Depuis le 25 février courant, plusieurs camions marocains d'exportation de produits agricoles à destination des marchés européens ont été bloqués et saccagés en Espagne par les agriculteurs Espagnoles. Un acte fermement dénoncé par l'ASMEX et la chambre du Commerce de l'Industrie et des Services de la région Souss Massa, qui ont été saisies par des exportateurs de la région. Les deux institutions citées ont ainsi appelé le « gouvernement marocain à intervenir d'urgence afin de mettre fin à ces actes et prendre les mesures qui s'imposent ». Et pourtant, les agriculteurs espagnols poursuivent leurs attaques face à l'absence totale des autorités espagnoles, considérées pour les exportateurs marocains comme étant complices de ces actes de sabotage. Joint par Hespress Fr, Habib El Kourch, agriculteur et exportateur marocain de maraîchage dans la région d'Agadir nous a déclaré que les agriculteurs justifient leurs actes par à la baisse des prix des maraîchages en Europe, et accusent les exportateurs marocains d'être à l'origine de cette baisse des prix de leur faire de la concurrence, sachant que les Marocains exportent vers l'Europe à travers l'Espagne depuis des décennies. « Une fois que les prix sont bas, ils nous accusent de concurrence déloyale alors que la production marocaine ne représente par rapport à la consommation européenne que 8%. L'Espagne n'est qu'un passage puisque les camions arrivant du Maroc traversent Algésiras, et il y a peu de marchandises qui restent en Espagne notamment l'haricot coco, produit par des Espagnols au Maroc. Mais le reste va à Perpignan ou autres » nous a-t-il déclaré. Concernant la production de maraîchages en Europe, le Maroc exporte quelque 8% des besoins de l'Europe, rappelle notre interlocuteur, soulignant que ce taux ne représente rien par rapport à la production européenne, « donc il n'y a aucune concurrence déloyale, 8% ne peut pas faire baisser les prix de 100% ». « Ils nous accusent de baisser les prix alors que ce n'est pas vrai. Le gros en exportation et en production que ce soit au Maroc ou en Espagne c'est la tomate. Si on observe les exportations du Maroc en tomate, elles sont très importantes, mais les Espagnols produisent 10 fois plus que nous. Et ce n'est pas parce qu'on exporte nos tomates que les prix vont baisser», argumente-t-il. De plus, Habib El Kourch nous fait savoir que les producteurs de maraîchage au Maroc achètent tous les ingrédients en Espagne, que ce soit le filet, le câble d'acier, les engrais, les pesticides et toute l'infrastructure nécessaire pour monter la serre, notant que la seule contribution des agriculteurs marocains dans le produit final est l'eau, la main-d'œuvre et la ferme. Pour le cas de cet agriculteur de la région d'Agadir, aucun de ses camions n'a été bloqué ou saccagé en Espagne. Toutefois, il estime que « le risque est là ». « Si c'est le camion de mon confrère aujourd'hui, demain ça peut être le mien. Donc c'est normal qu'on ait peur. C'est vrai que nous sommes assurés, mais aujourd'hui ça peut passer par une force majeure et on peut ne rien toucher de l'assureur » dit-il. L'agriculteur soulève ainsi un point important qui est le fait que les exportateurs marocains font travailler Algesiras, qui est le point de passage de leurs marchandises. « Algesiras bouge grâce aux exportateurs marocains. Il y a énormément d'espagnols qui vivent du travail que nous offrons », ajoute notre interlocuteur. Pour lui l'alternative pour mettre fin à ce genre d'actes perpétrés par les agriculteurs espagnols, est de changer d'itinéraire. Il y a possibilité de faire Tanger Med directement vers la France à Marseille par exemple. C'est-à-dire exporter la marchandise directement au pays de destination en Europe sans passer par l'Espagne. « Si les Espagnols entendent parler de cette alternative, parce qu'il y a des industriels espagnols qui vendent leurs produits au Maroc notamment les engrais, les pesticides, les files, etc, il faut que le Maroc fasse bouger ses lobbys contre les producteurs espagnols. Pourquoi ? Parce que sans nous, leurs chiffres d'affaires vont baisser », note-t-il. Cela dit, il souligne qu'il y a tout de même une partie des producteurs espagnols qui sont du côté des exportateurs marocains, c'est-à-dire les producteurs industriels espagnols, mais les producteurs de maraîchages, eux, sont contre les exportateurs marocains. « La majorité de nos marchandises traversent l'Espagne pour arriver en Europe. Mais les agriculteurs espagnols veulent s'approprier l'Europe. Ils disent l'Europe c'est nous » ajoute-t-il, Toutefois, ces agriculteurs espagnols en rogne, peuvent-ils approvisionner toute l'Europe, y compris leur pays ? Pour El Kourch, c'est « oui et non », puisque les exportations marocaines ne représentent que 8%, donc c'est négligeable. Toutefois, il souligne que la raison avancée par les agriculteurs espagnols, à savoir la concurrence des Marocains, n'est autre qu'un prétexte pour augmenter les subventions de l'UE. « C'est une affaire purement politique. Les Espagnols cherchent le maximum de subvention de la part de l'UE. C'est une histoire qui n'a aucun lien avec la concurrence. Mais ils racontent que c'est le cas. Ils crient sur tous les toits que les Marocains leur font de la concurrence, et qu'il faut les aider parce qu'ils perdent de l'argent », estime-t-il. Et d'ajouter dans ce sens, que « cela fait longtemps que l'Espagne absorbe des subventions de l'UE. Et quand les subventions diminuent un peu, ils ont recours à ce type d'actes ignobles ». Dans les vidéos parvenues à Hespress Fr, et qui montrent clairement les abus commis par des dizaines d'agriculteurs espagnols qui bloquent la route à des camions marocains et saccagent leurs marchandises, à aucun moment les autorités espagnoles ne sont intervenues. Pire ! Elles ont brillé par leur absence. Pourquoi ? La seule interprétation, selon notre interlocuteur, est que, justement, « l'Etat espagnol cherche à avoir plus de subventions de l'UE, donc il ferme les yeux ». « Parfois on demande qu'appliquer la loi pour nous protéger et respecter les conventions signées entre le Maroc et l'Espagne. Mais même les lois ne sont pas appliquées, dans un pays qui se dit démocratique, alors que la réalité est toute autre », s'indigne-t-il. Pour notre interlocuteur, le schéma est clair: « Le Maroc a signé une convention avec l'UE, mais l'Espagne qui est aussi signataire de cette convention ne fait rien pour protéger son application. Elle protège par contre la contrebande qui est illégale. Aujourd'hui les Espagnols sont furieux, parce que le Maroc a bloqué la contrebande entre Sebta-Melilia et le Maroc. Un accord signé officiellement, on le laisse tomber, on ne le défend pas et on ne le protège pas, mais on défend la contrebande ».