La crise du coronavirus a paralysée presque tous les secteurs de développement dans tous les pays mais a surtout creusé les disparités sociales et les inégalités entre homme et femmes au Maroc, selon Oumayma Achour, présidente de l'association Joussour Forum des Femmes Marocaines et militante pour les droits des femmes. Cette crise sanitaire « nous a permis de voir les réalités que nous connaissions déjà, des disparités intergénérationalles, des inégalités entre les genres, spatiales entre le rural et l'urbain », a-t-elle déclaré à Hespress FR. Alors que la pandémie du covid-19 a exacerbé en particulier les inégalités dans le secteur de l'éducation, la santé, l'économie, l'emploi, ces inégalités ont également touché le social, et ce qui a trait à la famille, et l'organisation de cette dernière. « Nous vivons des inégalités qui sont des répercussions à des inégalités juridiques qui ont existé depuis longtemps. Il est temps de revoir les lois qui exacerbent les inégalités pour qu'on puisse avoir une équité, une parité, entre hommes et femmes », a commencé par dire notre interlocutrice en faisant référence aux inégalités juridiques. « Il y a eu un grand débat sur le cadre juridique du télétravail qui a été une solution que certaines entreprises et organisations publiques et privée ont adopté. Mais il y a un vide juridique concernant ce télétravail », notamment ce qui touche aux heures de travail, les pauses, les accidents de travail. Dans plusieurs cas, le travail s'est fait à coups de « WhatsApp toute la journée, d'emails même le soir » et en dehors des horaires de travail. Les femmes, qui se sont retrouvées à faire du télétravail, ont dû cumuler plusieurs tâches : le travail en lui-même, les tâches ménagères, la cuisine, les responsabilités avec les enfants, les responsabilités d'éducation de e-learning, a énuméré la militante des droits de la femme. Cette accumulation des tâches couplées au télétravail a eu « des répercussions sur les femmes car c'est un secteur qui n'est pas réglementé, pas institutionnalisé et le partage des tâches n'est pas une habitude dans nos sociétés pourtant ce n'est écrit nulle part, ni dans le Coran, ni dans la Sunna, ni dans la Moudouwana, que c'est à la femme d'assurer sur tous ces volets », a-t-elle dénoncé. « Aujourd'hui c'est le moment de revoir les lois sociales, notamment la protection sociale ». Des situations d'une extrême violence Alors que beaucoup de femmes marocaines travaillent dans l'informel, une grande majorité d'entre elles n'ont pas bénéficié du fonds spécial covid-19, a estimé l'universitaire. « Pour le Ramed, lorsque c'est un couple, c'est l'homme qui touche l'argent, pourtant dans plusieurs de ces familles, les revenus proviennent en majorité de la femme, c'est elle le vrai chef de famille, car pendant qu'elle travaille pour nourrir les enfants, son mari chôme. Et, Il se retrouve du jour au lendemain avec 2.000 dirhams dans la poche et la femme zéro dirham alors que c'est elle qui rapporte de l'argent à la maison », a expliqué Mme Achour, notant qu'en plus, cette catégorie de femmes n'a pas pu sortir pour travailler à cause du confinement mais aussi parce qu'il y avait une seule autorisation de sortie par foyer et elle a été délivrée à l'homme. Et de poursuivre que le partage des tâches entre l'homme et la femme a été une « nécessité durant le confinement ». Il a notamment poussé les hommes qui n'avaient pas l'habitude de participer aux tâches dans leur foyer à s'y mettre. Toutefois, certains hommes ont refusé de le faire, ce qui a provoqué des querelles dans le couple donnant lieu à des situations de « violences domestiques », verbales ou physiques. Et pendant ce temps, les associations et centres qui viennent en aides aux femmes violentées, étaient fermés à cause de l'épidémie, les tribunaux ont relégué la majorité des affaires jugées non prioritaires dont celles portant sur les pensions alimentaires, les cas de violences, a rappelé la présidente de l'association Jossour. « La femme a dû accomplir encore plus de tâches et plus de responsabilités et peu de moyens pour l'accompagner dans ce confinement ou pour se défendre » face à des situations compliquées de violences domestiques notamment. « Il y a eu des grands efforts fournis au niveau économique et sanitaire mais au niveau du social, le gouvernement n'a pas déployé grand-chose », a-t-elle regretté. « Que la femme qui travaille soit restée à la maison en télétravail ou qu'elle soit sortie, plusieurs choses ont changé pour elle. Il y avait les cantines, les crèches pour garder les enfants, et puis elle s'est retrouvée à faire trois repas en bonne et due forme, elle s'est retrouvée à faire la maîtresse d'école de toutes les matières et le suivi des devoirs, en plus les tâches ménagères ». Selon un rapport de l'ONU Femmes, les femmes marocaines travaillent en moyenne 7 fois plus que les hommes au sein de la famille alors que la moyenne mondiale est estimée à 4 fois plus. Pendant le confinement, la femme marocaine « a vécu une situation de violence psychologique extrême, avec la famille d'un côté, les responsabilités qui tombent du ciel de l'autre, et sa carrière à gérer » avec un partenaire souvent absent et qui se défile de ses responsabilités. L'absence de partage de tâche cumulé au relèvement du niveau d'exigences et d'attentes de part du conjoint a créé un climat de tensions et de stress pour la femme qui est devenue « opprimée, sentant la +hogra+ parce qu'elle n'a pas à assumer toutes ces responsabilités toute seule » et par conséquent c'est toute « la famille qui se retrouve dans une violence », conclut Mme Achour.