L'arrestation et poursuite du directeur de la rédaction du quotidien « Akhbar Alyoum », Soulaiman Raïssouni, sous le chef d'inculpation de « viol avec violence et séquestration », divise au sein de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Cette divergence est apparue lorsque le vice-président de l'Association a critiqué le dernier communiqué de l'AMDH sur l'affaire Raïssouni qu'il a considéré comme "non-équitable", en raison de l'absence "du droit présumé à réparation de la victime" au sein dudit texte qu'il accuse d' »avoir formé une position biaisée et non neutre en faveur d'une partie contre une autre » et d'être « contraire aux principes et fondements d'un procès équitable ». Le communiqué de l'association critiqué par son vice-président, et qui a été publié par le bureau central de l'AMDH le 27 mai, appelle à « la libération immédiate du journaliste Soulaiman Raïssouni« , afin de garantir son droit à un procès équitable, et dénonce « les attaques et les formes de stigmatisation et de haine contre la communauté LGBT ». Joint par Hespress FR, le président de l'AMDH, Aziz Ghali, qui a été en quelque sorte visé par ce co-équipier, estime qu'il s'agit « d'une question de positionnement concernant l'affaire Soulaiman Raïssouni, et il y a un avis qui était plutôt différent ». A travers le communiqué du 27, « nous avons jugé qu'on était très rationnels au niveau du bureau et qu'on a élaboré un communiqué équilibré qui défendait les deux parties ». « Personnellement, je juge que le communiqué était équilibré. Il parle de Raïssouni comme il parle de la présumée victime qui est Adam. Mais le communiqué n'a pas été du goût, apparemment, de quelques membres de l'AMDH, et je me demande d'ailleurs ce qu'ils veulent exactement. Ils disent que le CP n'était pas équilibré et qu'il faut donner plus d'importance à Adam que Raissouni », nous a déclaré Ghali. Et d'ajouter sur ce dernier point : «Oui, on a peut-être donné plus d'importance à Raissouni parce qu'il est en détention contrairement à Adam. S'il était poursuivi en état de liberté ça aurait été autre chose ce qui n'est pas le cas ». Pour ce militant des droits de l'homme depuis plus de 30 ans au sein de l'une des plus anciennes associations du Maroc, « Raïssouni est aujourd'hui en détention illégale, parce que l'arrestation se fait selon plusieurs conditions, notamment quand la personne est prise en flagrant délit, ce qui n'est pas son cas. S'il n'avait pas les garanties requises pour se rendre au tribunal, ou encore si on lui avait envoyé une convocation à laquelle il n'a pas répondu ce qui n'est pas son cas également, et tous ces éléments font que son arrestation est contraire à la procédure ». Autre point de divergence au sein de l'AMDH, il concerne le fait que Ghali estime « qu'il n'y a pas eu de plainte à la base contre le rédacteur en chef d'Akhbar Al-Yaoum, et que les autorités se sont basées sur un post publié par Adam, la présumée victime, sur les réseaux sociaux, qu'ils ont transféré au parquet général qui, à son tour, a convoqué Adam pour l'écouter ». « Ils ont considéré que le post d'Adam comme une plainte, alors que c'est parole contre parole. Si vous appelez une partie pour l'écouter, il faut faire appel à l'autre partie également. Mais pas arrêter Raïssouni sans même l'avoir entendu. C'est pour ça qu'à notre niveau, il y a eu des soupçons sur l'arrestation de Raïssouni », dit-il. Le président des l'AMDH nous indique pareillement qu'Adam a pris contact avec l'association le 27 mai, pour une rencontre, et a reçu une réponse le lendemain, soit le 28 mai. La rencontre devait avoir lieu après le confinement, suite aux mesures de prévention sanitaires imposées par les autorités suite à la pandémie du Covid-19, ou organiser une visioconférence. Mais par la suite, Adam n'a plus répondu aux appels de l'AMDH, pour une raison que Aziz Ghali ignore. La question qui revient à la surface maintenant, est comment cette situation de « divergence » sera gérée au sein de l'AMDH, surtout en cette période critique de crise sanitaire et au vu du nombre impressionnant de dossiers sur la table de l'association. Pour le président de l'AMDH, « c'est sûr que les discussions vont toujours continuer parce qu'on travaille toujours par conviction. D'ailleurs, demain, vendredi 5 juin, nous avons une réunion du bureau central pour sortir avec des conclusions. Il ne faut pas oublier que nous avons plusieurs dossiers à traiter au sein de l'association et pas uniquement l'affaire Raïssouni. Et du coup, il ne faut pas trop s'attarder sur ce sujet». De plus, Ghali estime que «l'affaire est toujours en cours et il faut la suivre. Raïssouni ne sera écouté que le 11 juin, puis il y a le procès ». Pour lui, «la démocratie impose aux membres de l'AMDH que les discussions se poursuivent jusqu'à ce que tout le monde soit d'accord sur un même point ». Mais la priorité au sein de l'association, relève-t-il, est que «Raïssouni soit relâché, et qu'il ait un procès équitable, surtout qu'il a été arrêté en pleine crise du Covid-19».