Pendant ce mois sacré du Ramadan, une catégorie de personnes âgées ne peut pas faire leurs jeûnes à cause de problèmes de santé, tandis que d'autres le font mais avec difficultés. Pour Dr Khadija Moussayer, le ramadan est en général sans danger pour les pratiquants et l'âge n'est pas en soi un obstacle à son bon respect. Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie, et ex-interne aux Hôpitaux de Paris (Hôpital gériatrique Charles FoyI), Dr Moussayer indique qu'il existe des contre-indications absolues (quelque soit l'âge) en cas de diabète traité à l'insuline et non équilibré, d'insuffisance rénale, de maladie cardiaque et de toute autre pathologie ne supportant pas un jeûne même court (en particulier certaines maladies auto-immunes et certaines maladies rares). Il est sage, en tout état de cause, estime la spécialiste, que la personne âgée fasse le point avec son médecin traitant pour ne pas mettre sa santé en péril, et de faire preuve de responsabilité, surtout après 75 ans où le jeûne est plutôt à déconseiller. Les personnes âgées de plus de 60 ans (ainsi que leur entourage) doivent par contre savoir que leurs « paramètres » physiologiques, très différents d'une personne plus jeune, les obligent à plus de vigilance et même de sagesse, surtout dans cette période difficile de l'épidémie du coronavirus, poursuit-elle. De même, elle indique que si les personnes en bonne santé devaient pouvoir jeûner pendant ce Ramadan, comme les années précédentes, les patients atteints de Covid-19 devraient toutefois envisager de ne pas le faire. Ils doivent suivre les dérogations prévues par la religion, en concertation là aussi avec leur médecin, comme pour toute autre maladie. À cet effet, Dr Moussayer livre les principales recommandations à retenir pour que le jeûne se passe en toute sérénité pour les personnes âgées. Il est fortement conseillé à la personne âgée, selon la spécialiste de consulter son médecin avant toute décision d'observer ou non le ramadan et sur la prise de ses médicaments (pas d'automédication !), ne pas diminuer sa consommation alimentaire habituelle et veiller à consommer une bonne ration de protéines. Elle conseille pareillement à cette catégorie de personne de bien bien boire (1,7 litre par jour au minimum en moyenne), maintenir une activité physique de 15 à 30 min par jour pour lutter contre les effets nocifs de la sédentarité pendant le confinement, adopter autant que possible de nouvelles heures de sommeil identiques et régulières d'un jour à l'autre et rendre un petit déjeuner très consistant avant le lever du soleil, faire un repas léger au moment de la rupture et en faire un autre 3 heures après.. Risque de dénutrition lors du Ramadan Les personnes âgées ont souvent tendance à diminuer leur apport alimentaire sans que leurs besoins énergétiques ne soient réduits, fait savoir Dr Moussayer. Ce manque d'appétit qui survient avec l'âge est en partie dû notamment à l'altération des perceptions des odeurs et du goût (qui stimulent ainsi moins). La capacité discriminative s'affaiblit d'où une difficulté à identifier et apprécier les aliments. Le seuil de détection des 4 saveurs de base est ainsi augmenté en moyenne de 11,6 fois pour le salé, 7 pour l'amer, 4,3 pour l'acide et 2,7 pour le sucré par rapport à un individu jeune explique-t-elle. Contrairement aux idées reçues, Dr Moussayer explique que les besoins énergétiques de la PA sont presque identiques à ceux de l'adulte jeune soit 2000 kcal/j pour l'homme et 1800 kcal/j pour la femme contre respectivement 2800 et 2200 à 30 ans. De ce fait, la conjonction d'une baisse de l'appétit et l'observation de longues heures de jeune peut compromettre l'état nutritionnel de la PA et mener à une spirale de conséquences fâcheuses. La PA ne doit donc pas restreindre sa consommation alimentaire habituelle après la rupture du jeûne sans d'ailleurs verser dans des excès tout aussi nocifs (quel que soit