiste. La pandémie du Coronavirus a touché les femmes plus sévèrement que les hommes, notamment dans le marché du travail en raison de leur vulnérabilité. « Les femmes continuent d'être reléguées au second plan lorsqu'il s'agit des politiques publiques. Celles-ci sont reflétées dans la loi de finances qui définit les priorités du gouvernement. Bien qu'un Centre d'Excellence pour une budgétisation sensible au genre ait vu le jour en 2013, aucune action d'envergure pour réduire les inégalités n'a été menée », explique Chekrouni. Selon l'experte, les responsabilités sont partagées pour lever les barrières structurelles. « Les politiques publiques sont appelées à mettre en place des structures sociales telles les garderies, à sécuriser l'espace public pour que les femmes puissent se l'approprier sur un même pied d'égalité que les hommes », soutient-elle. Pour conclure: « Ensemble nous sommes appelés à lutter contre les biais culturels et les représentations négatives qui accompagnent les femmes et enfin les femmes sont appelées à valoriser le pouvoir dont elles sont dépositaires, celui de leur intelligence émotionnelle ».