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Pr Mustapha Chagdali : « L'Etat doit soutenir financièrement le secteur du tourisme pour éviter le pire »
Publié dans Hespress le 09 - 06 - 2020

La pandémie du coronavirus Covid-19 n'a pas épargné l'industrie du tourisme qui se trouve en être l'une de ses principales victimes. Le secteur du voyage et du tourisme, jusque-là, était en plein essor et représentait 11 % du PIB mondial. Il était en croissance constante depuis plus d'un demi-siècle et même en croissance rapide depuis une dizaine d'années. Mais pour autant, il devrait entamer son déclin avec la crise du coronavirus (Covid-19).
Cette baisse soudaine de l'activité touristique est historique. Elle se traduit selon l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), par un recul de 80 milliards de dollars des exportations du tourisme international. L'OMT prévoit une baisse de 58% à 78% du nombre d'arrivées (de 850 millions à 1,1 milliard de personnes en moins). Entre 100 et 120 millions d'emplois directs sont également menacés de par le monde.
Qu'en est-il au Maroc à quelque jours d'une levée de confinement, comment redémarrer, faut-il miser sur cette clientèle locale et en repensant la notion même de voyage autant de questions et autres qui taraudent l'esprit quant à notre tourisme national et que le Professeur Mustapha Chagdali, Psychosociologue et enseignant-chercheur à l'institut supérieur international du tourisme de Tanger (ISITT) a de sa bienveillance voulu aborder avec Hespress.fr.
Aussi, lui avons-nous demandé comment redémarrer ce secteur touché en plein essor par la pandémie du coronavirus (Covid-19). « Le tourisme » nous dit Mustapha Chagdali, « est un secteur de la mobilité par excellence, alors le coronavirus (Covid-19), au-delà de ses aspects pathologiques, est tout à fait le contraire au point que l'on peut, le considérer comme anti-mobilité. En fait, le virus a imposé le confinement et par ricochet le voyage qui est le moteur de l'activité touristique en a été brutalement interdit ».
Et le Professeur de faire le lien entre le tourisme et le voyage. « Ainsi, la question faisant allusion au redémarrage du tourisme en cache une autre et évidement cette dernière est liée au redémarrage du voyage, aussi bien sur le plan national qu'international. Et pourtant, redémarrer le tourisme pour l'instant n'est qu'une question qui reste de mise si on veut reformuler ainsi ; quels les sont les stratégies qu'il faut instaurer pour redémarrer le tourisme après la pandémie de Covid-19 ? Quelles sont les mesures de protection qu'il faut mettre en place pour rassurer la clientèle touristique à reprendre le voyage d'agrément ? Ces questions pourrait être justifiées par le fait que le touriste de l'après pandémie n'est plus le même qu'avant. Il a besoin de plus d'assurance sur le plan psychologique que son séjour ne serait pas un synonyme de contamination par le Covid-19.
La tendance touristiquement parlant, un peu partout dans le monde, fermetures des frontières obligent, est au local. C'est peut-être là l'opportunité de survie pour le tourisme, des pays comme les Etats-Unis, la France, l'Italie, le Royaume Uni ou autres ne s'en plaindront pas au regard de leurs marchés intérieurs mais qu'en est-il pour les pays ayant misé sur le tourisme venus d'ailleurs. Qu'en est-il du Maroc ? Faut-il miser sur une clientèle locale en attendant une réelle reprise ?
« A court terme, le secteur touristique n'a plus le choix que de miser sur une clientèle locale, et ce, pour la simple raison qu'au niveau des marchés touristiques internationaux, il y des restrictions à l'encontre du voyage à l'étranger. Cependant, pour miser sur la clientèle locale ne faut-il pas chambouler toute la stratégie commerciale pour l'adapter à cette clientèle dite locale ou nationale ? En effet, pour que le tourisme national puisse sauver la situation ne serait- ce que d'une manière partielle, il faut que les promoteurs touristiques arrivent à adapter leurs offres pour qu'elles soient adaptées à la demande du marché locale. Ce qui demanderait, un travail créatif et innovateur ».
Au Maroc, l'idée de voyager quand on n'est plus sûr de pouvoir revenir, impactera-t-elle le tourisme de masse ? « Le changement brutal imposé par le Covid-19 a basculé les habitudes, et notamment celles qui renvoient au voyage et au tourisme de masse. Seul un vaccin anti-Covid-19 peut redonner confiance aux touristes pour voyager. Néanmoins, la crise provoquée par la pandémie a dépassé toutes les limites dans le sens qu'elle a fait l'objet de rumeurs de « Fake news instant », le doute qu'il s'agit d'un complot et non d'une pandémie naturelle. Ainsi, beaucoup de gens refuseraient de se faire vacciner et par conséquent le voyage qui était un phénomène de masse ne sera plus tellement comme avant ».
Il faudra donc du temps avant de prendre l'exacte mesure de ce qui s'est déroulé ces dernières semaines sur la planète et vraisemblablement beaucoup plus pour se faire une réelle visibilité quant, à la période post-Covid-19. On peut déjà, prendre acte, que 2019 de ses chiffres records, a marqué le pic touristique et surtout les esprits. Les spécialistes tablent sur au moins 2022 ou 2023 pour revenir au niveau d'il y a, une décennie. Il ne faut pas se leurrer ce n'est pas demain la veille que l'on retrouvera les sommets de 2019 et la reprise si reprise il y a, aura son prix ? Le Maroc a- il fait une croix sur 2020 ?
Le point de vue du Psychosociologue et enseignant-chercheur à l'ISITT est on ne peut plus clair « Certes, le tourisme est un secteur prioritaire au Maroc mais, aujourd'hui, à cause du coronavirus (Covid-19), c'est toute l'économie qui se trouve dans l'impasse. L'espoir qui reste pour redynamiser le tourisme pour le reste de l'année 2020 réside, à mon avis, au niveau du tourisme interne pour minimiser les dégâts. Avec une très grande stratégie de mobilisation et d'adaptation le tourisme national peut garantir, partiellement, une relance du tourisme au Maroc ».
Les prévisions au meilleur des cas dans le Royaume en nombre de touristes étrangers tablent sur le tiers de 2019. Ce qui fait craindre des fermetures de sites et d'établissements touristiques, du chômage partiel et des licenciements ? Pour le Professeur la balle est dans le camp de l'Etat qui se doit de s'investir en soutenant le secteur. « Les fermetures de sites et d'établissements touristiques semblent une éventualité palpable. Mais tout dépendrait de la politique gouvernementale par rapport à ce dossier. Autrement dit, est ce que l'Etat va soutenir financièrement ces établissement pour éviter le pire avec ses conséquences néfastes sur le plan économique et social ? »
Beaucoup appellent de tous leurs vœux pour reconstruire le monde du tourisme d'après coronavirus (Covid-19) mais à cet égard ce n'est pas qu'une question de logistique, une mobilisation générale et une autre vision de la chose sont nécessaires histoire de sauver ce qui doit l'être. Le Pr. Mustapha Chagdali, Psychosociologue et enseignant-chercheur à l'ISITT de ses théories a esquissé des signes d'espérance et même si ceux-ci, ne se dessinent encore que timidement, l'effort de tous est de mise.


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