l'âge !). Troubles de l'hydratation La PA a tendance naturellement à baisser ses apports en eau, fait savoir la spécialiste soulignant que le seuil de perception de la soif s'émoussant aussi avec l'âge. Les pertes en eau de la PA sont aussi plus importantes à cause de la plus forte résistance du rein à l'action d'une substance qui limite les pertes en urine (l'hormone antidiurétique). De plus, les mécanismes de régulation sont moins bien assurés, et l'élimination des surplus de sucre ou de sodium s'accompagne d'une plus grande perte en eau. L'équilibre hydrique est également menacé par certains médicaments (diurétiques, neuroleptiques...), explique-t-elle. «Pour toutes ces raisons, les besoins en eau de boisson sont toujours plus élevés chez la PA que l'adulte jeune (1,7 l/j contre 1,5l/j), d'autant plus que les signes d'une déshydratation, en particulier lors du ramadan, sont souvent tardifs et pas toujours faciles à interpréter. Ainsi, des manifestations de somnolence brusque, de troubles neuromusculaires, de constipation... ou d'accélération du rythme cardiaque doivent conduire à une réhydratation d'urgence et cela sans perdre son temps à discuter de la part de la personne et/ou de son entourage» souligne-t-elle. Fonte du capital musculaire Le capital musculaire diminue chez la PA, ce qui aggrave l'état nutritionnel et d'hydratation, alerte la spécialiste. Elle explique que les réserves en eau (73% de l'eau totale du corps sont stockés dans les muscles) baissent en effet corrélativement à la diminution de la masse musculaire (17% du poids du corps à 70 ans contre 30% à 30 ans). Ce phénomène, la sarcopénie, a des répercussions considérables par les faiblesses qu'il provoque : risques infectieux par baisse des réserves protéiques nécessaires aux défenses immunitaires, chutes et fractures éventuelles compromettant l'autonomie de la PA. «Pour éviter l'aggravation de la fonte musculaire, l'apport nutritionnel conseillé en protéines animales (viandes, poissons ...) et/ou végétales (amande, pistache, noix de cajou, haricots rouges, lentilles, pois chiches, pois cassés, champignons, dattes et figues séchées, céréales...) et en particulier lors du ramadan, doit être supérieur à celui de l'adulte jeune : 1 à 1,2 contre 0,8 à 1g/kg/j, soit 12 à 15 % des nutriments» recommande la spécialiste. Qualité du sommeil à préserver Le sommeil se modifie avec l'âge tant par sa structure que par sa qualité, avance la spécialiste. D'après son analyse, son temps total diminue et il devient moins efficace car plus fragmenté par des réveils nocturnes fréquents. L'observation du ramadan ne doit pas se faire en complète rupture avec une bonne hygiène de vie et donc de sommeil. Il faut donc, autant que possible, selon Dr Moussayer, c'est d'essayer de conserver une heure de coucher et de lever régulière, de consacrer une heure de sont temps l'après-midi, à une sieste réparatrice, de pratiquer une activité physique et de s'exposer (sans excès) à lumière naturelle durant la journée. Les boissons contenant des excitants (café, thé) ainsi que le tabac sont à éviter ou à consommer de façon minime. Pas non plus d'abus de nourriture toute la nuit qui vont ensuite perturber ce sommeil. La bonne règle en ce domaine est de prendre un petit déjeuner très consistant avant le lever du soleil, de faire un repas léger au moment de la rupture et d'en faire un autre 3 heures après. Activité physique à maintenir Pour parer aux conséquences de la sédentarité durant le confinement exigé par l'épidémie du coronavirus, il est conseillé par Dr Moussayer de se lever toutes les 30 minutes au minimum pour marcher pendant 4 ou 5 min et de faire des exercices de souplesse et de renforcement musculaire, au moins pendant 15 min par jour : même dans un espace restreint, c'est un bon moyen de maintenir la masse musculaire. Cette activité physique a également un impact positif sur le sommeil et sur le moral en général.