La régulation des médias face aux nouveaux enjeux du numérique et les mutations du secteur audiovisuel pose un certain nombre problèmes pour les autorités régulation nationales qui sont de plus en plus appelées, d'une volonté gouvernementale mais aussi citoyenne, à prendre part à l'environnement numérique. Telle était la question en débat, ce jeudi lors d'une conférence internationale consacrée aux régulateurs audiovisuels. Si internet et les réseaux sociaux ont totalement changé les modes de consommation des contenus audiovisuels dans le monde et s'imposent de facto dans la société, les régulateurs restent toujours confinés dans leur rôle strictement lié aux opérateurs de radio et télévision. C'est l'un des constats qu'ont fait les opérateurs publics et privés de l'audiovisuel lors d'une session inaugurale consacrée à la régulation des médias face à un environnement numérique, mobile et social. La 5G, un monde inéluctable En ce sens, Latifa Akharbach, présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle du Maroc (HACA), et vice-présidente du Réseau des Instances Africaines de régulation de la communication, a rappelé qu'actuellement le numérique est « un grand chantier ouvert » et qu'au Maroc, la HACA n'est pas un régulateur numérique, malgré que l'instance reçoit annuellement un grand nombre de plaintes liées à l'espace numérique. « Nous passons depuis un bout de temps par une période d'émotion planétaire en relation avec le lancement de la 5G. C'est une rupture technologique, une innovation absolue », a-t-elle déclaré lors d'une allocution ouvrant cette conférence internationale qui doit durer jusqu'à vendredi en présence de participants aussi bien africain, européens qu'américains avec une présence pour la première fois du Mexique. « Cette 5G va nous transposer dans un monde qui n'est pas augmenté mais nouveau et inéluctable », a ajouté la patronne de la HACA, en référence à cette nouvelle technologie qui est sur le point d'être lancée et qui divise déjà dans certains pays tels qu'au Royaume-Uni. Affirmant qu'elle intéresse également les régulateurs, qui sont « seulement l'un des acteurs » intéressés par cette technologie, Mme Akharbach a expliqué que d'autres sphères sont également très intéressés, notamment l'espace public, virtuel, et la sphère politique. Photo Mounir Mehimdate Le secteur de l'audiovisuel doit se réinventer De son côté, Peter Essoka, le président du Conseil national de la Communication du Cameroun, président en exercice du Réseau des Instances Africaines de Régulation de la communication (RIARC) a énuméré les défis auxquels doivent faire face à présent les autorités de régulation à l'ère de la transformation du numérique. Ainsi, la numérisation des signaux, la montée en débit des réseaux, l'efficacité en matière de compression et de diffusion, la généralisation des équipements à des prix abordables, font partie des avancées technologiques qui ont permis aux téléspectateurs d'accéder à une offre télévisuelle de plus en plus riche et variée, a-t-il indiqué, notant par ailleurs qu'internet constitue un moyen de diffusion supplémentaire. En outre, Peter Essoka a fait le constat que la création audiovisuelle n'est plus restreinte à une certaine catégorie. « Elle est plus accessible y compris pour des non professionnelles ». « Il s'agit d'une révolution technologique qui entraîne une révolution comportementale », qui nécessite une réorganisation de la chaîne de valeur du secteur, a-t-il affirmé. « La régulation audiovisuelle est plus que jamais appelée à s'adapter. Sous sa forme actuelle la régulation effectuée de nos instances membres et devenue inadaptée à un environnement numérisé », a-t-il insisté, tout en expliquant qu'elle a été conçue pour un marché fermé. Les appréhensions du numérique plus que jamais une réalité Enfin, Nouri Lajmi, le président de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle de Tunisie (HAICA), également président en exercice du réseau francophone des régulateurs des médias, a plaidé pour la nécessité de recourir urgemment à des mécanismes de régulation des contenus sur internet. Photo Mounir Mehimdate « Les avancées technologiques et les progrès exponentiels d'internet nous posent d'énormes défis », a-t-il reconnu avant d'ajouter que les craintes que suscitent les réseaux sociaux et les plateformes numériques ne datent pas d'aujourd'hui. Et d'ajouter que ces réseaux électroniques qui permettent de relier tous les ordinateurs de la planète, de produire et de diffuser des fichiers et de retracer des détails de votre vie est devenu un phénomène social mondial, reconnaissant qu'il suscite autant de « l'enthousiasme et de controverse ». « Avec le développement exponentiel d'aujourd'hui, de l'intelligence artificielle, des algorithmes on comprend les raisons de ces inquiétudes qui ne sont pas de simples vues d'esprit. La diversité des services offerts, la multiplication des outils utilisés, crée une nouvelle donne à laquelle il faut se préparer et s'adapter », a-t-il noté. Et de conclure qu'il est « nécessaire de réfléchir sur ce qu'il faut faire pour éviter de engrenages qui risquent d'impacter l'avenir de ce secteur et celui de nos sociétés ».