Depuis le début de la pandémie du coronavirus, l'espace numérique a été inondé de fausses informations liées à ce nouveau virus, peu connu, même des scientifiques. Et, les journalistes dont le métier est d'informer, se sont retrouvés à faire face à plusieurs défis et aléas. Alors que la moitié de la planète est confinée, dont un certain nombre de journalistes, l'accès à l'information juste, est devenu un réel challenge pour ces derniers. Les journalistes bousculés dans leur mode et habitudes de travail, se sont retrouvés acculés devant une abondance d'informations sans que leur pertinence ou leur véracité ne soit prouvée et devant leur obligation de rapidité. Face à la course au scoop, à l'information de première main, certains professionnels de l'information ont cédé au piège de la rumeur, de la fake news, diffusée par monsieur et madame tout le monde. Des montages photos aux mises en scène vidéo, la recherche du vrai du faux est devenu un défi en ces temps de pandémie du coronavirus. La circulation de fausses études, de fausses prévisions sur le nombre de morts, de communiqués de presse fabriqués de toutes pièces obligeant les entités concernées à faire des démentis, des déclarations attribuées à l'Organisation mondiale de la santé, des vidéos alertant sur des supposés cas de covid-19 dans des hôpitaux ou des restaurants, sans parler des vidéos de pseudo-experts et celles datant de plusieurs années ayant resurgi, ont été et continuent d'être le lot quotidien de challenges et responsabilités des journalistes qui, se doivent de vérifier toutes ces sources avant de s'engager à informer le public. « La prolifération des fake news en temps de corona, c'est une tendance qui a été mondiale », a indiqué à Hespress FR, Nadia Lamhaidi, professeure de d'éthique et de déontologie journalistique à l'Institut Supérieur de l'Information et de la Communication de Rabat. Interrogée sur l'existence de répercutions négatives sur l'éthique et la déontologie des journalistes en temps de confinement, l'universitaire déclare: « Je ne sais pas si c'est lié au confinement, je ne le pense pas! L'éthique et la déontologie des médias restent sacrées quels que que soient la période ou le sujet qu'on traite ». «Ce n'est pas parce qu'on est confiné qu'on va partir à la chasse d'informations sans les vérifier, sans les recouper, sans y mettre la précaution nécessaire », a-t-elle martelé. Néanmoins, la réalité de la situation dans les médias, surtout numériques, a prouvé que l'exactitude des faits relatés n'était pas toujours au rendez-vous. Pour la spécialiste, « on a tous été très inquiétés et très perplexes face à la prolifération des fake news, pas uniquement dans les médias numériques, on a vu même des journaux bien installés dans l'échiquier médiatique autant au Maroc qu'ailleurs ». Nadia Lamhaidi en veut pour exemple « une prière du vendredi qui a été organisée sur des terrasses, alors qu'en regardant de près la photo on voit bien qu'il ne s'agit pas du Maroc ». « L'architecture urbaine, et le +dress code+ des personnes qui paraissaient sur la photo qui, ne correspondaient pas au Maroc », explique-t-elle. « Je ne citerais pas la presse électronique, où il y a eu beaucoup de rumeurs, beaucoup d'approximations, beaucoup de fake news », poursuit-elle, estimant que certains médias, motivés par la course à l'information ont « poussé le curseur plus loin », non seulement en diffusant de la fake news mais aussi en la partageant. Avec le phénomène de la « viralité » qui accompagne souvent les informations sur internet, les rumeurs et fausses informations « se propagent à une vitesse exponentielle », avance l'universitaire. La chasse aux fausses informations Au Maroc comme partout dans le monde, depuis que l'épidémie du coronavirus a fait ses premières victimes, la population a été témoin de vagues de fausses informations publiées sur des sites web et repartagées par les citoyens sur les réseaux sociaux, et applications de messageries instantanées. Des « personnalités », des « influenceurs » ayant une audience importante sont tombés dans le piège de la calomnie, tandis que d'autres personnes ont usé et abusé de l'option de « partage ». Alors que le virus est toujours un mystère pour la communauté scientifique et les gouvernements qui tentent tant bien que mal de trouver des stratégies et des issues pour endiguer la propagation du covid-19, des fake news portant sur l'origine du virus, les traitements naturels, les théories complotistes visant certains pays, la découverte d'un autre virus, ou encore les alertes sur des absurdités comme la rupture de stocks dans les marchés, ont conduit à l'affolement de la population. « On a vu au Maroc, que la loi sur les fake news adoptée récemment, a été très brandie pour des poursuites contre la propagation et la diffusion de fake news et je crois que l'occasion a été donnée au législateur de rappeler à l'ordre plusieurs journalistes, et pas que, toute personne susceptible de diffuser et partager des informations dans les médias et sur les réseaux sociaux », réagit Nadia Lamhaidi. Selon elle, « partager une info fausse, non vérifiée, c'est d'abord violer l'éthique et la déontologie des médias, ça c'est un fait, c'est un acte antinationaliste. Diffuser de fausses informations, c'est menacer la stratégie nationale en matière de lutte contre le covid-19, qui est aujourd'hui saluée de par le monde », ajoute-t-elle encore, notant que « cette responsabilité incombe à l'ensemble des citoyens« . « La vérification, le recoupement, l'accès aux sources, la relation de confiance avec la multiplicité des sources, sont devenus très importants», affirme notre interlocutrice, avant de conclure que « le fact checking, le fait de vérifier ses informations, de les sourcer, est devenu un facteur essentiel et fondamental dans l'action et le travail du journaliste ».