Le Maroc commémore le 6 novembre, le 45ème anniversaire de la Marche Verte, un événement historique qui a marqué l'histoire moderne du Royaume en lui faisant récupérer le Sahara de la colonisation espagnole. Le politologue Tajeddine El Hussaini, revient pour Hespress FR, sur cette date et ses implications actuelles pour le dossier du Sahara, toujours entre les mains de l'ONU. Alors que les générations post-1975 n'ont pas vécu cette manifestation politique et patriotique d'envergure à laquelle ont participé quelque 350.000 Marocains des quatre coins du pays, cette date restera gravée dans la mémoire collective pour l'importance qu'elle revêt pour la cause nationale . Le 6 novembre 1975, des milliers d'hommes et de femmes avaient marché tout le long du Maroc, du nord au sud, jusqu'à entrer au Sahara et chasser de manière civile l'occupant, l'Espagne. Aujourd'hui encore, la mémoire de ces héros qui n'ont pas eu besoin d'armes, est célébrée et rend hommage à leur patriotisme. « La marche verte est une cérémonie patriotique exceptionnelle. Le chef d'orchestre de cette cérémonie c'était le Roi Hassan II. Grâce à cette Marche Verte, le Maroc a précisé un certain nombre de points dans son histoire surtout la question de la marocanité du Sahara », indique Tajeddine El Hussaini. Cette Marche Verte s'inscrit dans un contexte spécial. Alors que le Maroc recouvrait son indépendance de la France en 1956, l'Espagne restait une force occupante dans le Sahara et à Sebta et Melilla (ces deux enclaves restent toujours occupées à l'heure actuelle). « Il ne faut pas oublier que c'est Hassan II qui a présenté sa demande à l'Assemblée générale des Nations Unies pour demander l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice (CIJ) de la Haye. Il y avait deux questions importantes, et la première était de savoir si le Sahara était une terra nullius (terre qui n'appartient pas à un état, ndlr) au moment où il été colonisé par l'Espagne, et la deuxième question portait sur la nature des liens juridiques qui lient le Maroc et l'ensemble Mauritanien avec ce territoire », explique le professeur en droit international. La réponse à la première question était claire et nette, estime le chercheur qui affirme que le Roi Hassan II avait bien interprété l'avis consultatif concernant le deuxième point, puisque le tribunal a reconnu l'existence de liens juridiques d'allégeance entre les sultans du Maroc et les tribus sahraouies. « C'est de là que part la reconnaissance claire de la souveraineté du Maroc sur ces territoires et c'est comme cela que la Roi Hassan II a organisé la Marche Verte ». « Je me rappelle d'une phrase que le Roi Hassan II avait dite à l'époque qui avait voulait sire que puisque notre Sahara ne peut pas venir à nous, nous devions aller vers lui, et c'est ce qui provoqué une motivation de tout le peuple marocain. La structure de la Marche verte était bien étudiée : Le nombre de personnes qui y ont participé était de 350.000, soit le nombre de naissances au Maroc chaque année et 10% de la composante de cette marche était des femmes », se remémore notre interlocuteur. L'événement était historique, les Marocains avaient réussi à récupérer ce territoire colonisé par des moyens pacifiques. En effet, les participants ne portaient entre les mains que des corans et le drapeau marocain. « C'était une aventure risquée puisque Hassan II avait considéré que s'ils ne réussissaient pas, il allait abdiquer. C'était le meilleur moyen de pression à exercer sur un dirigeant comme Franco qui était connu pour sa rigidité vis-à-vis du Maroc en ce qui concerne le Sahara, Sebta et Melilla », a reconnu Tajeddine Houssaini qui suit le dossier du Sahara depuis le début. Suite à cet événement l'accord tripartite de Madrid avait été signé. Quels sont les grands points ayant marqué l'évolution du dossier du Sahara en 45 ans ? « Personnellement j'ai suivi l'évolution de cette question depuis l'organisation de la Marche verte jusqu'à aujourd'hui. J'ai vécu cela avec beaucoup d'attention et d'intérêt et je constate que le Maroc a connu un grand nombre de défis, d'enjeux et d'obstacles qui ont été créés spécialement par l'Algérie. Le régime algérien s'est imposé comme un obstacle réel devant l'accomplissement de l'intégrité territoriale marocaine. C'est une vérité qu'il ne faut pas oublier pour l'avenir et qu'il faut toujours prendre en considération. Il y a eu des moments très difficiles, d'abord la confrontation avec l'armée algérienne et la menace d'une guerre totale. Il y a eu deux occasions de confrontation, Amgala 1 et Amgala 2, et l'armée marocaine a réussi à capturer plus de 200 soldats et officiers algériens. Je me rappelle très bien qu'à l'époque c'était l'intervention du Roi Fahd qui était encore prince héritier, et le vice-président égyptien qui était à l'époque Housni Moubarack, et c'est sur leur intervention que le Roi Hassan II a cédé et a libéré les soldats et officiers algériens capturés sans demander de compensation ou de contrepartie. C'est à partir de là que l'on avait constaté que la situation risquait de devenir plus grave surtout lorsque le Maroc a récupéré le territoire de Dakhla. L'Algérie a fait des efforts exceptionnels pour obtenir des reconnaissances pour la création de la RASD en 1979. Ces reconnaissances ont atteint des chiffres très forts qui dépassent les 70 Etats. Il ne faut pas oublier un autre moment qui était très dur pour le Maroc, celui où l'OUA a décidé d'accepter la RASD comme Etat membre au sein de l'Organisation, ça a été l'erreur monumentale du SG de l'OUA à l'époque qui a pris en considération le calcul de la moitié +1 sans tenir compte de la demande du Maroc d'appliquer la charte de l'OUA qui demande une majorité des deux tiers. Aujourd'hui, le Maroc est en train de progresser positivement dans l'évolution de cette question, surtout par rapport au contenu des résolutions du Conseil de sécurité depuis 2007, année à laquelle le Maroc a présenté son initiative d'autonomie. Ça a été un tournant important dans la relation du Maroc avec la question du Sahara, puisque le Maroc a prouvé qu'il a la capacité de franchir un pas de géant, en faisant bénéficier le territoire d'une autonomie conformément aux normes du droit international. Cette initiative d'autonomie a survécu à toutes les menaces venant de part et d'autre. Elle est toujours sur la table et est considérée par le Conseil de sécurité comme un projet crédible, réaliste et sérieux, et là on est dans une situation qui permet de dépasser la question du référendum qui a échouée malgré la bonne foi du Maroc en sa capacité à l'organiser, et on est en train de chercher au sein du Conseil de sécurité un accord négocié pour un règlement politique. Le terme +politique+ est significatif puisque c'est la négociation qui va faire parvenir à un accord commun entre les parties, ce qui englobe aussi l'Algérie et la Mauritanie. Ce n'est plus le polisario le seul interlocuteur devant les Nations Unies. Même le terme de +table ronde+ suppose que toutes les parties sont sur un même pied d'égalité. » En quoi l'ouverture des 15 représentations diplomatiques au Sahara sont-elles importantes et qu'est-ce qu'elles signifient pour la cause du Sahara? L'ouverture des consulats a une grande « importance », souligne, Tajeddine El Husseini, elles interviennent dans un contexte, où » ces dernières années, tout était gelé, il n'y a plus d'envoyé spécial du SG de l'ONU, les négociations ont été arrêtées, le régime algérien commençait à reprendre son énergie et ses forces pour attaquer encore sur le plan diplomatique et voilà que le Maroc a pris cette initiative courageuse d'entamer des négociations avec les pays amis et les pays frères pour installer des consulats généraux de ces pays dans les deux principales villes du Sahara, c'est-à-dire Dakhla et Laayoune. Aujourd'hui on a 15 représentations diplomatiques ouvertes sur le territoire et cela a été honoré par l'initiative du Cheikh Ben Zayed Al Nahyane, le prince héritier des Emirats Arabes Unis, d'ouvrir un consulat général à Laâyoune. C'est une initiative qu'il faut saluer parce qu'elle va ouvrir la voie aux autres pays du Golfe, Bahreïn, Oman, Koweït, Arabie Saoudite... et même d'autres pays arabes. C'est un acte d'abord de reconnaissance de la marocanité du Sahara de façon absolue par ces pays. L'article 2 de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires, considère que l'établissement de relations consulaires entre les Etats, doit se faire par consentement mutuel, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un acte de souveraineté qui a un caractère bilatéral entre deux Etats souverains et indépendants. D'ailleurs la dernière résolution du Conseil de sécurité 2548, n'a pas critiqué l'ouverture de ces consulats au Sahara, et c'est un point très positif parce que cela va encourager d'autres Etats à suivre cette initiative. L'ouverture de ces consulats n'a pas seulement un rôle politique, mais il s'agit aussi de protéger les intérêts de l'Etat qui a ouvert le consulat dans l'Etat de résidence, et protéger leurs ressortissants, aussi bien personnes physiques que morales. Ces ouvertures vont favoriser les relations économiques, sociales, culturelles et scientifiques et autres, et cela est prévu dans la Convention de Vienne. Cela veut dire qu'il y aura encore plus d'ouverture sur l'investissement, le tourisme, les relations de jumelage, beaucoup d'activités à beaucoup de niveaux. Je pense que cela en somme, va aboutir à une reconnaissance plus importante au courant de l'année prochaine. Je pense que le Maroc doit se transformer en un chantier d'établissement de relations diplomatiques consulaires plus fortes avec les pays concernés. Il y a au moins 28 pays africains qui ont signé une pétition au moment du retour du Maroc à l'Union africaine, pour geler le statut de la RASD en attendant le règlement politique prévu par les Nations Unies. Au sein de ces 28, le Maroc peut obtenir l'ouverture de leurs consulats au Sahara, et en prenant en compte d'autres pays amis dans le reste du monde. C'est un chantier qu'il faut aborder avec beaucoup d'intelligence, de raison, dans les contacts humains avec ces Etats. » Quel est le message de la dernière résolution du Conseil de sécurité concernant le dossier du Sahara? Plusieurs points ont été soulevés dans cette résolution 2548 qui confortent le Marc dans sa position, notamment les efforts du Maroc qui ont été félicités, le mandat de la Minurso qui a été clairement établi et qui s'arrête à l'observation du respect du cessez-le-feu, une solution politique basée sur le compromis et le réalisme privilégiée, et le référendum une page définitivement tournée. « Je pense que le plus important dans cette dernière résolution c'est qu'elle a fait un genre de résumé concentré qui tisse un lien entre la première résolution de 2007 où elle a considéré la proposition du Maroc pour l'autonomie comme sérieuse, réaliste et crédible, celle de 2019. Le Conseil de sécurité a continué de considérer la proposition du Maroc de la même manière. Autre fait marquant de la résolution 2548, c'est qu'elle a cité au moins 5 fois l'Algérie comme partie à ce conflit, parce que le nom de l'Algérie est lié avec les négociations autour d'une table ronde pour arriver à une solution politique. Cela est une preuve que l'Algérie, ou plutôt le régime algérien, est en réalité le responsable de tout ce qui se passe dans cette région. C'est l'Algérie qui a poussé des centaines de personnes pour partir en bus et en voiture vers El Guerguarate pour bloquer le seul passage entre le Maroc et la Mauritanie. C'est l'Algérie qui a permis au polisario de quitter les camps de Tindouf pour partir à la zone tampon et organiser un défilé militaire, ce qui veut dire que le polisario est sous le contrôle des services algériens et de la gendarmerie algérienne, et ça tout le monde le sait. C'est aussi l'Algérie qui refusé le recensement de cette population de « refugiés » -si on les considère comme tel- demandé plusieurs fois par les instances des Nations unies. Et c'est l'Algérie qui a commencé défendre la RASD dans toutes les instances internationales et politiques, et c'est le seul pays de la région qui le fait, et malgré cela, ils vont dire que l'Algérie est neutre et n'a rien à voir avec cela, c'est incroyable. C'est de la mauvaise foi déclarée avec instance et persistance. »